Pascal Eychart (Observatoire des libertés dans l’état d’urgence) : « ce qui manque au mouvement contre la Loi Travail, c’est un projet politique »

26/05/2016 – 07h00 Nantes (Breizh-info.com) – Suite à la proclamation de l’état d’urgence le 14 novembre 2015 après les attentats de Paris, des observatoires des libertés se sont créés partout dans le pays, afin de documenter les abus de pouvoir. Perquisitions nocturnes abusives, y compris chez des maraîchers bio en Dordogne, arrestations musclées,  arrêtés aux motifs fantaisistes, le recensement existant sur le web est édifiant.

Alors que l’état d’urgence vient d’être prolongé jusqu’au 26 juillet au prétexte de l’Euro 2016 et du Tour de France, le combat des opposants continue. Car le mouvement contre la Loi Travail, en marge duquel éclatent régulièrement des émeutes à Rennes et à Nantes, donne lieu aussi  à de nombreux blessés parmi les manifestants qui se retrouvent, comme dernièrement, lors de la manifestation (sauvage et préalablement interdite) du 19 mai à Nantes sous un véritable déluge de gaz lacrymogène et de flashball. Nous avons rencontré lors de la manifestation du mardi 17 mai Pascal Eychart, syndicaliste à Sud-Finances publiques et qui collabore à l’antenne nantaise de l’observatoire des libertés.

Breizh Info : Pascal Eychart, quel est l’objectif de votre présence dans les manifestations ?

Pascal Eychart : Nous documentons la casse et montrons comment elle se passe. Nous documentons aussi la violence policière, car l’état d’urgence n’est qu’une excuse pour la répression sociale.

Breizh Info : En quoi vous trouvez que la manifestation du 17 mai fut différente des autres ?

Pascal Eychart : Les flics ne sont pas venus au contact des manifestants, et ils n’ont pas gazé d’emblée le cortège. La manifestation est donc nettement plus calme.

Breizh Info : Qui sont les casseurs, à votre avis ?

Pascal Eychart : Il y a une cinquantaine d’autonomes, soit une cinquantaine de personnes qui récupèrent des lycéens qui se font embringuer dans la violence. Quelques radicaux qui ont eux des projets politiques, et qui s’en prennent à tout ce qui symbolise pour eux l’argent, les banques par exemple, ou le capitalisme. A quoi s’ajoutent des jeunes de banlieue qui veulent en découdre et des lycéens qui viennent en spectateurs et se font embarquer dans la violence.

Breizh Info : Et face à eux ?

Pascal Eychart : Des flics crevés, qui ont ordre de ne pas agir et de laisser la violence monter, ordre de laisser casser pour décrédibiliser le mouvement contre la loi Travail. Ils se prennent des cannettes et des pavés pendant dix à dix-huit heures d’affilée, et finissent par craquer. Cette stratégie énerve tellement les policiers que leurs syndicats montent maintenant au créneau pour la dénoncer. Le gouvernement ne peut plus la cacher à l’opinion.

Breizh Info : À quoi voyez vous que la façon de gérer les manifestations à changé ce 17 mai à Nantes ?

Pascal Eychart : Aujourd’hui il y a des policiers nombreux, mais qui ne pressent pas les manifestants. Ils n’ont pas non plus cherché à séparer les jeunes des salariés dans le cortège, ni sorti l’hélicoptère pour survoler le cortège syndical. Il n’est arrivé que vers midi, à la fin de la manif syndicale.

Breizh Info : Pourquoi ?

Pascal Eychart : L’État a pris en compte le fait qu’ils allaient trop loin. Maintenant que les policiers dénoncent les procédés de l’État, ils ne peuvent plus étouffer ce qui se passe.

Breizh Info : Comment va évoluer le mouvement à votre avis ?

Pascal Eychart : C’est difficile à dire. Depuis le 49-3, le degré de radicalité dans le mouvement a nettement augmenté, et c’est très inquiétant. En même temps, la mobilisation des routiers, des cheminots, des pétroliers etc. avec une évolution vers le blocage économique est plutôt encourageante.

Breizh Info : Quel est l’objectif ?

Pascal Eychart : Aller vers une grève reconductible illimitée, donc vers le blocage du pays. S’il n’y a pas d’impact économique, les mouvements sociaux ont un poids négligeable. Il faut donc en passer par là, pour que le gouvernement soit obligé de bouger.

Breizh Info : Au risque de perturber par exemple l’Euro 2016 ?

Pascal Eychart : Probablement. Avec les grèves qui montent de plus en plus en puissance dans les divers secteurs de l’économie, si le gouvernement persiste à ne pas bouger, ce déni de démocratie va amplifier la contestation du peuple.

Breizh Info : Peuple qui serait, selon les sondages, majoritairement opposé à la loi Travail et au 49-3 ?

Pascal Eychart : Aujourd’hui il y a une majorité silencieuse, qui se tait et au nom de laquelle on peut tout dire. S’il y a paralysie économique du pays, cette majorité silencieuse sera obligée de donner de la voix afin de sortir de la situation. Et il n’y a qu’une seule possibilité : le retrait de la loi.

Breizh Info : Et si cette voix demandait à l’inverse une remise à l’ordre radicale ? Il y a bien le précédent de 1968 où les élections législatives qui font immédiatement suite à Mai 68 se soldent par un raz-de-marée gaulliste « car les français dénoncent le désordre et la « chienlit ».

Pascal Eychart : C’est ce que veut faire croire le gouvernement. Cependant, avec au moins 500.000 manifestants, il est difficile de faire croire qu’ils sont tous d’extrême-gauche.

Breizh Info : Qu’est-ce qui manque selon vous à la contestation ?

Pascal Eychart : Un projet politique.

Breizh Info : Et la ZAD ?

Pascal Eychart : C’est un projet de résistance au système actuel. Mais il n’y a pas de projet politique alternatif. Je doute donc que ce mouvement deviendra un nouveau Mai 68. A l’époque, il y avait un projet politique.

Crédit photo : breizh-info.com
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