24/06/2016 – 14H00 – Édimbourg (Breizh-info.com) – Hier soir encore, la cause du Brexit semblait entendue : le « remain » allait l’emporter, le Royaume-Uni resterait membre de l’Union européenne. Une participation très élevée était annoncée, ce qui devait être favorable au statu quo : le « marais » n’aime pas changer. Le remain était le choix du cœur depuis le meurtre de la députée anti-Brexit Jo Cox. La quasi-totalité des sondages donnaient le vote européen gagnant et les bookmakers enregistraient quatre paris sur le remain pour un seul sur le leave. Les Bourses européennes, après un coup de mou la semaine dernière, étaient reparties à la hausse, rassurées ; la livre sterling s’était raffermie. Même l’intraitable Nigel Farage, patron de l’Ukip, admettait hier soir sa défaite imminente.
Et patatras, ce matin à l’aube, le dépouillement des bulletins donnait un résultat pas très large mais clair : 51,8 % pour le Brexit, 48,1 % contre.
À l’instar de la City londonienne, l’Écosse a donné une large majorité de ses votes, 62 %, au remain (loin quand même des 96 % de Gibraltar !) « L’Écosse a émis un vote fort, sans équivoque », a constaté Nicola Sturgeon, présidente du Scottish National Party (SNP) . […] Il est clair que le peuple d’Écosse voit son avenir dans le cadre de l’Union européenne. » L’écart entre le vote écossais et le vote anglais, ce dernier largement favorable au Brexit, pourrait préluder à un nouveau référendum sur l’indépendance. Cette perspective a été agitée à plusieurs reprises au cours de la campagne, en particulier par Alex Salmond, précédent président du SNP. La romancière JK Rowling y croit et proclame que « le legs de David Cameron aura été de briser deux unions ». Certains rappellent qu’avant le référendum sur l’indépendance de 2014, le camp du no avait fait valoir aux électeurs écossais que le seul moyen pour eux de rester à coup sûr citoyens européens était… de refuser l’indépendance ! Comment dit-on cocu en gaélique ?
La question d’un référendum sur l’indépendance pourrait aussi se poser en Irlande du Nord, où le Brexit a aussi été largement rejeté. Le Sinn Fein y réclame un référendum sur l’unification de l’Irlande, qui permettrait à la province de rester membre de l’Union européenne. Au Pays de Galles, en revanche, le Plaid Cymru a de quoi se sentir déçu. On pensait que les Gallois rejetteraient le Brexit. Ils l’ont au contraire réclamé dans les mêmes proportions que les Anglais !
Résultats du vote européen par nation britannique
Et même en Écosse, à vrai dire, la question d’un nouveau référendum est délicate : d’après les sondages, les électeurs n’y sont pas favorables. Et le Brexit risque de ne rien simplifier en réalité. Comme le note Nicola McEwen, professeur à l’université d’Édimbourg, une Écosse indépendante aurait peu de chance d’être autorisée à adhérer à l’Union européenne en conservant la livre sterling, qui sera désormais la monnaie d’un État non européen.
D’autant plus que le vote sur l’Europe est loin de révéler une Écosse unanime. Les 62 % du remain déçoivent les partisans de l’Union européenne : ils attendaient mieux. Les sondages avaient longtemps annoncé un vote pro-européen encore plus massif en Écosse. Le soutien du SNP, des Travaillistes et des Lib-dems promettait au remain au moins 75 % des suffrages, par référence avec les résultats de l’élection au parlement du mois de mai. De plus, l’électorat ne s’est pas autant mobilisé que dans le reste du Royaume-Uni. Ils n’a voté qu’à 67,2 %, alors que la responsable des opérations électorales en Écosse, Mary Pitcaithly, comptait sur une participation comprise entre 70 et 80 %. Le référendum de 2014 sur l’indépendance avait vu une participation de 85 %.
Certains reprochent au Scottish National Party une campagne sans relief, notamment de la part de Nicola Sturgeon. « On ne l’a vue nulle part avant les derniers jours de la campagne », notait un responsable travailliste cité par le Scotsman. Mais peut-être la présidente du SNP aurait-elle même mieux fait de s’abstenir totalement : comme Breizh-info l’a déjà signalé, son intervention (où elle a notamment pris position en faveur de l’immigration) a été suivie d’une chute de 13 points des intentions de vote remain.
S’il est lourd d’inconnues pour le Royaume-Uni dans son ensemble, le résultat du référendum risque donc de poser encore plus de questions à l’Écosse en général et au SNP en particulier.
Crédit photo : [cc] Scottish National Party (SNP) extrait d’une vidéo YouTube
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Une réponse à “Le Brexit pourrait poser plus de questions à l’Écosse qu’au Royaume-Uni”
52 % en faveur du Remain, ya pas un petit problème ? https://t.co/4zZne2M7W0