23/05/2016 – 05H45 Bretagne (Breizh-info.com) – La pénurie d’essence et de gazole guette la Bretagne ; même si les routiers ont levé leurs blocages, l’entrée en grève dure des ouvriers chez Total menace l’approvisionnement des cinq départements bretons, mais aussi d’une bonne partie de la France. Ce 21 mai au soir, en Loire-Atlantique, plus de 150 stations d’essence sur 243 sont à sec ; les pénuries sont aussi très fortes dans les autres départements bretons, sauf le Finistère.
Presque partout en Bretagne, le carburant a été rationné mais cela ne suffira pas. Et ce même si les dépôts de Vern-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine) et de Lorient (Morbihan) ont été débloqués le 20 mai au soir, ce qui permet le réapprovisionnement de nombreuses stations service jusque dans le nord de la Loire-Atlantique, la pénurie s’installe dans les départements bretons, mais aussi la Normandie voisine, la Mayenne, l’ouest de l’Ile de France et le Nord-pas-de-Calais où 22 stations-services ont été réquisitionnées pour les véhicules prioritaires. Un cinquième des stations-services du Grand-Ouest sont en rupture, et près de la moitié des stations Total dans les cinq départements bretons.
Vendredi, 55% des salariés de la raffinerie de Total Donges ont voté l’arrêt de la production. La raffinerie arrêtera de produire d’ici deux à trois jours, et ne redémarrera – au mieux – que dans dix. Fabien Privé Saint-Lanne, responsable syndical CGT de la raffinerie, estime que « c‘est dommage d’en arriver là, mais c’est une réponse au gouvernement qui s’obstine alors que les travailleurs se mobilisent depuis deux mois. Ce gouvernement qui a switché l’opinion publique », aux trois quarts opposée au projet de loi selon les sondages, « les organisations syndicales, les députés – le 49.3 les prive de leur droit d’expression ». Le syndicaliste affirme que « l’objectif, c’est le retrait de la loi travail, ou du moins de ses deux points les plus problématiques : l’inversion de la hiérarchie des normes, qui permettra la primauté d’un accord d’entreprise sur les conventions collectives ou le droit du travail, et la facilitation des licenciements ».
Pour Fabien Privé Saint-Lanne, à Donges, « il n’y a plus de blocages. Les salariés font valoir leur droit de grève, ce qui signifie qu’il n’y a plus de production, plus d’expédition, plus de chargement ». Idem à Vern-sur-Seiche, un dépôt pétrolier près de Rennes qui dépend lui aussi de Total à Donges, auquel il est relié par pipeline. En revanche celui de Lorient n’en fait pas partie, pas plus que celui de Brest qui n’a pas encore été bloqué ; un bateau y est venu livrer du gazole ces derniers jours. Cependant le dépôt de la Société Française Donges Metz (SFDM) qui dépend de Bolloré Energie est bloqué par plusieurs dizaines de militants de la raffinerie Total toute proche, qui se relaient.
Cependant, ce blocage n’est pas définitif : « on fera un point vendredi prochain. S’il n’y a pas de mobilisation interprofessionnelle contre la Loi Travail, on ne continuera pas ». Si les routiers ont appelé à lever les blocages ce week-end, les travailleurs du port les maintiennent – le port de Nantes-Saint-Nazaire est à l’arrêt et de nombreuses actions sont prévues mardi dans les entreprises aéronavales nazairiennes. Seuls certains camions, qui approvisionnent les stations-services réquisitionnées par les préfectures – il y en a quatre en Loire-Atlantique – pour les véhicules prioritaires (pompiers, police, ambulances…), mais aussi les chaufferies des hôpitaux etc. peuvent charger à Donges.
« La loi Travail pulvérise notre droit du travail »
Le coordinateur de la CGT chez Total, Eric Sellini, nous confie que « toutes les raffineries Total sont en grève, les dépôts de Cournon [près de Clermont-Ferrand] et Vern-sur-Seiche sont en grève ». A ce jour, ce sont quatre raffineries Total qui ont arrêté la production, à Gonfreville-l’Orcher en Normandie, près de Rouen, à Donges en Bretagne, à Grandpuits (Ile-de-France) où le débit est réduit, et à Feyzin près de Lyon. Soit la moitié de la capacité de raffinage de la France. La cinquième raffinerie de Total en France, à La Mède (Provence), marche normalement, de même que celles d’ExxonMobil (Esso) à Notre-Dame-de-Gravenchon (Normandie) et Fos-sur-Mer (Provence), et celle de Petroineos à Lavéra (Provence).
« Pour nous, c’est toute la loi Travail qui ne passe pas », nous explique Eric Sellini. « Tous les articles de la loi permettent à un patron de dire »le Code du Travail, bah je m’assois dessus ». Surtout des patrons comme Total. La loi est taillée sur mesure pour les grandes entreprises, qui peuvent abandonner tous les accords antérieurs et les acquis sociaux en proposant des conventions à minima ». Le réferendum en entreprise serait-il un garde-fou efficace ? « Sûrement pas ! », rétorque le syndicaliste. « L’employeur peut faire un chantage à l’emploi, ou encore faire voter des gens pas concernés par les mesures, bref, ça ne va pas du tout ».
« Notre objectif est simple », poursuit-il, « c’est le retrait total de la loi. Elle ne résout rien, pas même les problématiques réelles – que nous reconnaissons – que sont la paperasserie et les charges administratives pour les PME et TPE. Mais elle casse les acquis sociaux ». Fallait-il pourtant en passer par la pénurie d’essence ? « Si les manifestations ne suffisent pas, on utilise notre droit de grève. Cela fait quand même deux mois que le gouvernement est sourd comme un pot, on monte donc en puissance dans la contestation ». Eric Sellini espère que « les salariés vont se mobiliser » et voit « la mobilisation monter en ampleur ; les taux de gens favorables à la grève, où qu’on voit en AG augmente nettement par rapport aux mobilisations habituelles ». Il conclut : « tous les salariés sont concernés : cette loi Travail pulvérise notre droit du travail ».
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Une réponse à “Pénurie d’essence. Les salariés de Total : « c’est toute la loi Travail qui ne passe pas »”
A croire que le gouvernement prend un malin plaisir à se mettre à dos la population, histoire de semer le chaos, pour ensuite intervenir avec force, et instaurer la dictature…