Turquie. Erdogan le Conquérant

08/06/2016 – 07H00 Ankara (Breizh-info.com) – Jusqu’où ira Recep Tayyip Erdogan ? Ces derniers jours le président de la Turquie, qui a célébré en grande pompe l’anniversaire de la prise de Constantinople par les Ottomans en 1453, a réaffirmé son refus de qualifier de « génocide » le massacre des Arméniens et exhorté les femmes turques à faire des enfants. Glorification du passé, refus de la repentance et souci des enjeux démographiques : Erdogan affirme pour son pays une volonté de puissance, aux antipodes de l’Union européenne. Manifestement, aujourd’hui, «L’homme malade» – qualificatif donné dès le XIXe siècle par les puissances européennes à un Empire ottoman sur le déclin – n’est pas la Turquie.

Depuis l’arrivée au pouvoir en 2002 du Parti de la justice et du développement (AKP), le gouvernement turc fait constamment référence au passé impérial. Ainsi, le dimanche 29 mai 2016, alors que Français et Allemands commémoraient de la façon que l’on sait l’anniversaire de la bataille de Verdun, le président Erdogan a célébré à Istambul devant des centaines de milliers de personnes le 563e anniversaire de la prise Constantinople par Mehmet II le Conquérant en 1453.

«Je salue toutes nos capitales sœurs, de Sarajevo à Bakou», s’est exclamé le président turc, affirmant que d’ici sept ans la Turquie sera l’une des dix puissances économiques mondiales. « D’ici à 2023, nous ferons de l’héritière de «l’homme malade» d’il y a 100 ans l’une des dix plus grandes économies mondiales. C’est ce qui sied aux petits-enfants du Conquérant». »

M. Erdogan a également annoncé l’inauguration, fin août, d’un troisième pont sur le Bosphore qui portera symboliquement le nom du sultan Selim 1er, qui massacra au XVIe siècle quelque 40.000 alévis, une minorité musulmane libérale.

Si la Turquie célèbre ses victoires, elle n’entend pas non plus verser dans la repentance. Le vote, le 2 juin 2016, par les parlementaires allemands d’une résolution qualifiant de «génocide» les massacres d’Arméniens dans l’Empire ottoman en 1915 a déclenché les foudres d’Ankara qui a rappelé son ambassadeur à Berlin. Ce vote  a été qualifié de «ridicule» par le nouveau Premier ministre, Binali Yldirim. « La décision prise par le Parlement allemand n’a absolument aucune valeur », a déclaré de son côté M. Erdogan. « Notre position sur 1915 est bien connue (…) et cette sorte de décision ne va rien changer à notre position. Mais ils n’ont pas pris en compte le fait qu’ils risquent de perdre un ami comme la Turquie ».

Alors que les Arméniens estiment qu’un million et demi des leurs ont été tués de manière systématique à la fin de l’Empire ottoman, la Turquie soutient qu’il s’agissait en réalité d’une guerre civile, doublée d’une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont péri.

«Rejeter la maternité signifie renoncer à l’humanité»

Si le président Erdogan glorifie le passé de la Turquie, c’est avec la volonté d’assurer l’avenir démographique de son peuple. Dimanche 5 juin 2016, alors qu’il inaugurait le siège de l’Association des Femmes turques et de la Démocratie (Kadem), il a réaffirmé ses positions sur la question démographique turque. Partant du principe que  «les familles fortes mènent aux nations fortes», Erdogan a exhorté les femmes turques à avoir au moins trois enfants. «Rejeter la maternité signifie renoncer à l’humanité», a-t-il précisé.

Le 30 mai, dans un discours prononcé à Istambul, le président turc avait déjà déclaré qu’«aucune famille musulmane ne peut accepter la contraception et le planning familial», exhortant les femmes à faire plus d’enfants. « Je le dis clairement (…) nous allons accroître notre descendance (…) Ce que dit mon Dieu, ce que dit mon cher prophète, nous irons dans cette voie (…) Dans ce cadre, le premier devoir appartient aux mères. ».

Qualifiant le planning familial de « trahison contre des générations de Turcs », il dénonce  l’avortement – un «crime contre l’Humanité ». Selon les statistiques officielles, la population turque s’est accrue de 16% en 15 ans, passant de 68 millions en l’an 2000 à 79 millions d’habitants en 2015.

PLG

Crédit photo : DR
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