02/07/2016 – 06H15 New York (Breizh-info.com) – Tout au long des élections américaines de 2016, retrouvez chaque vendredi l’analyse de Pierre Toullec, spécialiste de la politique américaine, en exclusivité pour Breizh Info. L’occasion de mieux comprendre les enjeux et les contours d’élections américaines finalement assez mal expliquées par la majorité de la presse subventionnée – sponsor démocrate de longue date. L’occasion également d’apprendre ce qui pourrait changer pour nous, Européens, suite à l’élection d’un nouveau président de l’autre côté de l’Atlantique.
Le terrible mois de Donald Trump
Partie II : des prises de position très mal calculées
La période entre la victoire dans la primaire d’un candidat jusqu’à sa nomination officielle au cours de la convention nationale est généralement une période calme pour les vainqueurs. Le travail réalisé se concentre généralement à panser les blessures de l’élection interne et le mise en place d’une campagne nationale qui ne sera réellement lancée qu’une fois les conventions des deux grands partis terminées – avec un démarrage en douceur durant le mois d’août.
Pourtant, depuis des mois, les candidats dits « antisystème » internes aux partis républicains et démocrates que sont Bernie Sanders et Donald Trump ont commencé à faire craindre une situation similaire à celle de 1968.
Officieusement (sa victoire ne pourra être officielle qu’à la fin de la convention républicaine de mi-juillet), Donald Trump a remporté la primaire républicaine il y a un mois. Pourtant, au cours des quatre dernières semaines, ce qui aurait dû être une simple marche vers la constitution d’une campagne digne de ce nom, le milliardaire a vécu une période bien plus difficile que la primaire à travers laquelle il est passé au cours du premier semestre de cette année 2016. Et, effectivement, aucun parti ni républicain ni démocrate n’a eu autant de mal à se regrouper autour de son candidat depuis l’échec cuisant de la gauche américaine en 1968.
Des scandales à répétition
Le début du mois de juin fut difficile pour Donald Trump sur la question des idées avancées. Ses idées sur l’immigration et la question du remplacement de la population américaine par une population hispanique choquait mais passait relativement sans douleur au cours de la primaire. L’adaptation de son discours à une campagne nationale hors du parti républicain lui a demandé un temps d’adaptation.
Alors que Hillary Clinton reste emmêlée dans les scandales liés à Benghazi et à l’utilisation d’un serveur privé alors qu’elle était ministre des affaires étrangères, Donald Trump est lui au cœur d’une autre affaire légale lié à l’un de ses projets avortés : Trump University. Selon ceux qui l’attaquent en justice, cette « université » n’était qu’un montage pour soutirer de l’argent à des individus en situation de grande précarité en leur promettant une formation qui n’avait en réalité pas de valeur. L’affaire est en cours, ce sera au système judiciaire américain de juger si le candidat républicain est coupable ou innocent.
Problème, le juge en charge de l’affaire se nomme Gonzalo Curiel et ses parents étaient immigrants (légaux) mexicains. Le juge Curiel lui-même est né en Indiana, donc américain de naissance, tout comme Donald Trump est né à New York d’une mère écossaise. Or, début juin, Trump a exigé que le juge Curiel se retire de l’affaire car « comme il est mexicain, il ne peut pas être impartial sur une affaire [le] concernant ».
Ce commentaire a créé une avalanche de réactions à droite comme à gauche. Tout d’abord, le juge est américain. Immédiatement, de nombreux élus et commentateurs politiques ont relancé l’idée que Donald Trump est fondamentalement raciste. Ensuite, il est juge, il doit donc faire son travail de façon impartiale. Il semblerait que Donald Trump n’a pas confiance dans ses chances de gagner ce procès et cherche déjà à compenser les conséquences politiques d’une condamnation. Enfin, les inquiétudes ont commencé à monter très fortement dans l’État de Floride. Difficile de remporter l’élection présidentielle sans remporter cet État.
Or, l’un des points forts des républicains depuis plusieurs dizaines d’années est la communauté cubaine qui vote majoritairement à droite par haine du régime communiste de Cuba. Depuis le mois de mai, plusieurs sondeurs montrent que pour la première fois depuis longtemps, cette communauté pourrait se tourner en majorité vers les démocrates si Trump devenait le candidat républicain . La communauté cubaine, en particulier les immigrés de seconde et troisième générations (qui pour certains d’entre eux sont donc américains depuis plus longtemps que Donald Trump) a particulièrement mal réagit à cette sortie sur le juge Curiel. Si la communauté cubaine votait démocrate en 2016, toute chance de remporter la Floride pour les républicains s’envolerait.
Des changements de positions dangereux
De manière générale, les changements de positions sur le long terme sont tolérés aux Etats-Unis mais tout de même relativement mal vus. Les hommes politiques qui changent d’avis sur plusieurs sujets au cours de leur carrière sont qualifiés de « Flip-Flopers », lié au nom anglais des sandales (flip-flops) qui, lorsque l’on marche avec, changent de position et ne suivent pas exactement le mouvement du pied en même temps que les mouvements de la personne qui marche avec. Le candidat républicain de 2012, Mitt Romney, en a fait les frais. Au cours de sa carrière politique (courte comparée à de nombreux autres), il n’avait changé d’opinion que sur un sujet : il est passé d’une opinion pro-avortement à une position pro-vie. Ce seul changement lui a donné une réputation de « flip-floper » qui l’a poursuivie jusqu’à sa défaite en novembre 2012.
Problème : au cours du mois de juin, Donald Trump a réalisé un changement de position à 180° sur trois sujets majeurs dont il avait fait le fer de lance de sa campagne durant la primaire.
La Libye
Son premier changement de position du mois fut le 5 juin à propos de la Libye. En 2011, en plein cœur du conflit et alors que Nicolas Sarkozy travaillait à organiser une coalition internationale pour intervenir dans ce pays pour renverser Kadhafi et soutenir les rebelles, la France faisait partie des rares pays à vouloir envoyer des troupes sur place. Le président Obama et Hillary Clinton ont soutenu son initiative mais en refusant d’envoyer l’armée. Au contraire, leur position (et leur stratégie appliquée) fut d’employer uniquement des frappes dites « chirurgicales », c’est-à-dire se contenter de bombardements aériens (par drones ou avions) sur des cibles exclusivement militaires. A cette époque, Donald Trump a soutenu cette position.
Mais lors de la primaire républicaine, le candidat avait changé d’opinion, affirmant lors du débat républicain au Texas le 25 février 2016 qu’il aurait fallu ne pas intervenir du tout en Libye et que la situation sur le terrain serait bien plus stable si Mouammar Kadhafi était toujours au pouvoir. Cette prise de position n’était pas anodine. Peu populaire chez les élites républicaines et démocrates, c’est en revanche la position que défendait la frange gauche des électeurs démocrates et la frange libérale du parti républicain.
Mais, le 5 juin dernier, Donald Trump a à nouveau changé de position. Il a affirmé que cette intervention était nécessaire, mais surtout que « s’il avait été président à l’époque », il aurait employé davantage de moyens pour assurer la supériorité américaine sur le terrain. Il a aussi affirmé qu’il fallait reprendre maintenant les bombardements, notamment sur les sites pétroliers libyens, à cause de leur proximité avec ISIS.
Orlando et le droit de port d’armes
La NRA, plus importante organisation de défense du second amendement de la constitution et du droit de port d’armes, a officiellement soutenu Donald Trump le 20 mai dernier. A « l’époque », plusieurs défenseurs du droit de port d’arme ont critiqué cette décision car le candidat a une longue histoire de soutien de mesures pour diminuer le droit de port d’armes. Mais il est vrai qu’il en a fait un axe majeur de sa campagne au cours de la primaire républicaine.
La fusillade d’Orlando lui a fait changer de position. Dans un premier temps, le 17 juin, il a défendu le fait qu’au sein de la boite de nuit le « Pulse », il aurait fallu que les fêtards soient armés et en mesure de riposter pour (citation littérale de Donald Trump, ni la rédaction de Breizh Info ni l’auteur ne sont responsables de l’emploi de ces termes) « tuer le fils de pute ». Or, les partisans du droit de port d’armes, dont la NRA, sont opposés à cela, considérant que dans les lieux de consommation d’alcool, voire de drogues, seuls les vigiles doivent être armés (ce qui n’était pas le cas).
Par la suite, le 19 juin, il a totalement changé d’opinion sur ce sujet et a rejoint le projet défendu par le président Obama et Hillary Clinton, à savoir que toute personne soupçonnée de quoi que ce soit par le FBI ou présente sur une liste de surveillance de terroristes ou interdite de prendre l’avion devrait se voir interdire le droit d’acheter une arme. Or, l’État fédéral, les États fédérés et le FBI n’ont pas besoin de passer devant un juge pour mettre un individu sur ces listes. Il n’y a aucun procès ou jury qui contrôle ce processus. De fait, cette proposition permet à ces trois entités d’interdire le droit de port d’arme à tout individu quel qu’il soit sans avoir à justifier d’une raison et même sans en informer le citoyen. Ainsi, le 24 juin, l’Etat de Hawaï a décidé de faire lister tous les possesseurs d’armes par le FBI. La proposition de Donald Trump, Hillary Clinton et Barack Obama, si elle était mise en place, ferait donc que tout possesseur d’arme légale dans cet Etat se retrouverait immédiatement en situation illégale et devrait rendre son (ou ses) armes aux autorités fédérales malgré son permis.
Autre changement de position sur le droit de port d’armes, Donald Trump a annoncé qu’il soutenait le projet de faire lister par l’État fédéral tout possesseur légal d’une arme. Les partisans du droit de port d’arme ont été particulièrement choqués par cette mesure car le second amendement n’a pas été mis en place pour l’auto-défense en priorité. Il a été mis en place pour permettre aux citoyens de se défendre et de tirer sur les représentants de l’État s’ils considèrent que celui-ci devient trop autoritaire. De fait, cette proposition permettrait à l’État de se prémunir contre toute capacité de résistance des citoyens s’il devait devenir trop autoritaire.
A la suite de ces prises de position, la NRA n’a pas enlevé son soutien à Donald Trump mais a officiellement commenté en affirmant que ses propositions sont « absurdes ».
Orlando et ISIS
A la suite du drame d’Orlando, Donald Trump est aussi revenu sur la question d’ISIS. Sa position n’a pas été de ne rien faire. Depuis le début de sa campagne, il prône un bombardement des positions stratégiques de l’État islamique et a sous-entendu qu’il pourrait utiliser l’armement nucléaire américain contre cette menace si elle continuait à grandir. Cependant, il a toujours refusé de soutenir l’envoi de troupes et ne prônait que l’usage de frappes chirurgicales. Après Orlando, il a rejoint la position de Hillary Clinton, Bernie Sanders et Ted cruz en réclamant un bombardement massif d’ISIS le plus vite, le plus tôt et le plus massivement possible.
Le Brexit, la tentative de récupération ratée
Le Brexit – le vote pour l’indépendance du Royaume-Uni vis-à-vis de l’Union européenne – fut une nouvelle occasion manquée pour Donald Trump. Jusqu’à quelques jours avant le vote, il n’avait pas abordé la question mais le président Obama, Hillary Clinton et John Kerry (le ministre des affaires étrangères) se sont tous prononcés contre l’indépendance. Les précédents dirigeants républicains aussi étaient pro-Européens, le président George W. Bush ayant fortement soutenu le processus d’intégration politique de notre continent sur le modèle américain, c’était pour lui l’occasion de se démarquer de l’ensemble de la classe politique américaine avec une réelle légitimité : sa mère était une immigrante écossaise. Raté. A son arrivé quelques heures après l’annonce finale des résultats, « The Donald » a twitté :
« Je viens d’arriver en Ecosse. L’endroit est sans-dessus-dessous après le vote. Ils ont récupéré leur pays, comme nous allons reprendre l’Amérique. Je ne joue pas ! »
Or, à l’heure de la publication, il était très largement su que l’Ecosse avait voté à plus de 62% en faveur de rester dans l’Union européenne, comme l’Irlande du Nord, et que seuls l’Angleterre, le Pays de Galles et la Cornouailles avaient voté pour l’indépendance. Son (court) séjour en Ecosse en fut un fiasco, ce tweet (supprimé par Donald Trump depuis) devenant le seul sujet de conversation de journalistes et d’Écossais ravis de profiter de l’occasion pour démontrer que le candidat ne connait pas ses dossiers.
Deux heures après ce tweet, se rendant compte de son erreur, Donald Trump a tenu une conférence de presse dans laquelle il n’a pas abordé la question du Brexit le jour où le monde entier ne parlait que de cela. Durant son intervention, il n’a abordé que le club de golf qu’il a créé en Écosse alors que les médias voulaient avoir une réaction détaillée de sa part sur les conséquences du Brexit. Devant cette absence d’information, CNN a coupé court en plein milieu du discours de Trump pour revenir au sujet du Brexit.
Mais l’échec de ce voyage ne s’est pas arrêté là. Le principal leader sur la question de l’indépendance du Royaume-Uni depuis 1992, Nigel Farage, s’est ouvertement prononcé sur les questions politiques américaines. Il a fermement condamné la prise de position du président Obama sur le référendum et affirmé qu’il ne pouvait pas s’imaginer soutenir Hillary Clinton.
Mais surtout, il a affirmé qu’il aurait souhaité la victoire de Rand Paul, candidat malheureux à la primaire contre Donald Trump, et qu’il est très inquiet de la victoire possible de Donald Trump, affirmant qu’il est un étatiste et qu’il ne défend pas les idées du parti républicain américain ni celles portées par les défenseurs de l’indépendance du Royaume-Uni.
Cet échec complet en termes de politique internationale peut être compréhensible : il n’est pas possible pour un individu de tout savoir. Cependant, cela fait partie des éléments qui démontrent qu’avoir une très petite équipe de campagne est un problème très important pour Donald Trump : il n’a pas assez de conseillers et de salariés pour suivre l’actualité et l’informer des différentes évolutions. Il se retrouve donc à prendre des positions sans connaissance des faits et se décrédibilise.
Retrouvez la troisième partie du « mois terrible de Donald Trump » et sa conclusion sur Breizh Info le lundi 4 juillet !
Retrouvez les articles précédents :
1 – L’Iowa et Ted Cruz (5 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/05/usa-iowa-retour-sur-la-victoire-de-ted-cruz-aux-primaires-republicaines/)
2 – Le New Hampshire et Donald Trump (12 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/12/new-hampshire-retour-victoire-trump-primaire-republicaine/)
3 – Le décès du juge Scalia (19 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/19/elections-usa-les-consequences-du-deces-du-juge-scalia/)
4 – L’ascension de Donald Trump (26 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/26/39697/etats-unis-donald-trump-poursuit-son-ascension)
5 – Qui a réellement gagné le Super-Tuesday du 1er mars ? (4 mars 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/03/04/40056/elections-americaines-qui-a-gagne-super-tuesday)
6 – La convention républicaine de 2016 : l’arrivée d’une crise politique majeure ? (11 mars 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/03/11/40308/elections-americaines-convention-republicaine-de-2016-larrivee-dune-crise-politique-majeure)
7 – La primaire républicaine : une course à deux ou à trois ? (18 mars 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/03/18/40559/etats-unis-la-primaire-republicaine-post-15-mars-2016-une-course-a-deux-ou-a-trois)
8 – Les conséquences des attentats du 22 mars sur les élections américaines (25 mars 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/03/25/40896/consequences-attentats-22-mars-elections-americaines)
9 – 2016 : la compétition des impopulaires ? (2 avril 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/04/02/41152/elections-americaines-2016-competition-impopulaires)
10 – Le 5 avril 2016 : un tournant dans les primaires ? (8 avril 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/04/08/41594/usa-5-avril-2016-tournant-primaires-republicaines-democrates)
11 – L’Etat de New York : la surprise (22 avril 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/04/22/42453/elections-usa-letat-de-new-york-surprise)
12 – Donald Trump : la victoire au bout des doigts (19 avril) (https://www.breizh-info.com/2016/04/29/42803/elections-americaines-donald-trump-victoire-bout-doigts)
13 – L’erreur stratégique de Hillary Clinton (20 mai 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/05/21/43850/elections-aux-etats-unis-lerreur-strategique-dhillary-clinton)
14 – Les conventions républicaines et démocrates seront-elles sans risques ? (28 mai 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/05/28/44252/elections-etats-unis-conventions-republicaines-democrates-seront-risque)
15 – 2016 : l’année des candidats alternatifs ? (5 juin 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/06/05/44592/elections-aux-etats-unis-trump-clinton-primaires)
16 – L’échec du mouvement #NeverTrump ? (10 juin 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/06/10/44830/lechec-mouvement-nevertrump)
17 – Les conséquences politiques de la fusillade d’Orlando (20 juin 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/06/20/45207/elections-americaines-consequences-politiques-de-fusillade-dorlando)
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De toute façon pas plus que l’Empire Romain décadent du Vème siècle, l’Impérium USA, complètement miné ethniquement et économiquement de l’intérieure, ne pourra plus faire illusion encore bien longtemps avant de finir de pourrir et de se décomposer …
Donald Trump me fait penser aux ultimes légionnaires qui se rêvaient Empereur pour sauver un Empire en pleine déliquescence ethnique et morale.
Quand à Hillary Clinton elle est une parfaite réincarnation de l’épouse de l’Empereur Néron (laquelle était comme elle, c’est peu connu mais vérifiable, juive).