Nantes. La grande colère des agents de la SEMITAN

22/06/2016 – 05H00 Nantes (Breizh-info.com) – Mardi 21 juin, les transports en commun demeuraient perturbés à Nantes après qu’une agression très violente ait visé un conducteur de tram de la TAN samedi 18 juin dans le quartier dit « sensible » de Bellevue. Alors que quelques rares bus et trams circulaient, près de 200 agents ont défilé en ville, sans aucune bannière syndicale, et sont allés d’abord devant la mairie, puis devant la préfecture, réclamer le droit de travailler sans être agressés tous les jours. Leur mouvement de retrait a touché près de 80% des agents.

Depuis l’an dernier, rien n’a vraiment changé. Sur de trop nombreuses lignes du réseau de transports en commun nantais, « nique ta mère, ça veut dire bonjour ». Yohann Berthier, conducteur de bus et de tramway, défile avec ses collègues : « c’est un vase qui déborde. La colère. La tristesse. Car nous devrions être entendus. C’est beaucoup trop dangereux de travailler dans certains quartiers sensibles ». Parmi ceux qu’il cite, le Chêne des Anglais, Malakoff, la Souillarderie, gangrénés par la drogue. « Le Clos Toreau, au sud de Nantes, avec ses rodéos. Rodéos aussi à Bellevue, et ceux-là vont souvent jusqu’à Beauséjour maintenant. »

En deux ans, il a été agressé deux fois. « La première fois, j’ai été insulté, menacé et frappé au Chêne des Anglais », un quartier « sensible » au nord de Nantes. Ses collègues avaient été alors avertis par les circulaires internes, qui font état des agressions physiques sur le personnel. « La seconde fois, deux semaines après les attentats, fin novembre 2015, j’ai été insulté et j’ai eu des menaces au même endroit. Là, aucun collègue n’a été averti. On m’a dit que ce n’était pas assez grave ».

Alain Jousseaume, syndiqué à la CGT, fait aussi état de cette délinquance profondément enracinée dans les quartiers qui sont les plus « difficiles » pour la SEMITAN. « Ce sont toujours les mêmes. Des jeunes à problème, qui dealent, bloquent les portes, parfois ils sont même mineurs. ». Un autre conducteur, habitué du nord de Nantes, ajoute « il y a aussi un vrai problème de tirage d’alarme. Au Chêne des Anglais notamment. Trois à quatre par jour, ça les amuse, le conducteur doit sortir de sa loge et aller réarmer le signal. Sauf que le jour où le conducteur ne se lèvera plus et que l’alarme sera déclenchée, cette fois, pour une vraie raison… »

« A la Coulée, les dealers vendent de la drogue en permanence.»

Photo d'illustration: DR

Photo d’illustration: DR

« Aux Chêne des Anglais, les bus sont régulièrement caillassés, tous les dimanches. A la Coulée, juste à côté, les dealers vendent de la drogue en permanence. Ils sont dans le porche du numéro 2 et ils dealent à longueur de journée, alors on les dérange, voyez-vous », se rappelle Michel. « A la station Souillarderie », sur la ligne 1 dans le quartier « sensible » de la Bottière, à l’est de Nantes, « les dealers bloquent les portes des trams en permanence. Ils sont dans l’ascenseur de la station, quand le tram arrive, ils profitent de l’arrêt pour échanger la drogue et l’argent avec leurs clients dans les portes, les trams sont régulièrement retardés ».

Certes, le déploiement de la vidéo-surveillance est prévu par la mairie de Nantes d’ici à la fin du mandat sur certains secteurs, dont le cœur du centre-ville, « mais il y a deux problèmes », remarque Laurent Bourrichon (CGT) : « d’une, entre les études et l’installation, on nous donne rendez-vous dans trois ans, d’autre part les caméras, ça ne passe pas à travers les capuches. Pas plus que la vidéo-surveillance qui est déjà installée dans les véhicules de la TAN ».

La direction est aussi remise en cause, ainsi que les pouvoirs publics : « pour elle, la sécurité n’est pas son problème. La mairie renvoie la balle à la préfecture, personne n’est responsable, personne ne veut agir, et pendant ce temps on trinque. Y en a marre ». Le comportement de certains cadres est dénoncé par les agents. L’un d’eux se souvient : « dimanche, le 19 juin, il y a une balle de golf qui a traversé mon bus C2 vers le Chêne des Anglais, ça aurait pu être dangereux. Un cadre m’a répliqué que le golf de la Chapelle-sur-Erdre n’est pas loin, et que Tiger Woods devait être à l’entraînement. Quand on entend ça, on n’a pas vraiment envie de rire ».

L’insécurité mise sous le tapis depuis des années pour des raisons politiques

plainteclassée

Agent menacé : plainte classée…

Les agents de la TAN se sentent littéralement « abandonnés, y compris par la justice ». L’un d’eux nous montre la lettre de classement sans suite d’une plainte qu’il a émise pour menaces de mort commises fin juin 2013. Le classement sans suite a eu lieu fin mai 2016, trois ans plus tard. Très défavorablement connu de la justice, le mis en cause, d’origine maghrébine, avait passé près d’un quart d’heure, ce 29 juin 2013, à insulter l’agent dans le Busway entre la Joliverie et la Cité des Congrès, après une soirée très arrosée liée à sa récente sortie de prison. « Pour résumer, la justice se voile la face, la mairie se voile la face, la police se voile la face. La SEMITAN est très politisée, faut absolument que ça roule, quoi qu’il arrive, que personne ne se plaigne et que rien ne dépasse. Cela ne date pas d’hier », remarque cet agent qui se rappelle d’un épisode qui date d’il y a plusieurs années, « avant 2010 : j’avais été insulté pendant plusieurs mois dans le bus 52, qui est devenu 23 depuis, par un jeune de 14 ans qui se livrait à du racket dans le bus. J’avais fini par porter plainte. Son père avait débarqué à Dalby, il voulait tout casser à cause de mon dépôt de plainte. Et à l’époque, le numéro 2 de la SEMITAN, qui a pris sa retraite depuis, m’avait allumé en me traitant comme du bétail. Nous, on n’a qu’à subir, et le premier qui l’ouvre, c’est lui le coupable».

Yvon est au contrôle depuis quatre ans. Il a déjà essuyé plusieurs agressions : « plusieurs coups de poings, un ligament de cheville déchiré, une morsure. Des bousculades au quotidien ». Il fait état de soucis rencontrés « aussi par les services de maintenance, dans les quartiers sensibles, Bellevue par exemple. C’est leur quartier, aux dealers, faut pas les déranger ». Une autre consigne de la direction lui revient à l’esprit : « la direction a interdit aux agents de prévention d’aller entre le Bout des Pavés et le Chêne des Anglais, justement là où sont les arrêts la Coulée et le Chêne des Anglais. On doit faire tout le tour. En gros, on ne doit pas déranger les dealers ! », s’insurge-t-il. « On nous dit que c’est politique. C’est le quartier de Pascal Bolo, nous ne devons pas faire de vagues… »

Qui est Pascal Bolo ? Premier adjoint en charge des finances et des travaux, 3e vice-président de Nantes-Métropole où il s’occupe des finances et de l’emploi, président du MIN, de la Maison de l’Emploi, de l’Ecole de la deuxième chance, de la Mission Locale… ce socialiste préside aussi la SEMITAN et est adjoint aux quartiers nord. Occuperait-il trop de fonctions pour arriver à tout mener à bien ?

Dealers à Commerce : les clandestins sont toujours là

Il y a plus de trois mois quatre syndicats de la SEMITAN rendaient public un courrier qui faisait état de la présence récurrente de dealers devant le local de coupure des conducteurs à la station Commerce de la ligne 1. Cette présence est cependant établie depuis la fin de l’année dernière. Interpellés, les pouvoirs publics avaient annoncé qu’ils intensifieraient les patrouilles.

« Il n’y a aucune amélioration », dénonce Laurent Bourrichon (CGT) « Ah si, ils se sont déplacés devant les WC et le local des contrôleurs, si bien que nos collègues féminines, quand elles sortent des toilettes, s’entendent dire « combien tu prends ? » par les dealers », qui sont majoritairement de jeunes hommes de 20 à 35 ans, d’origine maghrébine. De nombreux dealers habitués de Commerce sont des clandestins qui n’ont pas grand chose à faire en France, et qui sont par ailleurs des habitués des audiences correctionnelles et de comparution immédiate du palais de justice.

La TAN s’y est d’ailleurs résignée, toujours pour ne pas faire de vagues probablement. Depuis le 22 avril 2016, une consigne d’exploitation sous le numéro 16.252 HB / EV, y est consacrée. Nous en avons pris connaissance. « Compte tenu de l’insécurité qui règne actuellement près du local conducteur / maîtrise Commerce en raison de la présence des dealers, des dispositions temporaires sont prises ». Elles sont toujours en vigueur. « Chaque jour à partir de 14h, les conducteurs qui le souhaitent peuvent prendre leur pause à la cafétéria Kervégan ». Et « le week-end dès le samedi matin, le RCS assurera le service gestion depuis le PCR de Dalby ». En bref : chaque après-midi et les week-ends, le terrain est abandonné aux dealers.

« On veut aussi travailler normalement, décemment, en toute sécurité » 

Reçus par la mairie et la Préfecture, les agents ont réclamé « une présence policière dans les secteurs de Nantes, que ce soit la police nationale ou la police municipale. Nous, on va partout, alors on est un peu agacés de voir la police municipale se cantonner au cœur de ville », remarque Yves, conducteur. « On veut aussi travailler normalement, décemment, en toute sécurité », ajoute Laurent Bourrichon. Jérôme, un jeune agent, constate que « quand on se fait agresser, faut attendre que la police arrive 25 à 30 minutes plus tard, et là encore ils sont rapides. Aujourd’hui, il y a plusieurs voitures de police autour de la préfecture pour faire la sécu autour de notre manif, comme quoi des moyens policiers disponibles, ça existe ».

« On veut aussi être informés des agressions que subissent nos collègues », ajoute Jérôme. « On n’a pas accès aux rapports trafic où elles sont listées », et qui ne sont lus que par les agents de maîtrise. « Je les lis tous les matins, et les agressions ne cessent d’augmenter. Même si pour la direction c’est stable, qu’est-ce que cela change pour nous qu’il y ait moins de baffes et plus de coups de poing ? Leur impact psychologique ne cesse de grandir », assène Laurent Bourrichon (CGT). Il tempère cependant « sur ces rapports, il n’y a pas tout. Les insultes, on ne les compte plus et on n’en fait plus état. Toutes les agressions ne s’y retrouvent pas non plus, sur ces rapports ».

Finalement, les agents de la TAN ont accepté de reprendre le service normal ce mercredi matin, après une réunion exceptionnelle en préfecture où la direction de la TAN leur a apporté des garanties par rapport à la sécurité de leur travail. « En gros, quand il y aura une agression maintenant, la ligne sera figée, tous les bus ou les trams seront à l’arrêt là où ils sont, le temps que secours et police interviennent », résume un agent de prévention. « Ensuite, s’il le faut, le quartier où cela s’est produit sera isolé du réseau pour le reste de la journée », ce qui n’intervient que de façon tout à fait exceptionnelle actuellement. « Ce n’est pas une solution miracle, bien sûr, mais c’est déjà mieux que rien. Et si un de nos collègues est à nouveau agressé violemment, on arrêtera à nouveau tout service, jusqu’à être écoutés, enfin ».

Crédit photos  : Breizh-info.com
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Une réponse à “Nantes. La grande colère des agents de la SEMITAN”

  1. Ludovic Lagrogne dit :

    Les jeunes français ignorent la chance qu’ ils ont de ne pas avoir connu la France d’ il y a trente ans, pas de comparaison douloureuse pour leur saper le moral. Est-il encore possible de vidanger la merde ? Oui ! Par le vote et si cela ne fonctionne pas nous trouverons autre chose, mais vite…

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