01/06/2016 – 05H00 Brest (Breizh-info.com) – Une équipe du CHRU de Brest (le Centre hospitalier régional universitaire) vient de réussir une première transplantation fécale sur un patient souffrant de diarrhées sévères. Ces diarrhées, dites « infectieuse récidivante à Clostridium difficile », lui gâchaient la vie depuis des mois sans qu’aucun antibiotique se révèle efficace, bien au contraire. Chaque année, cette maladie – causée par l’usage d’antibiotiques – toucherait plus de 100 000 Américains (et en tuerait 14 000) et la France n’est pas épargnée avec 1800 morts.Les antibiotiques détruisent en effet l’intégralité de la flore intestinale et donc des bactéries (dont une majorité essentielles pour notre santé) qui peuplent nos intestins. Cela permet par contre à l’infection Clostridium difficile de proliférer…
L’introduction des selles d’un donneur sain dans le tube digestive d’un patient malade révèle donc son efficacité, 24 h à peine après sa réalisation. Reste à voir désormais sur le long terme.
La transplantation fécale : un remède miracle ?
Ce type d’opération, pour laquelle les patients sont encore réticents en France, pourrait bien se généraliser dans les années à venir, avec des effets immédiats sur le santé. Ne dit-on pas en effet que nos intestins sont notre deuxième cerveau ? Tim Spector, professeur d’épidémiologie génétique au King College de Londres a publié en novembre 2015, un article sur le site Atlantico, dans lequel il explique même que d’ici quelques années, les patients pourraient être soignés grâce à de simples gélules. « l’étude de trois essais randomisés concernant le traitement de plus de 500 patients assorti d’un commentaire publié dans le British Medical Journal –, aboutit à cette conclusion : du moment qu’elles proviennent d’un donneur sain et qu’elles soient à l’état liquide ou qu’on les ait congelées, ces selles introduites avec leur flore microbienne dans le colon d’un malade ont donné plus de 85 % de résultats positifs contre 20 à 25 % seulement avec l’usage d’antibiotiques. Une seule étude a été interrompue. On l’a jugée contraire à l’éthique car elle avait continué à s’appuyer sur l’utilisation des antibiotiques. Jusqu’ici, dans plus de 6 500 transplantations fécales supervisées aux États-Unis, peu d’effets nocifs relevés, y compris chez des malades gravement atteints, à l’immunité affaiblie ou d’un âge avancé.»
Ces transplantations de selles existent depuis presque 2000 ans en Chine. Aujourd’hui, aux Etats-Unis, c’est la société Openbiome qui sélectionne les selles parmi des volontaires (donneurs sains). « Leurs selles sont diluées et conservées par cryogénisation, ce qui assure leur congélation de façon sécurisée. Elles sont ensuite emballées sous trois formes distinctes : un mélange concentré qu’on injectera dans l’estomac à l’aide d’un tube par la voie nasale ; une quantité plus importante à introduire dans le rectum lors d’une coloscopie ou d’un lavement ; enfin, un nouveau produit lancé très récemment, à savoir trente capsules résistantes à l’acide. Surnommées « crapsules », elles sont apparemment tout aussi efficaces et simplifient les procédures médicales.» explique Tim Spector.
Outre le Clostridium difficile, des essais cliniques sont déjà en cours pour ce qui concerne la maladie de Crohn, les colites, le syndrome du colon irritable, l’autisme, ainsi que dans des allergies sévères ou des maladies immunes. La question de l’obésité est également à l’étude dans les laboratoires américains et anglais. « Reste une crainte, à savoir que la transplantation de selles apparaisse comme un moyen universel de guérir toutes les maladies. Nous ignorons encore le bon dosage, le bon timing et notre capacité à rendre l’environnement de nos intestins plus stable et équilibré. Il nous faudrait aussi associer donneurs et récipiendaires en vue d’autres transplantations. Car notre flore intestinale est, dans une certaine mesure, dépendante de nos propres gènes et la communauté microbienne est unique pour chaque individu. À l’avenir, nous utiliserons probablement des donneurs bien plus sûrs : nous-mêmes. Nous allons mettre en réserve, quand nous sommes en bonne santé, nos propres échantillons de selles pour nous en servir plus tard.» explique Tim Spector.
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