04/06/2016 – 07H00 France (Breizh-info.com) Les éditions Perrin ont publié début mai un ouvrage de Xavier Helary intitulé « La Dernière Croisade ». Pour la première fois, et dans un contexte géopolitique particulier, la dernière croisade est racontée et expliquée.
25 août 1270 : Saint Louis s’éteint dans le camp de l’armée croisée, près de l’ancienne Carthage. Partis au début du mois de juillet d’Aigues-Mortes, les barons et les chevaliers qui ont pris la croix à la suite du roi de France débarquent à Tunis quelques jours plus tard. Paralysés par l’attente toujours différée du roi de Sicile, épuisés par les chaleurs de l’été tunisien, les croisés sont rapidement décimés par la maladie qui emporte le roi et plusieurs hauts personnages. Après quelques combats menés pour sauver les apparences, l’armée rembarque au mois de novembre. La destruction de la flotte dans un port sicilien par une tempête empêche l’expédition de se poursuivre en Terre sainte. Les survivants n’ont plus d’autre choix que de rentrer en France.
Entreprise à grands frais, précédée de nombreux préparatifs de toutes sortes, la huitième et dernière croisade s’avère un échec complet. C’est le récit d’un désastre qu’entreprend ce livre, depuis la prise de croix de Saint Louis en 1267 jusqu’au retour des croisés au printemps 1271.
Le livre se lit vite – il est relativement court – et comporte une bibliographie imposante ainsi que de nombreuses notes. Il permet de mieux connaitre une croisade finalement assez peu enseignée.
Ancien élève de l’ENS, agrégé d’histoire, Xavier Hélary est professeur d’histoire médiévale à l’université Jean-Moulin Lyon III. Il est l’auteur de Courtrai, ainsi que de L’Armée du roi de France et, avec Philippe Contamine, de Jeanne d’Arc. Histoire et dictionnaire.
Breizh-info.com : D’où vous est venu votre passion pour l’histoire ? Qui furent vos maitres ?
Xavier Helary : J’ai toujours aimé l’histoire, aussi longtemps que je puisse me souvenir ; c’est comme une vocation ; j’ai pour maîtres Philippe Contamine (Paris IV), Françoise Autrand (ENS) et Dominique Barthélemy (Paris IV)
Breizh-info.com : La dernière croisade fut elle réellement une croisade européenne ? Qui y participa (nationalités, effectifs) ?
Xavier Helary : La croisade de Tunis fut surtout une croisade française ; l’ambition de Saint Louis était de regrouper les princes chrétiens auprès de lui – d’où sa volonté, dans la décennie 1260, de pacifier les conflits entre eux ; on pense que l’armée pouvait compter 15 à 20 000 hommes (dont quelques femmes)
Breizh-info.com : La destination finale de cette croisade pose question. Pourquoi Tunis et pas Jérusalem ?
Xavier Helary : Le choix de Tunis reste mystérieux, puisque Saint Louis a procédé seul à ce choix, sans l’avoir explicité, et les contemporains de Saint Louis ont eu du mal à le comprendre ; de toute façon, l’objectif final n’était sûrement pas Tunis, mais bien l’Egypte, alors la principale puissance du monde arabo-musulman, et au-delà, Jérusalem
Breizh-info.com : Saint-Louis , en dirigeant les échecs que furent la 7ème puis la dernière croisade, n’a t-il pas pêché par orgueil et par aveuglement ?
Xavier Helary : Il entre probablement une part d’orgueil dans l’attitude de Saint Louis, impérieuse et autoritaire ; l’âge venant, il semble qu’il ait été de plus en plus isolé et qu’il ait de moins en moins bien supporté la contradiction
Breizh-info.com : Le roi est-il le seul responsable de cette défaite, alors même que l’armée des croisés semblait posséder la force nécessaire pour vaincre ?
Xavier Helary : L’échec de la croisade repose avant tout sur le fait que Saint Louis a montré une faible capacité à solliciter les conseils de ses proches
Breizh-info.com : La maladie fût également une des raisons du désastre de la Dernière Croisade. Pouvez vous revenir sur les grands maux de l’époque, et leurs remèdes d’alors.
Xavier Helary : On ne connaît pas très précisément les maladies qui peuvent frapper le camp de l’armée croisée, mais elles sont sûrement causées ou aggravées par la chaleur, le manque d’hygiène et la rareté du ravitaillement; face à l’épidémie, les médecins de l’époque sont désarmés
Breizh-info.com : Pensez-vous, comme votre éditeur, que ce désastre de la dernière croisade soit « à méditer en ces temps de crispations et de confrontations » ? Pour quelle raison ?
Xavier Helary : Parce que le rôle de l’historien est de comprendre plus que de juger, il est probable qu’on puisse tirer une leçon des grands affrontements passés entre la chrétienté et l’islam, mais chacun doit faire son propre chemin
Breizh-info.com : Qu’avez vous lu récemment ?Lesquels conseilleriez vous particulièrement à nos lecteurs n particulièrement sur la période médiévale ?
Xavier Helary : Il faut absolument lire Vladimir Pozner, Le Mors aux dents, Actes sud, 1985 (sur un général « blanc » pendant la guerre civile russe) ; dans le domaine de l’histoire du Moyen Âge, le livre d’Elodie Lecuppre-Desjardins, Le royaume inachevé des ducs de Bourgogne est excellent.
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