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Loi Travail. Nicolas Debouvry (CGT Rail) : « Nous sommes radicalement opposés à toute forme de violence.»

26/05/2016 – 08H00 Nantes  (Breizh-info.com) – Comme mercredi et jeudi dernier, ces mercredi et jeudi la plupart des syndicats de la SNCF sont à nouveau en grève pour défendre leur statut, le RH077, menacé de disparition pure et simple au 1er juillet prochain. Si les négociations entre cheminots et patronat ferroviaire achoppent, la loi travail leur sera appliquée. Pour les cheminots, soumis à des sujétions et des contraintes importantes – c’est notamment le cas des roulants, et surtout des contrôleurs et de la police ferroviaire en butte aux incivilités voire à des agressions de plus en plus fréquentes, ces évolutions sont synonymes d’un recul de plusieurs décennies en arrière.

Ils ont rejoint le mouvement contre la loi Travail, afin de peser sur les négociations et réussir à imposer que leur statut devienne celui de l’ensemble des travailleurs des transports ferroviaires, dans le public comme dans le privé, afin, disent-ils, « qu’il n’y ait pas de dumping social et de casse des acquis sociaux ». Chaque semaine, ils font donc grève deux jours de suite, et à partir du 31 mai 19 h, un appel à la grève illimitée et reconductible a été déposé. Nous avons rencontré Nicolas Debouvry, de la CGT Rail à Nantes, afin qu’il nous explique les enjeux de la nouvelle bataille du rail.

Breizh Info : Nicolas Debouvry, pouvez vous nous expliquer comment se fait-il que votre statut, le RH077, se trouve menacé de disparition ?

Nicolas Debouvry (CGT Rail de Nantes) : La loi du 4 août 2014 qui a éclaté la SNCF en trois entreprises, un EPIC de tête chapeautant SNCF Réseau (ex-RFF) et SNCF Mobilités impose l’établissement d’une convention collective nationale ferroviaire (CCN) qui sera appliquée à la fois aux cheminots de la SNCF et à ceux qui travaillent dans les entreprises de transports privées. Cette convention collective nationale remplace pour nous notre statut, qui est le RH077, et pour les travailleurs des autres entreprises ferroviaires, leurs statuts à eux.

Breizh Info : Qu’est-ce qui change par rapport à d’habitude dans les négociations ?

Nicolas Debouvry : Habituellement elles se faisaient entre cheminots et l’État. Là, les cheminots parlent à l’UTP, l’Union des transporteurs publics et ferroviaires, qui regroupe en fait le patronat ferroviaire [la SNCF et les autres entreprises de transport privées comme la RATP, Keolis, Euro Cargo Rail, Transdev, Thello, les Chemins de fer de Provence… NDLR] Or le patronat ferroviaire n’a qu’un souci : casser nos droits sociaux et le RH077 avec.

Breizh Info : Que se passe-t-il si les négociations achoppent ?

Nicolas Debouvry : L’État sort un décret socle le 1er juillet qui est bien en deçà de notre RH077. En fait on se retrouve avec la loi Travail qui nous est appliquée.

Breizh Info : Combien de syndicats s’opposent à ces évolutions ?

Nicolas Debouvry : Il y en a sept, qui représentent une très grande majorité des cheminots : la CGT, Sud-Rail, l’UNSA, CFDT, CFE-CGC, FO et CFTC.

Breizh Info : Que proposez-vous ?

Nicolas Debouvry : Nous avons une base unitaire qui ne fait pas que s’opposer, elle fait des propositions. Nous souhaitons que le RH077 soit maintenu et devienne le cadre social de toutes les entreprises ferroviaires, dont les salariés bénéficieront de solides acquis sociaux. Et comme ça il n’y aura pas de dumping social, avec des distorsions de concurrence. Nous pensons même qu’on peut améliorer le RH077, en passant par exemple aux 32 heures de travail hebdomadaires, et en limitant enfin les heures supérieurs de l’encadrement.

Breizh Info : vous avez d’autres revendications ?

Nicolas Debouvry : Oui, bien sûr. Arrêter la casse de l’emploi. En dix ans, il y a eu 1000 agents SNCF de moins sur la région des Pays de Loire, alors que les besoins ne cessent d’augmenter. On nous dit aujourd’hui qu’on fait de la lutte anti-fraudes, de la LAF, avec moins de monde, voire plus de contrôleurs puisque les lignes sont équipées EAS [équipement agent seul : les trains n’ont plus besoin de contrôleurs pour fermer les portes et donner le départ, des caméras en bout de quai permettent aux conducteurs de vérifier qu’il n’y a personne dans les portes et qu’elles se ferment bien, NDLR]. Résultat des courses : il y a des lignes où les incivilités et les fraudes se multiplient, notamment Nantes-Clisson ou encore Nantes-Châteaubriant jusqu’à Nort. On en arrive aussi à supprimer des trains sur des lignes secondaires, faute de conducteurs pour les faire.

Breizh Info : comment se fait-il qu’il n’y a pas assez de nouvelles embauches pour couvrir les besoins ?

Nicolas Debouvry : La direction dit qu’elle n’arrive pas à avoir des CV, que les jeunes ne veulent pas travailler etc. Nous on a fait une table de l’emploi il y a peu devant la gare, on a récupéré 200 CV en 3 heures, comme quoi nous on en a. Evidemment personne n’a été embauché. En plus, des cheminots qui ont le statut se font de plus en plus lourder, il y a une vraie volonté de sabrer les effectifs.

Breizh Info : Quel est le moteur de votre contestation ?

Nicolas Debouvry : Le ras-le-bol. On a des salaires assez bas, en-dessous du SMIC en début de carrière, des sujétions importantes comme le travail de nuit et les découchés, on est en sous-effectif, et en plus on nous sucre notre statut. Y en a marre !

Breizh Info : Vous faites grève jusque quand ?

Nicolas Debouvry : Il y a des négociations régulières, le 25 et le 26 mai, puis le 1 et le 2 juin, donc on les mets sous pression et sous contrôle des cheminots en faisant grève à ces dates là. Avant de rentrer dans un mouvement plus dur.

Breizh Info : Avez-vous pour objectif de perturber l’Euro 2016 ?

Nicolas Debouvry : On n’est pas sur cette ligne là. Sauf si on n’est pas entendus. Les négociations se terminent le 2 juin, après c’est le début du processus législatif.

Breizh Info : Quelles actions prévoyez-vous ?

Nicolas Debouvry : La grève [tournante, service par service, NDLR]. En 1995 et 2003 on allait sur les voies, mais maintenant la loi nous interdit de bloquer notre outil de travail. Si on le fait, on se fait virer illico.

Breizh Info : Que pensez-vous de la violence des casseurs qui a frappé à plusieurs reprises les installations de la SNCF à Nantes : un TER caillassé dans l’avant-gare le 5 avril, la gare menacée d’invasion à plusieurs reprises, ses vitres côté sud caillassées début mai… ?

Nicolas Debouvry : Nous sommes radicalement opposés à toute forme de violence. Et nous ne sommes pas responsables de la colère et de la haine des casseurs. Ces violences polluent le débat, on ne parle plus que de ça et ça arrange bien le gouvernement. On préfère que les manifestations soient calmes, sinon le débat de fond est complètement escamoté par la casse. En manifestation, nous essayons d’ailleurs de sécuriser les jeunes, pour éviter qu’ils ne se fassent embarquer dans des violences aveugles.

Breizh Info : Est-ce que des cheminots ont été blessés dans ces violences ?

Nicolas Debouvry : Oui, un. Il s’est fait caillasser par les types qui ont pulvérisé les vitres de la gare sud, le 12 mai. Il a pris un pavé sur l’épaule et a un mois d’arrêt.

Breizh Info : Cette violence vous inquiète-t-elle ?

Nicolas Debouvry : Oui, car il y a une tension profonde de fond qui ne cesse de se radicaliser. Il va finir par y avoir des morts. Certains casseurs s’en prennent déjà à notre service d’ordre. Et pas qu’en tags [certains tags « service d’ordre = facho » ont fleuri dans Nantes lors de la manifestation du 17 mai notamment, NDLR]. Le 28 avril un de nos camarades s’est fait prendre à partie par une dizaine de casseurs à l’arrière du cortège. En même temps, la violence est partout. Par exemple les locaux de l’Union départementale CGT situés à l’ancienne gare de l’Etat sur l’île de Nantes ont été criblés de balles de flashball le 31 mars dernier. Quand on voit certaines choses, comme la voiture qui a été brûlée avec les policiers dedans à Paris, on est vraiment sur le fil du rasoir.

Crédit photo : DR
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