Pénurie d’essence. Les commerçants des marchés nantais désemparés

26/05/2016 – 16H00 Nantes  (Breizh-info.com) –Malgré le discours rassurant du gouvernement et la levée du rationnement d’essence dans l’Ouest, les pénuries ne cessent de s’étendre. Près de trois jours de stocks stratégiques – sur les 98 à 115 disponibles – ont par ailleurs déjà été utilisés pour alimenter les forces de l’ordre, les véhicules de secours etc. La situation commence à devenir très pénible pour les taxis, les livreurs, mais aussi les commerçants ambulants. Petit tour d’horizon à Talensac, le plus grand marché nantais.

« Chez Pépette » vend des légumes sur le marché de Talensac. « Nous sommes à Mareuil sur Lay en Vendée, nous avons 80 km à faire pour venir à Nantes », explique Carole Frioux. « Il n’y a pas de carburant en Vendée non plus, mardi on a réussi à faire péniblement 20 €, c’est bloqué à 20 € maintenant, à Saint-Florent des Bois ». Elle trouve qu’il y a « beaucoup moins de monde à  Talensac », dont les allées sont bien plus vides ce mercredi matin que d’habitude. « Les gens de l’extérieur [de Nantes] ne viennent plus ». Pour elle, la situation est « difficile. Tant que je peux venir, c’est bon. Avec ce que j’ai je peux tenir jusqu’à dimanche. Et dès que je vois du carburant, je refais le plein. Mais il y a des queues énormes ».

Non loin, Flavien Moreau vend de la charcuterie alsacienne. « J’habite Saint-Herblain, ce n’est pas très loin, mais le carburant manque quand même. Je n’ai pas fait de plein depuis lundi. » Lui aussi trouve qu’il y a « beaucoup moins de monde » sur le marché. Il estime pouvoir tenir « jusqu’à dimanche ». Au niveau de ses livraisons, « il n’y a pas encore de rupture. Ailleurs, il y en a, notamment chez Système U », dont la base logistique est partiellement en grève.

A la pâtisserie Guilloux, qui compte 8 salariés et est basée à Saint-Philbert de Grandlieu, le manque de carburant oblige à restreindre l’activité. « On devait aller jeudi à Pornic et Saint-Brévin, sur les marchés de la côte, si on ne trouve pas de carburant, on n’ira pas. Il n’y a pas de gazole du côté de Saint-Philbert ni dans le sud-Loire. En revanche vendredi et samedi sont des jours de présence obligatoire à Talensac, donc on privilégie Nantes ».

A la boulangerie Biofournil, Typhaine, une des vendeuses, n’a pas de problèmes, « puisque je n’ai pas de voiture ». L’entreprise, basée en Anjou mais dont le fournil est à Thouaré-sur-Loire, ne connait pas de difficultés particulières. « L’avantage d’être une société, c’est qu’on a accès à des stations spéciales, comme les AS24. Mais elles aussi commencent à être vides ». Pas de problème non plus pour les caveaux de Talensac, dont le vendeur habite dans le centre de Nantes. « Et on n’a pas eu de retards de livraison pour l’instant ». Aux volailles Delanoë, les réserves sont estimées « à une semaine ou deux, au maximum. On a Nantes-Talensac, et plusieurs marchés extérieurs, Nantes-Zola, La Chapelle sur Erdre, Vertou ». Les employés s’organisent en covoiturage, tandis que des réserves ont été faites par le patron dès que la pénurie a commencé à se faire sentir.

Le poissonnier Petitgars vient de Challans. « Pour moi ça va, je viens de Challans et j’ai réussi à faire le plein hier. Là j’ai une semaine, après si je ne trouve pas, bah ça sera le chômage technique ». Il « ne comprend pas comment ça se fait qu’une  minorité peut bloquer la majorité. A quoi sert la concertation qui est censée avoir lieu à chaque projet de loi social si c’est pour en arriver là ? Ce sont toujours les mêmes qui sont bloquées, les gens d’en bas. Un chômeur qui a rendez-vous en ce moment pour un boulot à cinquante ou cent bornes de chez lui, comment fait-il par exemple ? ». Pour l’instant, la situation n’a pas d’incidence sur son chiffre d’affaires. « Mais le comportement des gens a changé. Ils font moins de tours, ils viennent une fois et ils remplissent tout de suite leur panier ».

Jean-Yves Cailler est boucher. « Je suis à Montaigu, à 40 km de Nantes. Là, j’ai deux jours de carburant, après, plus rien. Quand on voit la police municipale en ville, qui tourne  en bagnole sans rien faire, ils feraient mieux de nous donner notre carburant, on nourrit les gens. Faut que je sois là tous les jours moi, sinon la marchandise va périr ». Il est assez remonté : « faut leur envoyer l’armée à ceux qui bloquent les dépôts, pour leur mettre sur la gueule, et celui qui n’est pas content, il est dégagé de sa boîte. Je fais 90 heures de boulot, j’en faisais plus de 120 quand j’avais 17 ans, pas 35 h, j’ai un salaire d’apprenti et pas le SMIC, et je ne pleure pas. Ce n’est quand même pas 2% de fainéants qui vont bloquer 98% des gens qui travaillent ! ». Cela dit, il ne trouve « pas normal que les patrons des multinationales se prennent des salaires énormes et des parachutes dorés, mais pourquoi alors embêter le boucher ou l’artisan? ». S’il était à la place de Hollande, il « ferait une dissolution. Comme ça c’est la droite qui se retrouverait à gérer les problèmes, et quand les gens en auront marre, je serais réélu président ».

Devant le marché, Pascal et Philippe vendent des chapeaux, des vêtements et des chaussures. « Pour l’instant ça va, mais on modifie nos parcours« , remarque Pascal. « Il y a bien moins de gens, suffit de regarder le nombre de voitures sur la place devant le marché. Il y en a beaucoup moins que d’habitude ».  Philippe ne bouge plus de Nantes. « C’est trop dangereux d’aller faire des marchés sur la côte, on peut se retrouver à sec et on ne va pas jouer avec ça. J’ai encore la moitié de mon plein, donc je ne bouge pas, quitte à ne plus faire de marchés ». Juste à côté, Patrick Coppi vend des bijoux. « Je suis à Bouguenais, il me reste de quoi faire une semaine, juste en me déplaçant de chez moi à mon travail. Après c’est le chômage technique ». Pour sa part, il « comprend le mouvement contre la loi Travail, mais c’est dommage que ça pénalise les gens d’en bas ».

Pour le traiteur Carol & Fils, « pour l’instant, ça va. On remplit au MIN, ils sont encore approvisionnés et on a réussi à remplir nos deux camions. En revanche au niveau des livraisons, on travaille notamment avec Canal Froid, puisqu’on fait aussi grossiste, et eux nous ont dit que si la situation ne s’améliore pas, il n’y aurait pas de livraisons dans le sud-ouest la semaine prochaine ». Cela dit, le vendeur reste optimiste : « ce n’est pas la première ni la dernière pénurie. Beaucoup de gens sont dans un état pas possible, mais ça finira par se régler, on finira par passer à travers ». Il remarque cependant que « l’activité baisse, surtout sur la côte. Je fais le marché à Noirmoutier, le week-end dernier beaucoup de nantais ne sont pas venus. Sur la côte, dimanche et mardi, ça a dévissé dur ».

Crédit photo : Nedsolo/Flickr (cc)
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