11/06/2016 – 07H00 ‑ Nantes (Breizh-info.com) – Le groupe Vivendi, multinationale des médias et du divertissement, vient de réussir son OPA sur Gameloft, leader de l’édition de jeux téléchargeables. Une affaire purement financière ? En réalité, les facteurs humains pèsent lourd dans cette opération.
Le président de Vivendi s’appelle Vincent Bolloré. Né en 1952, il s’est toujours montré fidèle à ses racines bretonnes. Juriste de formation, il a commencé sa carrière dans la finance avant de reprendre à moins de 30 ans la papeterie familiale OCB d’Ergué-Gabéric.
Le redressement de cette entreprise en difficulté a été le coup d’envoi d’une série de conquêtes de plus en plus ambitieuses et audacieuses qui allaient faire de lui la 9ème fortune française. À cause d’elles, Vincent Bolloré est souvent qualifié de « corsaire ». De fait, il a mené maints abordages financiers. Et aussi, pour filer la métaphore maritime, pas mal de renflouements, de virages de bord et même deux ou trois naufrages évités de justesse.
Pour ce marin de cœur (il a racheté en 2003 le yacht Paloma, sur lequel Nicolas Sarkozy a passé trois jours après l’élection présidentielle de 2007), la première conquête a été celle du transporteur Delmas-Vieljeux. Puis ce furent la banque, les médias, la publicité, l’énergie, l’agriculture, etc. Vincent Bolloré a aussi de grandes ambitions industrielles dans le véhicule électrique ; trente ans après le rachat d’OCB, il a massivement investi dans le Finistère en créant le fabricant de batteries BatScap. Depuis deux ans, il préside le groupe de médias et de divertissements Vivendi.
Union des Bretons indépendants
Au 21ème siècle, l’une des premières formes de divertissement est bien sûr le jeu vidéo. Avant l’arrivée de Vincent Bolloré, Vivendi s’était débarrassé de sa participation chez le numéro 2 mondial des jeux vidéo, Activision Blizzard. Bolloré a décidé de revenir dans ce secteur, d’où son OPA sur Gameloft et sa montée au capital de sa société-sœur Ubisoft. La logique commerciale de l’opération est claire. Sa logique humaine est plus compliquée.
Face à lui, Vincent Bolloré trouve cinq Bretons d’un genre bien différent. En trente ans, les frères Guillemot, Claude, Michel, Yves, Gérard et Christian, de Carentoir, ont fait de leur groupe le troisième éditeur mondial de jeux vidéos grâce à des titres comme Rayman, Lapin crétin et Assassin’s Creed. Malgré l’aspect olé-olé de leur métier, les frères Guillemot ont une culture rurale. Leur expansion a été rapide mais toujours menée d’un pas prudent. Les cinq frères se partagent la direction des sociétés du groupe ; chacun possède un cinquième du capital. Ubisoft suit une politique de « franchises » : quand un jeu réussit, elle le cultive et le fait évoluer pendant de nombreuses années. C’est un métier de paysan !
Et cela contribue à expliquer leur farouche opposition à l’arrivée de Vincent Bolloré chez eux. Attachés à leur indépendance familiale, ils font front contre celui qu’ils voient comme un brasseur d’affaires. La réussite de l’OPA sur Gameloft ne met pas fin à la querelle ; l’opération est d’ailleurs contestée en justice. Le Breton de l’Armor et ceux de l’Argoat pourront-ils trouver un terrain d’entente ? Certains ont prétendu que le « ubi » d’Ubisoft signifiait « union des Bretons indépendants ». Les Guillemot ont démenti. Mais l’idée peut toujours servir.
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