Livre intéressant que celui de Dominique Le Page. Effectivement, Nantes en Bretagne ? (Skol Vreizh) permet d’y voir plus clair dans les liens unissant nantes et la Bretagne du Moyen Age à nos jours. Pour l’auteur, le grand « changement s’opère dans la seconde moitié du siècle (XVIIe) avec l’ouverture de la route Atlantique et le démarrage du commerce colonial ( …). La participation de Nantes à une économie en voie de mondialisation modifie la relation avec l’espace historique breton. Alors que la Bretagne assure encore les trois quarts de son approvisionnement dans les deux premiers tiers du XVIIe siècle, à la fin du XVIIIe siècle, 80% du tonnage provient du trafic avec les colonies (…) Avec son essor, c’est une image nouvelle de la ville de Nantes qui nait : elle ne se définit plus par ses remparts, ses attributions judiciaires, ses privilèges qu’il faudrait défendre, mais par ses activités productives, son rayonnement, sa capacité aussi à réguler les flux ». Ce qui justifie cette affiche éditée en 1932 par la chambre de commerce et d’industrie de Nantes : « Nantes grand port industriel et colonial ». Pour les milieux d’affaires nantais, la Bretagne « historique » fait figure de Bretagne du passé. À la manœuvre, on trouve l’avocat Abel Durand, animateur de la société « La Loire navigable » qui crée en 1919 l’Association industrielle, commerciale et agricole de l’Ouest (AICAO) « dont le but est d’étendre l’Hinterland de Nantes aussi loin que s’étend la Loire et qui veut promouvoir une action régionaliste exclusivement déterminée par les préoccupations économiques et libérée des contraintes du passé ».
L’ouvrage de Dominique Le Page présente donc le mérite de bien mettre en lumière ce qui va inciter la bourgeoisie nantaise à se détacher de la Bretagne : ses intérêts ne se situent plus dans le cadre de la Bretagne historique. Aujourd’hui, «ce qui prime à Nantes, c’est le projet métropolitain». Nantes « doit entrer dans la catégorie des grandes métropoles européennes », vision soutenue par les aménageurs, les grands élus et toutes les professions concernées de près ou de loin par le BTP. Si Dominique Le Pape souligne bien cette réalité, il oublie pourtant d’indiquer que l’un des volets de l’ambition « Nantes métropole européenne » s’appelle aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
Mais le lecteur trouvera bien d’autres raisons d’afficher sa satisfaction en refermant ce livre qui rappelle, en particulier, les différents découpages subis par la Bretagne. Le professeur d’histoire qu’est M. Le Page ne se contente pas en effet de l’idée toute faite généralement admise par le mouvement breton – par ignorance et par facilité : c’est la faute à Pétain ! La partition de 1941 n’étant qu’une division parmi d’autres ; il y en eut avant, il y en eut d’autres après. Mais toutes présentent un point commun : Nantes et Rennes sont séparées. On peut tout de même regretter que le professeur d’université qu’est M. Le Page n’ait pas profité de cet ouvrage pour en exposer avec une précision de doctorant les différentes étapes, travail qui aurait été fort utile pour tous ceux qui s’intéressent à la question. Un bon tableau présente le mérite de fixer les choses et d’éviter les discussions inutiles !
B.M.
Nantes en Bretagne ? Dominique Le Page, Skol Vreizh, 152 pages, 9€50
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