31/05/2016 – 07H00 ‑ Nantes (Breizh-info.com) ‑ M. Christian Leyrit est sûrement bien embêté à l’heure qu’il est. Président de la Commission nationale du débat public (CNDP), il doit établir avant le 11 juin, en vue de la consultation locale du 26 juin, un dossier complet sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Et pas en trois phrases griffonnées au dos d’une enveloppe : l’ordonnance du 21 avril 2016 exige un « document de synthèse présentant de façon claire et objective le projet, ses motifs, ses caractéristiques, l’état d’avancement des procédures, ses impacts sur l’environnement et les autres effets qui en sont attendus ». L’enjeu est de taille : comme la régularité de la consultation peut être contestée par tout électeur devant le tribunal administratif (nouvel article 123-32 du code de l’environnement), un document pas clair, insuffisamment objectif ou qui laisserait de côté l’un des « autres effets »[1] risquerait de renvoyer toute la procédure à la poubelle.
Comme son nom l’indique, la CNDP est chargée… du débat public, ou plus exactement « de veiller au respect de la participation du public au processus d’élaboration des projets d’aménagement ou d’équipement d’intérêt national » (loi du 27 février 2002 ). Son intervention commence donc largement en amont des réalisations. Or, l’ordonnance du 21 avril dernier lui a tout à coup donné compétence pour des dossiers beaucoup plus avancés, « y compris après une déclaration d’utilité publique », ce qui est bien sûr le cas du projet de Notre-Dame-des-Landes. Plus question de « processus d’élaboration » : il s’agit cette fois d’intervenir dans l’urgence, afin de tenir dans le calendrier très serré imposé par le Premier ministre.
La tâche est d’autant plus compliquée que l’ACIPA, principale association d’opposants au projet de Notre-Dame-des-Landes, refuse de recevoir Christian Leyrit. Et ce n’est pas une simple manœuvre d’obstruction. « Nous avons pris part au débat public de 2003, puis à l’enquête publique de 2007 ainsi qu’à l’enquête loi sur l’eau de 2012 », lui a expliqué l’association. « A chaque fois, nous avons étudié le dossier, pointé ses insuffisances et ses incohérences, proposé des alternatives. En vain. […] Votre institution est utilisée pour apporter une caution démocratique à une mauvaise cause et à un projet que le gouvernement ne veut pas abandonner. Le document sera fait sans nous mais si nous vous rencontrons, vous vous prévaudrez d’avoir écouté tous les opposants. Nous ne sommes plus dupes de toutes ces manœuvres depuis longtemps et nous ne voulons plus les cautionner par notre présence. »
Un chaud partisan des concessions autoroutières
La défiance de l’ACIPA est-elle justifiée ? La loi a fait de la Commission nationale du débat public une autorité administrative « indépendante ». Mais son président est nommé par l’État. Et la nomination à ce poste de l’ancien préfet qu’est Christian Leyrit n’est pas la meilleure garantie d’indépendance puisqu’un préfet est le « représentant de l’État dans les collectivités locales » (article 72 de la Constitution). L’obéissance est pour lui une vertu cardinale ! De plus, Christian Leyrit n’est pas forcément partisan d’une parole très libre. « Si la transparence est toujours une valeur importante dans les relations avec les médias, il faut parfois analyser les effets pervers éventuels d’une communication trop précise », écrivait-il en 2002.
Cependant, Christian Leyrit n’a pas fait toute sa carrière dans le corps préfectoral. Diplômé de l’École nationale des travaux publics de l’État et de l’École nationale des ponts et chaussées, il a été pendant dix ans, de 1989 à 1999, le premier interlocuteur public des professionnels du BTP en tant que directeur des routes au ministère de l’Équipement, des Transports et du Logement. À ce poste, il faisait « la pluie et le beau temps », assurait Jean François-Poncet, alors président de la commission sénatoriale des affaires économiques et du Plan. « Christian Leyrit a aussi servi l’establishment », notait Le Moniteur en 1999. « Il est parvenu à poursuivre la construction des autoroutes, dont les tronçons étaient de moins en moins rentables. En usant des concessions et de l’adossement jusqu’au mépris des règles européennes de concurrence. »
Christian Leyrit a en effet été un partisan très actif de la politique de concessions autoroutières menée à l’époque par le gouvernement, et dont ont bénéficié des sociétés comme Cofiroute[2] ou ASF, filiales du groupe Vinci ‑ aujourd’hui promoteur du projet de Notre-Dame-des-Landes. Il a milité en particulier pour l’allongement des durées de concession et pour le relèvement des péages (« Il est tout à fait indispensable que le niveau du péage suive l’évolution générale des prix », écrivait-il en 1990 dans la revue PCM-Le Pont. « Ce péage n’est pas un prélèvement obligatoire mais une redevance versée par l’usager en raison des avantages qu’il tire de l’usage de l’autoroute. »).
Une culture de grands travaux
Sa proximité passée avec les groupes du BTP ne signifie évidemment pas que Christian Leyrit soit a priori suspect de partialité. Il a sûrement le sens du service public, sans quoi son expérience de fonctionnaire lui aurait permis un « pantouflage » lucratif, à l’instar de Bernard Hagelsteen, ancien préfet de Loire-Atlantique embauché par le groupe Vinci après avoir instruit le dossier de Notre-Dame-des-Landes. Mais son service public est celui des grands chantiers et des passages en force, pas celui du respect de l’environnement.
Les débats publics organisés par la CNDP sous l’égide de Christian Leyrit ont parfois été accusés de partialité, par exemple à propos de CIGéo. Pourtant, lui-même a pu à l’occasion ruer – modérément – dans les brancards. « Ce constat d’ensemble remet en cause le principe même d’un débat public organisé à ce stade d’avancement d’un projet de parc éolien en mer alors que tout est déjà fixé : le site précis, le nombre et les caractéristiques des éoliennes, ainsi que leur disposition à l’intérieur du parc » écrivait-il à l’automne dernier à la fin de son bilan sur le débat concernant le projet de parc éolien en mer de Dieppe-Le Tréport. Il s’élevait aussi contre « le refus du maître d’ouvrage d’apporter des éléments économiques et financiers relatifs à son offre ».
Sur ces deux thèmes comme sur bien d’autres, le président de la CNDP aurait évidemment matière à dire à propos de Notre-Dame-des-Landes. Mais le simple fait qu’il ait accepté sans protester cette mission impossible, faire le tour d’un sujet vaste et complexe en moins de cinquante jours, incite forcément à un certain scepticisme.
Crédit photo : [cc] Commission nationale du débat public (CNDP), Flickr
[cc] Breizh-info.com, 2016, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
[1] Par exemple les conséquence du « transfert » pour les équipements actuels de Nantes Atlantique, un sujet majeur que les pouvoirs publics n’ont jamais traité clairement.
[2] Cofiroute avait à l’époque obtenu sans appel d’offres la concession de l’autoroute à péage A86. La décision avait été cassée par le Conseil d’État. Pour obtenir à nouveau la concession face à un groupement concurrent, l’entreprise avait dû réduire considérablement ses tarifs.
10 réponses à “Consultation publique sur Notre-Dame-des-Landes : peut-on faire confiance à Christian Leyrit ?”
Je n’ai pas vraiment compris à quoi servait cette commission. Quel est son véritable objectif? Ceci me fait penser au mot de Clemenceau « Vous voulez enterrer un problème? Créez une commission!!! »
Tout ce bazar ne rime pas à grand chose. L’histoire semble pourtant simple. Nantes Atlantique occupe des terrains situés tout près d’une ville en fort développement. Si terrains libres, terrains vendables avec gros bénéfices apres urbanisation et construction
Acte 1 On dit que l’aéroport de Nantes est saturé et qu’on ne peut pas le modifier
Acte 2 On dit qu’il y a un site parfait qui présente tous les avantages à 30 km à Notre Dame des Landes
Acte 3 On conclut que le transfert de l’actuel aéroport est nécessaire pour le développement de la région, de la France, de l’Europe, et, pourquoi pas, de l’Univers
Alors, des l’instant ou le résultat est connu, il faut trouver les bons chiffres pour dire que c’est d’une logique mathématique.
Dans cette logique:
Vinci exploite Nantes Atlantique ce qui le prédispose pour s’occuper des terrains laissés libres apres le transfert
Vinci construit le nouvel aéroport, en partie gràce à la concession de Nantes Atlantique qui reste encore en exploitation
Enfin, Vinci exploite ce qu’il a construit Belle opération que les connaisseurs apprécieront…
Le pire, c’est que, dans une réalité toute bête, si on garde l’actuel aéroport, il continuera à remplir son rôle durant des décennies et cela ne coûtera pas un centime de plus.
Non, NDDL n’est pas fait pour le développement de l’Univers, ni même de la région : la consultation locale est limitée au département de Loire-Atlantique. Les Martiens et autres « aliens » n’auront pas le droit de donner leur avis. Ni les habitants de Redon. Mais ceux d’Ancenis, oui.
Sur les terrains laissés libres après le transfert, il y a un énorme doute : une fois l’aéroport de Nantes Atlantique « transféré », serait-il fermé pour autant ? Vous imaginez l’ambiance chez les industriels de l’aéronautique installés autour ! Cette question est de première importance au regard de la consultation locale : comment se prononcer sur le « transfert » sans savoir ce qu’il adviendra de Nantes Atlantique ? Il faudra bien qu’une annonce claire soit faite avant la remise du document de synthèse de la CNDP, sans quoi la consultation sera faussée dès le début.
AMHA, les vrais « terrains vendables avec gros bénéfices après urbanisation » se trouvent plutôt du côté de NDDL ! En parlant de ceux de Rezé, on s’efforce de détourner l’attention.
Euh, les gars c’est déjà prévu! Ils vont conserver uniquement la piste pour Airbus et meme la raccourcir. Et Airbus prévoit meme d’agrandir son site, donc de l’emploi!
Ravi d’avoir pu vous éclairer!
Pour le reste, cet article est curieusement bien long et vraisemblablement voue à remettre en cause l’objectivité de cet homme, tout autant que celle de l’auteur de cet article!
Qui aurait donc prévu de raccourcir la piste ? La CCI de Nantes et sur quel budget ? Ou c’est peut-être une idée comme le tram-train desservant NDDL ? Ce serait bien de nous éclairer plus sinon c’est de l’intox.
En fait il y a très peu de communication sur le sujet et pour cause…
Si faire des grands travaux inutiles pouvaient générer de l’emploi, ils génèrent surtout des déficits dont nous n’avons vraiment pas besoin.
Oulala, entre l’un qui confond aeroport et piste et tente une question déviante vouée à des informer et l’autre qui voit travaux inutiles et déficits, décidément cela sent la pessimisme. Je ne sais pas si vous le faites exprès ou pas (je ne voudrais pas devenir parano comme les antis;), mais je vous conseille une chose, les amis:
Si vous voulez vous renseigner en détails et en sincérité, je vous invite à participer a une réunion de chaque partie!
Vous leur demanderez à chacune réponse à vos questions et leurs sources. A vous ensuite de vous faire un avis: on ne va quand même oas faire ca ici!!!
C’est pas les réunions qui manquent des 2 côtés en ce moment!
Pour ma part j’ai fait mon choix, vous aurez compris lequel!
Vu le mois de mai, fin juin pourrait bien être caniculaire. Soleil vs sujet anxiogène, l’immense majorité des inscrits choisiront vite. Dans ceux qui restent, les antis sont plus motivés par la question (et leur campagne d’affichage reprend ce qui est presque devenu un symbole alors que celle des pros est plus discrète et difficilement identifiable). Ça va être serré. Et dans tous les cas, ça sera une pitrerie comparé à l’énergie gaspillée et le déni de démocratie. Ce pays va bien mal et Nantes va faire aussi le choix de se soumettre ou non à l’Etat incompétent. En Suisse, on travaille, on propose un sujet sérieux aux gens, on les fait voter et on traverse les montagnes.
Sinon, vous avez vu les rives de la Venise de l’ouest ? Manque plus que du béton sur une zone humide pour que ça déborde. C’est vrai, c’est super bon pour le dynamisme d’une ville, des inondations. Enfin, ça donne du travail au BTP. Tout comme les casseurs, d’ailleurs. De quoi se plaignent-ils alors les casques de chantiers (surtout ceux en cravates) ? S’ils avaient lâché l’affaire, on serait concentré à fond sur Saint-Naz et le potentiel océanique, la vraie mondialisation, celle des marchandises et de l’énergie (et dire qu’à l’embouchure de la Rance, il fut, il y a bien longtemps, une première mondiale…). Nantes est à la fois bloqué en 2000 et fin 1960s. Ville qui s’est endormie à mesure qu’Atlantis grossissait et s’est prise à rêver en Paris 2 (ah la belle époque des poésies urbaines des années 60, encore).
Ah JM Ayrault… logique d’être le plus jeune maire de France quand on a toujours été vieux. Limite gâteux sur le fin avec ses marionnettes et manèges, là où on a travaillé si dur que les héritiers, affrontant les flots de la mondialisation, restent les meilleurs.
L’esprit de Neptune ne vaudrait plus assez comparé à celui d’Aeolus ? C’est bon, il a déjà son temple. Le patron, il porte trident (mais sa compagne Loire s’est vue désarmée à la fontaine).
Eh, salut An! Ouaouh, quelle tirade! Riche et fleurie!
On peut se laisser aller à faire des pronostics! Pour ma part je pense que ce sujet va mobiliser.
Concernant la campagne d’affichage des antis, vous oubliez l’effet pervers: affiches sauvages, autocollants sur les panneaux routiers, tags « la ZAD partout » qui se développent. D’autant que les messages en général sont sur l’envirronnlent, le gaspillage et le fait de laisser la ZAD: je peux vous assurer que cette campagne produit l’effet inverse chez nombre de citoyens, et J’ ajouterais « tant mieux! »
Mopiti, vous nous éclaireriez mieux si vous disiez où vous avez vu un document officiel et définitif sur l’avenir de Nantes Atlantique. Sans quoi, vous contribueriez plutôt à nous égarer.
Des tas de choses ont été dites sur l’avenir de Nantes Atlantique. Au début du projet NDDL, ses terrains étaient voués à l’urbanisation. Maintenant, « ils vont conserver… » ? Mais c’est qui, « ils », au fait ? Et qui financerait les équipements transférés (une piste, dites-vous, mais cela suppose aussi les équipements et services nécessaires à son utilisation, les dessertes, la sécurité, etc. — bref, un aéroport : un coût d’exploitation énorme au total). Et puis surtout, créer un aéroport à NDDL tout en en conservant un à Nantes Atlantique serait illégal au titre du Grenelle de l’environnement…
Une chose est sûre : la consultation du 26 juin portera sur le « transfert » de l’aéroport. Quand on transfère une chose, elle cesse de se trouver à un endroit pour se trouver à un autre. Si l’on conserve une partie de l’aéroport, c’est au mieux un transfert partiel. Nous poserait-on le 26 juin une question biaisée ?
Mais on devrait bientôt savoir : la synthèse de la CNDP devra inévitablement exposer l’avenir de Nantes Atlantique. Sans quoi, bonjour les contentieux contre la consultation publique !
Pschitt Vous avez raison de poser la question de l’établissement Airbus de Bouguenais. Je me suis simplement appuyé sur les dires d’un document vu sur fb « https://www.facebook.com/ouiALAeroportDeNantesAtlantiqueANotreDameDesLandes/videos/853483204778220/ » et, d’apres cette vidéo, on apprend que le produit de la vente des terrains fait partie du business plan de Vinci
Apparemment, certaines choses ne doivent pas être tres claires puisque les éléments financiers ne sont pas divulgables (voir en commentaire « NDDL est-il un nouveau stade bordelais? » publié par media-web
Bon alors ça demarre quand ce chantier du future aéroport « Anne de Bretagne » ou « Nominoe »…par exemple !….
Assez de temps perdu a prendre en compte des argumentaires faisant feu de tous bois CONTRE et souvent de »mauvaise foi »scientifique ,faut avancer maitenant …