Serial Killers. Stéphane Bourgoin : « Dans la plupart des pays du monde, on tue beaucoup moins qu’il y a trente ou quarante ans » [interview]

02/07/2016 – 08H00 Paris (Breizh-info.com) –Les éditions Ring poursuivent ce qu’elles savent faire de mieux : sortir des ouvrages chocs et percutants. Ainsi, le dernier en date est celui de Stéphane Bourgoin, intitulé « Les 13 meilleurs histoires de serial killers ». Il s’agit en réalité d’un mélange entre des fictions sélectionnées par M. Bourgoin, spécialiste mondial des tueurs en série, et auteur d’une quarantaine d’ouvrages sur la question et des écrits de tueurs bien réels, comme Charles Manson ou l’immonde Gerard Schaefer. Un Gerard Schaefer dont la nouvelle « L’Invitation » est à ne pas mettre entre toutes les mains tant sa lecture procure une forte nausée..
Mais les nouvelles présentées – dont certaines traduites de l’anglais par Stéphane Bourgoin – ne sont pas en reste dans l’horreur et le sang. Difficile de nominer l’une d’entre elles, tant elles sont toutes différentes, mais prenantes et glaçantes. Mention subjective tout de même à « Dans l’abattoir » et à « la nuit où ils ne virent pas le film d’horreur » (Lansdale).

Les amateurs de polars et de tueurs en série n’ont pas d’autre choix que de se procurer ce livre de toute urgence. Un de plus sur les tueurs en série certes,  mais une réussite comme à chaque fois que Stéphane Bourgoin se lance dans l’écriture, dans l’enquête, dans le reportage.

Stéphane Bourgoin – Les 13 meilleurs histoires de serial killers – Ring – 19,90€

Nous avons d’ailleurs profité de la sortie de son nouvel ouvrage pour l’interroger, sur ce dernier mais aussi sur son métier, et sur sa « relation » avec ces monstres que l’on appelle les « serial killers » ( – « un quoi ? » – « un serial killer, un tueur en série quoi »).

Breizh-info : Qu’est ce qui vous a amené à vous focaliser à ce point sur les tueurs en série ?

Stéphane Bourgoin : Depuis 1976 exactement, avec le meurtre et le viol de ma compagne aux Etats-Unis. L’assassin a été arrêté deux années plus tard, et j’ai appris par les enquêteurs qu’il avait avoué une dizaine de crimes supplémentaires. A l’époque, en 1978, le mot serial killer n’existait pas encore, ni le concept. Il n y a avait strictement aucun livre ni aucune étude sur ce genre de phénomènes qu’à l’époque on qualifiait de manière tout à fait erronée de tueur fou ou de tueur de masse. Ils ne sont ni l’un ni l’autre ; on comprend aisément que ça n’est pas la même chose qu’un Anders Breivik, Richard Durn ou encore que les tueurs de Colombine .

Breizh-info : Toute votre carrière a été marquée par ce drame. L’avez-vous mené pour rendre hommage à votre femme assassinée ?

Stéphane Bourgoin :  Au départ oui, c’était un petit peu comme une sorte d’exorcisme. Maintenant, je n’oublie pas ce qu’il m’est arrivé, mais je suis surtout passionné par ce que je fais. Je dis bien passionné et non pas fasciné. Beaucoup de personnes sont fascinés par ce phénomène des tueurs en série. Moi je ne le suis pas car en permanence confronté à des victimes survivantes. Des policiers me fournissent des photos de scène de crime, je suis moi même allé dessus, j’ai rencontré des tueurs, donc je ne peux absolument pas être fasciné par ce genre de personnage. Par contre, oui c’est quelque chose qui me passionne.

Breizh-info.com : Vous sortez un nouvel ouvrage aux éditions Ring intitulé « les 13 meilleures histoires de Serial Killers ». Comment arrivez vous à vous renouveler, et à susciter un intérêt permanent chez le lecteur sur le même sujet ?

Stéphane Bourgoin :  J’ai voulu pour le coup faire une chose un peu différente. Il s’agit là d’un recueil de nouvelles, de fictions. J’ai voulu présenter le phénomène avec des textes de fiction dont certains sont centrés sur d’authentiques tueurs en série comme Jack L’Eventreur. Je publie même des textes écrits sur Jack L’Eventreur qui datent de moins de deux ans après que les crimes de ce tueurs se soient terminés . Mes autres ouvrages sont plutôt sur des affaires criminelles réelles, avec des documents. J’ai voulu confronté la fiction (auteur de polards) avec des textes écrits par d’authentiques tueurs en série comme Charles Manson ou Gérard Schaefer.

Breizh-info : Ces textes écrits par des tueurs en série sont effectivement parmi vos fictions, mais semblent moins effrayants (surtout celui de Manson, celui de Schaefer étant immonde) que les fictions elles-mêmes, n’est-ce pas paradoxal ?

Stéphane Bourgoin :  Oui tout à fait. J’ai voulu montrer en cela que l’on est très loin de l’image que nous renvoie la fiction. On peut prendre l’exemple de Pyschose ( Robert Bloch ) ou d’Hannibal Lecter,  où sont décrits des tueurs assez sophistiqués, conservateurs d’un musée à Florence, amateurs de vin fin ..et les comparer avec la banalité des tueurs en série quand on les confronte réellement. Ce sont des gens qui n’existent que par le meurtre des autres, et qui sont vraiment « des pauvres types ». Il n y a pas d’autres qualificatifs. A part un ou deux, sur les 77 que j’ai rencontré, qui avaient peut être un quotient intellectuel assez élevé ou peut être un certain nombre de bagage intellectuel, le reste c’est vraiment la banalité dans l’horreur.

Breizh-info.com : Comment se prépare-t-on psychologiquement lorsque l’on va rencontrer un tueur en série, surtout avec votre douloureuse expérience passée ?

Stéphane Bourgoin :  24h avant les rencontres, je dors extrêmement mal, voir par du tout. Non pas par crainte de la rencontre en elle-même, mais de peur de rater mon entretien. Il faut comprendre que ce sont des personnes très manipulatrices, des psychopathes sans empathie. Mon but, c’est de créer un lien avec cette personne qui n’a pas l’ombre d’un remord, d’une quelconque conscience ou portée de ses actes. Mon but c’est de devenir leur confident voir leur ami, pour qu’ils m’avouent leurs crimes. Pendant les entretiens, ils peuvent me raconter les pires horreurs, ça ne me touchera pas, parce que je suis totalement concentré dans l’entretien, dans la portée des paroles du tueurs. Je vais faire en sorte de ne pas fermer la porte de communication, de ne pas porter de jugement.
C’est surtout l’avant entretien qui est pour moi difficile, et quelque fois, après les entretiens, des semaines, voir des mois plus tard lorsque je les retranscris. Cela me revient « en pleine gueule » parfois.

Breizh-info.com : Il y a donc une difficulté à digérer, à recracher  pour sortir cela de vous ?

Oui, mais en même temps le fait d’en parler beaucoup (Stéphane Bourgoin donne une centaine de conférences par an ), d’écrire sur le sujet, d’intervenir lors d’émissions, m’aide à évacuer. Fort heureusement, j’ai aussi d’autres occupations, même si cela me prend 10-12h par jour.

Breizh-info.com : Sur les 77 tueurs en série que vous avez interrogé, est-ce que certains vous ont particulièrement marqué ou mis en difficulté ?

Le pire sans l’ombre d’un doute, c’est Gerard Schaefer. C’est aussi le pire texte que j’ai publié dans mon nouvel ouvrage « les 13 meilleures histoires de Serial Killers ». C’est un copié-coller, le modus operandi de ses propres crimes.

Breizh-info.com : En France, il semble y avoir finalement peu de tueurs en série par rapport aux Etats-Unis. Est-ce exact ?

Il y a quand même 153 cas reconnus depuis 1999, ce qui fait quand même beaucoup. J’ai écris un livre sur le sujet (« les serials killers sont parmi nous » Albin Michel), j’en ai rencontré un peu plus d’une dizaine, mais je n’ai pas le droit de faire état de leur identité, de relater mes entretiens avec eux, et la plupart de ces entretiens ont été filmées. Ces images ont été uniquement destinées aux formations que j’effectuais pour l’administration pénitentiaire, pour la Gendarmerie nationale ou pour le Centre national de formation de la Police Judiciaire. Par écrit, je me suis engagé à ne jamais évoquer la teneur de ces entretiens.
Je suppose que si maintenant, ou à l’avenir, je décidais de filmer à nouveau des entretiens avec des tueurs en série Français, je pense que j’en obtiendrai l’autorisation et que je pourrais même diffuser ces images dans des émissions télévisées.

Breizh-info.com : on a l’impression qu’avec notre société de l’image où le monde entier peut voir, avec Internet, de plus en plus d’actes de barbarie en vidéo, le tueur en série qui fascinait dans les années 90 est beaucoup plus « banalisé ». Comment faire le distingo entre ce qui va relever du tueur en série et ce qui relève de « l’horreur quotidienne » ?

C’est une excellente question. C’est quelque chose qu’effectivement l’on voit au quotidien. Par exemple, la seule motivation du dépeceur de Montréal, tueur en série en puissance (Luka Roko Magnotta) et de sa vidéo qu’il a posté sur Internet dans laquelle il commet des actes post-mortem, était de devenir célèbre grâce à sa vidéo. Il y a une véritable volonté de la part de certains criminels de devenir célèbre, de poster leurs vidéos ce qui risque d’ailleurs d’entrainer leurs arrestations. On l’a vu également avec les deux tueurs en série Ukrainiens mineurs (les maniacs de Dniepropetrovsk) qui ont posté des vidéos absolument atroces (meurtres de SDF, ils se sont même fait photographier avec des selfies pendant les enterrements de leurs victimes). Quand moi je vais les rencontrer, ils me disent qu’ils voulaient avoir des souvenirs quand ils seraient plus âgés.

Breizh-info.com : Est-ce que notre monde moderne, du tout connecté, du tout image, du selfie et du narcissisme ne peut pas fabriquer une nouvelle race de tueurs en série ? 

Je ne pense pas. Mis à part ces deux exemples que j’ai donné où la reconnaissance et la diffusion sur Internet était véritablement le mobile de leur crime, il y a eu des tueurs en série à toutes les époques. Neron, Caligula, Gilles de Ray…étaient tous des tueurs en série. On a tendance à oublier les affaires du passé et obligatoirement, elles sont moins médiatisées à cause d’Internet. N’oublions pas non plus que dans la plupart des pays du monde, on tue beaucoup moins qu’il y a trente ou quarante ans. En France, le nombre des homicides est divisé par deux par rapport à il y a trente ans. Aux Etats-Unis, on tue deux fois moins qu’il y a vingt ans. La ville de New-York et sa région l’an dernier ont connu onze jours consécutifs sans le moindre homicide.
IL y a des exceptions bien entendu, avec des pays comme l’Afrique du Sud, le Nigéria, tous les pays d’Amérique Centrale, le Mexique, le Brésil, l’Argentine, le Vénézuéla, où là par contre les homicides sont en hausse exponentielle. Mais,  dans la plupart des pays du monde, en règle générale, les homicides sont en très forte régression.

L’an dernier en France, on a tué entre 750 et 780 personnes, alors qu’il y a vingt ans, on tuait entre 1300 et 1500 personnes par an.  La notion d’insécurité est toutefois beaucoup plus présente qu’elle n’était autrefois – les médias ouvrent d’ailleurs leurs journaux sur les faits divers – à cause de la télévision et d’Internet. Je m’en rends compte moi même au travers de ma page facebook officielle (22 000 visiteurs par jour).

Breizh-info.com : Il y a donc un intérêt, une fascination pour le meurtre, en expansion ?

Oui, c’est indiscutable. Autrefois quand j’ai commencé, à la fin des années 80, à écrire mes premiers livres, je recevais une lettre par mois environ. Actuellement, je reçois au minimum 150 mails par jour (on ne peut d’ailleurs m’envoyer de messages privés via facebook, c’est devenu ingérable).

Breizh-info.com : Quels sont vos projets futurs, après la présentation de ce livre ?

Je sors un nouvel ouvrage le 2 janvier 2017 chez Grasset, un autre chez Ring, ainsi que dans leur collection de poche (La Mécanique Générale) .  J’ai aussi, à partir de 2017, un projet de fiction.  J’écris mon premier thriller, sur les tueurs en série, qui devrait sortir fin 2017 chez Grasset. Je développe par ailleurs une série télévision, de fiction, en collaboration avec Jérôme Camut et Nathalie Hug. Notre projet a été validé par le producteur de la série Les Revenants, qui cherche actuellement le financement. Il s’agira d’une production anglo-saxonne, avec une première saison de 8 épisodes de 52 minutes, suivie d’une deuxième en cas de succès.

Propos recueillis par Yann Vallerie

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine

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Une réponse à “Serial Killers. Stéphane Bourgoin : « Dans la plupart des pays du monde, on tue beaucoup moins qu’il y a trente ou quarante ans » [interview]”

  1. al*so dit :

    ils y auraient donc des tarés!!! conspirationniste!!!

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