Cinéma. 7 films à voir ou à revoir sur les bourgeois-bohêmes

Breizh-info vous propose désormais une chronique hebdomadaire intitulée « 7 films à voir ou à revoir » et réalisée par Virgile pour le Cercle Non Conforme, qui nous a donné son accord pour reproduire le texte.

Cette semaine, 7 films à voir ou à revoir sur le thème des bourgeois-bohêmes

Lorsque Hector Obalk, Alain Soral et Alexandre Pasche co-rédigent Les Mouvements de mode expliqués aux parents, e, 1984, nul doute qu’ils savent pertinemment que leur guide sera très rapidement dépassé. Ainsi en va-t-il des tribus urbaines qui, comme la mode, ont une existence très éphémère. Certaines plus que d’autres… Il serait très difficile de tenter de dater précisément l’entrée en scène des bourgeois-bohêmes parmi les tribus qui peuplent nos centres-villes. La paternité du terme en revient à Michel Clouscard qui, dans son ouvrage Néo-fascisme et idéologie du désir, paru en 1973, est le premier à définir l’émergence d’une pensée sociopolitique libérale-libertaire et bourgeoise-bohême. Douze années plus tard, le sociologue et philosophe proche du communisme récidive dans l’analyse de ce phénomène contemporain du capitalisme dans un second ouvrage, De la modernité : Rousseau ou Sartre, qui sera réédité sous le titre Critique du libéralisme-libertaire. Généalogie de la contre-révolution.

La théorisation d’une culture politique, ça n’en crée pas une tribu manu-militari. Aussi, plusieurs décennies sont-elles nécessaires à l’émergence de la culture bobo. Se référant psychologiquement aux babas-cool et exigeant une tenue vestimentaire héritée des minets, les bobos sont difficilement reconnaissables à leur stricte apparence de prêt-à-porter, finalement casual, qui conjugue le vêtement décontracté à une forme parfaitement maîtrisée du négligé. Pour les messieurs, la barbe est de rigueur. Une tenue vestimentaire très répandue donc qui n’est pas l’apanage des seuls bobos. Diantre… Comment dès lors définir le bourgeois-bohême ? Economiquement à droite et idéologiquement à gauche, le bobo est un traitre à sa classe sociale qui feint d’épouser les thèmes gauchisants du prolétariat pour continuer de participer à son asservissement par les emplois qu’ils occupent majoritairement dans le secteur tertiaire ou dans le milieu culturel. Car le bobo dispose de revenus importants bien qu’il affectionne de résider dans les quartiers ouvriers et métissés. Pas dans les mêmes logements insalubres, point trop n’en faut ! Lumières tamisées de jour comme de nuit et murs sobrement ornés d’objets d’art issus de l’artisanat de pays du Tiers-Monde, les anciennes friches industrielles laissées en déshérence fournissent de spacieux et confortables lofts sécurisés à la tribu qui investit massivement ces quartiers. Qu’importe si le prix des loyers et le prix d’achat au mètre carré s’envolent, favorisant ainsi la gentrification du quartier et contrariant l’accession à la propriété des jeunes classes populaires reléguées plus loin en banlieue. Notre affable bourgeois-bohême n’est pas à une contradiction près ! Le bobo est également écologiste même si les produits issus de l’agriculture biologique sont déclarés has been. Trop de monde s’est mis sur le créneau…

Non ! Aujourd’hui, le snobisme du bobo l’exhorte à préférer les aliments estampillés commerce équitable et provenant de lointains pays exotiques et ensoleillés. Et si les fruits et légumes sont récoltés dans une ferme coopérative, on frôle le nirvana. Car le commerce équitable contribue largement à sauver la planète ! Ne comprenant pas que l’empreinte carbone que nécessite le transport annihile tout argumentaire écologique, le bobo sera tout heureux de présenter à ses coreligionnaires ses délicieux mets, dénichés dans quelque magasin, comme de véritables trésors. Cela permet d’impressionner les invités aussitôt empressés de dénicher le produit encore plus rare et équitable qui permettra de remporter la sournoise compétition bourgeoise. Plus que tout le bobo est un idéaliste moralisateur qui se persuade de la vocation presque thaumaturge de sa communauté. Ah s’il y en avait plus comme lui, l’humanité irait bien mieux s’autorise-t-il à penser !… Aussi, le bobo affectionne-t-il les vernissages au profit des enfants mutilés par les mines enfouies au Nord-Kivu ou l’exploitation de l’enfance dans les mines d’or du Mali. Nobles causes certes ; en contrepartie, le bobo se désintéressera du modeste travailleur qui ne parvient pas à joindre les deux bouts ou du sans domicile assis chaque jour à proximité du garage dans lequel il stationne son vélo. La condamnation est sans appel :  pas assez exotiques et ils seraient bien capables de voter pour l’extrême-droite de surcroît ! Il ne s’engagera néanmoins pas plus qu’une participation symbolique à une exposition. Trop risqué ! Peut-être une manifestation de soutien aux sans-papiers de temps en temps ; ça permet de frimer dans les soirées mondaines lors desquelles est secrètement espérée l’apparition furtive d’un animateur de Canal+ ou d’un chroniqueur des Inrockuptibles.

Le bobo est l’un des plus parfaits représentants de cette inversion des valeurs sociales et sociétales qui voit la bourgeoisie épouser les idées d’une gauche qui abandonne le socialisme au profit de certaines droites. Dessiner une tribu urbaine, c’est forcément caricaturer mais la vérité n’est pas très éloignée. Celui qui aura le mieux croqué cette infâme et égoïste contre-culture est le chanteur Renaud, dont la chanson Les Bobos résonne comme un testament chansonnier et offre le dernier regard de lucidité de l’ex-anarchiste qui a maintenant décidé d’embrasser un flic. Les milieux artistiques dégueulent de représentants commerciaux de cette sous-culture ignoble. Le monde du cinéma, particulièrement français, n’est pas en reste avec Christophe Honoré en digne chef de file. Ces dernières années, les bobos ont eu l’honneur de se voir moqués, non dans des films bobos mais sur les bobos, et chahutés par des réalisateurs étrangers au phénomènes ou dans des œuvres de cinéastes familiers de cette communauté mais qui font preuve d’une lucide autodérision.

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A QUOI ÇA SERT DE VOTER ECOLO ?

Film français d’Aure Atika (2004)

La trentenaire, Antoine et Charlotte sont un sympathique couple parisien. Ce soir, ils reçoivent leurs amis à dîner. Afin que la soirée soit des plus réussies, chaque convive amène ses propres victuailles que tous partageront dans une exquise salade composée à l’aide des ingrédients de chacun. Tous sont de dignes représentants du monde d’aujourd’hui, ouverts, humanistes, tolérants… Certes, l’énervement peut poindre parfois subitement, notamment lorsque l’un des participants s’offusque que Julia Roberts, croisée par hasard dans le quartier de Belleville, ne lui ait point rendu son bonjour. Mais nul doute que malgré cet accroc, la soirée sera festive. L’assemblée ne manquera pas, à coups de généreuses déclarations,  de refaire le monde en fumant quelques joints et défendant le vote écologiste aux prochaines élections. Pourtant, la buanderie du jeune couple bobo recèle une grosse surprise, personnifiée par une jeune servante malgache séquestrée par ses sympathiques patrons…

Plus connue comme actrice, Atika s’est également essayée à la réalisation de trois courts-métrages dont le présent est le premier. Les quinze petites minutes de l’œuvre ne répondent, bien évidemment pas à la question posée dans le titre mais au moins celle-ci est-elle posée. L’écologie, un thème majeur du Troisième millénaire kidnappé par une secte, la plus donneuse de leçons, prête à oublier ses fondamentaux dès lors qu’un strapontin socialiste se libère. Un vrai jeu de chaises musicales. Mais revenons au film, assez plaisant dans son croquis d’individus détestables, subjugués par la culture du piment au Guatemala tout en s’autorisant la séquestration d’une immigrée malgache, réduite à l’état d’esclave… mais pour son bien ! Le trait est assez caricatural dans sa présentation de la conception existentialiste du monde mais le paradoxe bobo est exposé au grand jour. Plaisant à regarder et vraiment… A quoi ça sert de voter écolo ?

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L’AMOUR DURE TROIS ANS

Film français de Frédéric Beigbeder (2011)

Marc Marronnier est critique littéraire et passe ses nuits à explorer la vie nocturne parisienne en compagnie de ses amis Jean-Georges, Pierre et Kathy. Récemment divorcé d’Anne après trois années d’une vie commune lentement déclinante, Marronnier est désormais parfaitement péremptoire sur la question. L’amour ne dure que trois ans ! A l’issue d’une pathétique tentative de suicide, il écrira même un pamphlet sur le sujet. L’enterrement de sa grand-mère provoque sa rencontre avec la photographe Alice, qui n’est autre que la petite amie de son cousin Antoine. Cette entrevue va profondément bouleverser ses convictions. Les rendez-vous entre le pessimiste Marc et la pétillante Alice deviennent de plus en plus galants et la jeune femme quitte bientôt Antoine. C’est le début d’une prometteuse idylle. Mais la sortie prochaine du livre pourrait remettre en question cet amour naissant…

Après Atika, c’est à Beigbeder d’endosser la casquette de cinéaste qui se prête à la mise en image de son propre roman éponyme. Le réalisateur-écrivain est évidemment parfaitement placé pour décrire ce microcosme bohême et lettré du monde de l’édition et de la culture parisiennes. C’est souvent drôle et bourré d’autodérision même si le côté trombinoscope Canal+ est parfois irritant. D’aucuns jugeront le film narcissique mais c’est Beigbeder. Et si Beigbeder est très loin d’être un monstre de la littérature et ne sera jamais un maître du cinéma, le film n’est pourtant pas dénué d’un talent fantaisiste certain et d’un goût novateur pour la mise en scène. Gaspard Proust, Louise Bourgoin, Frédérique Bel, Nicolas Bedos et Jonathan Lambert y sont très à l’aise. Même Joey Starr dans un rôle de futur homosexuel qui s’ignore ! Une preuve que le film n’est pas si mal, Télérama n’a pas aimé. Miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus bobo ?…

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L’ANNIVERSAIRE

Film français de Diane Kurys (2005)

Raphaël Kessler est un pape européen de la téléréalité. Un soir, il lit le tapuscrit qu’un éditeur et ami vient de lui faire parvenir. A sa grande stupéfaction, Kessler revoit défiler au fil des pages sa propre histoire, alors qu’il militait, dans les années 1980, en faveur des radios libres et avait crée avec sa bande d’amis Radio NRV. Moins glorieuse est l’évocation d’une trahison qu’il commit pour lancer sa carrière. C’est décidé ! Il fera éditer le manuscrit mais plus que cela, le producteur souhaite également réunir, à la faveur de son quarante-cinquième anniversaire, tous ceux qui ont participé à l’aventure à ses côtés. Tout le monde se retrouve bientôt autour du magnat multimillionnaire dans sa villa cossue de Marrakech. Kessler ignore que l’auteur du tapuscrit n’est autre que son frère Alberto avec lequel il est fâché depuis de nombreuses années. Très rapidement, les rancœurs ressurgissent parmi la dizaine de convives et mettent à mal le bonheur espéré des retrouvailles…

Une dizaine d’amis se retrouve vingt années après l’exercice de l’utopie. Que reste-t-il de nos années 1980 ? Kurys assemble une pléiade de comédiens pour servir une histoire largement ressassée par le cinéma. Un sujet rebattu ne fait pas forcément un mauvais film. Mais là, c’est un échec. Les dialogues sont sans relief, le scénario ô combien prévisible. Le panel des ex-pirates de la radio est large et oscille des pannes d’amour à celles de fric, à l’embourgeoisement ou la nostalgie… Tous ont pour point commun leur avachissement dans le matérialisme et le culte rendu au Veau d’or. Mais la réalisatrice ne parvient pas à approfondir le sujet et offrir un point de vue. Si la cinéaste a apprécié la mitterrandie, voilà qui n’est pas le meilleur hommage à rendre à la période. A l’exception peut-être de Diabolo menthe et La Baule-Les Pins, Kurys peine à gravir les échelons de l’art cinématographique et livre une comédie insipide.

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LE GRAND APPARTEMENT

Film français de Pascal Thomas (2006)

Un immense appartement parisien est le petit paradis de Francesca, en couple avec Martin le volage, qui partagent le logement avec une ribambelle d’amis bohêmes et de parents. Parmi eux, Adrien, cinéaste fauché qui transforme les lieux en studio de cinéma, la sœur de Francesca et la grand-mère fantasque. Théâtre de la fête permanente, le logement vit continuellement à l’heure de la récréation et du Vaudeville amoureux. La joyeuse troupe d’artistes fauchés n’a la possibilité de conserver les lieux qu’à la faveur des largesses d’une loi de 1948 qui autorise le paiement d’un loyer modeste. Tout risque de s’écrouler à l’annonce du vœu de la propriétaire de récupérer son bien afin de pouvoir en augmenter le loyer. C’est sans compter sur Francesca et sa petite communauté, bien peu décidées à se laisser reprendre leur douillet Eldorado…

La révolte par l’épicurisme ! L’anarchie par la générosité ! Thomas livre en réalité une œuvre bruyante et fatigante dans laquelle la mise en scène est aussi bordélique que Loft Story. La direction des acteurs laisse également à désirer avec un jeu excessivement théâtralisé. Quelques passages plaisants certes mais une absence totale de second degré qui enroule une invraisemblable histoire cabotine et ampoulée qui se prend vraiment au sérieux. C’est prétentieusement naïf à outrance. Le film bobo par excellence ! On n’attend qu’une chose : que la propriétaire reprenne les clés du grand appartement au plus vite afin que soient abrégées les souffrances du spectateur. On se consolerait bien d’y voir Laetitia Casta toute nue mais le réalisateur n’aime pas que ses actrices s’épilent sous les aisselles…

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LE NOM DES GENS

Film français de Michel Leclerc (2010)

Née d’une mère française et d’un père algérien et jolie jeune femme extravertie, Bahia Benmahmoud déteste par-dessus tous les fascistes. Et est fasciste celui qui n’est pas de gauche. Ce qui fait quand même du monde ! Pour enlever toute pensée brune chez ses ennemis, la jeune femme a un mode militant bien particulier. Elle couche avec eux pour les faire changer d’opinion. Bahia obtient d’ailleurs des résultats prometteurs. Dans un studio radio, celle qui se définit comme une pute politique fait alors la rencontre d’Arthur Martin, spécialiste en épizootie, qui défend le principe de précaution contre le risque d’extension de la grippe aviaire. Avec de tels propos jouant sur la peur et un tel nom, ce quadragénaire austère en quête identitaire doit assurément être fasciste. Les apparences sont parfois trompeuses. Arthur vote socialiste et son idole est Lionel Jospin. La petite excentrique tombe progressivement amoureuse de lui. Et encore, ne connait-elle pas encore ses origines juives. Pour autant, Bahia n’entend pas relâcher son sacerdoce militant…

Emplie d’une naïveté sincère, notre pasionaria fait montre d’une détermination sans faille. Peu importe si elle oublie parfois de se vêtir pour prendre le métro, l’important est qu’elle prône le métissage du monde entier pour stopper les conflits identitaires, achète des crabes vivants pour les remettre à la mer ou qu’elle fasse un mariage blanc avec un sans-papier. Arrêtons ici, il y aurait encore mille choses à dire. L’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle de 2002 lui ordonne de voter pour le fasciste Jacques Chirac, tourment dont elle semble évidemment ne jamais devoir se remettre. Ce film est forcément détestable n’est-ce pas ? Eh bien, pas du tout pour qui n’est pas totalement imperméable au second degré, voire plus. Car le réalisateur en forçant la caricature sociale, raciale et féministe à outrance, utilise l’autodérision comme ciment de son film. Cela n’en fait pas un film anti-bobo non plus. C’est drôlement moqueur ! Cerise sur le gâteau, Jospin, aussi raide en politique qu’au cinéma, y incarne son propre rôle. Une partie de la critique bien-pensante a pu voir poindre une certaine islamophobie dans le film ?!? Pour lire le second degré, il y a encore du boulot à gauche ! Une petite perle.

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TANGUY

Film français d’Etienne Chatiliez (2001)

Tanguy Guetz est un enfant idéal. Il est charmant, a de nombreuses conquêtes et est un brillant doctorant de l’université. Ancien normalien, agrégé de philosophie et de langue japonaise, il effectue désormais une thèse sur l’émergence du concept de subjectivité en Chine. Et par-dessus tout, Tanguy aime ses parents, Paul et Edith. Les cinquantenaires aisés, eux, se désespèrent de ne pas voir leur bébé de 28 ans quitter le nid. Edith ne se doutait pas que son bébé prendrait ses paroles au pied de la lettre, lorsque penchée sur le berceau, elle lui indiquait qu’il pourrait demeurer chez papa et maman toute sa vie. Sa naissance avec treize jours de retard aurait dû sonner comme un avertissement. Aujourd’hui, Edith n’en peut plus et en souffre, allant jusqu’à consulter. Lorsque le rejeton annonce qu’il diffère sa thèse et son séjour à Pékin d’un an, c’en est trop. Si leur grand bébé ne sent plus bien dans le cocon, il partira de lui-même. Aussi, sont-ils bien décidés à user de tous les moyens pour l’aider à voler de ses propres ailes. Mais vraiment tous les moyens…

Cinéaste avare en films, Chatiliez prend le temps de mûrir ses projets qui font de lui l’un des plus talentueux réalisateurs de comédies françaises. De comédies sociales plus précisément. Après l’opposition de classes dans La Vie est un long fleuve tranquille, l’aigreur de la vieillesse dans Tatie Danielle et les turpitudes de la bourgeoisie provinciale dans Le Bonheur est dans le pré, le réalisateur attaque avec Tanguy un autre sujet social plus tabou qu’il n’y paraît : le conflit générationnel au sein d’une même famille et cette mode, constatée par la sociologie, de voir des enfants rester le plus longtemps au domicile familial et pas seulement pour des raisons financières. En Paul et Edith, Chatiliez croque à merveille, sur le ton de la légèreté, ces parents qui n’ont de cesse d’infantiliser leur progéniture qui est sommée tout à coup de devenir adulte et prendre des responsabilités qu’on ne lui a jamais confiée. Férocement drôle !

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TIGRES DE PAPEL

Film espagnol de Fernando Colomo (1977)

Le peuple espagnol est prochainement appelé à se rendre aux urnes en ce mois de juin 1977 pour les premières élections depuis la chute du régime franquiste. Deux duos de babas cool font connaissance. Leurs convictions solidement ancrées à gauche, ils s’honorent de participer aux manifestations et meetings du Parti communiste. Enfin, ils vont pouvoir mettre en pratique leur idéal de vie communautaire. Carmen et Juan sont séparés mais conservent une parfaite entente. Ils ont un fils de quatorze ans avec lequel ils tentent de maintenir une relation la plus étroite. Alberto et son ancienne partenaire, quant à eux, maintiennent une relation ambigüe malgré s’être également quittés. Alberto joint de plus en plus fréquemment Carmen et Juan avec lesquels il forme un trio. Les désillusions ne tardent pas à poindre et leur idéal collectiviste et solidaire n’est pas si aisé à mettre en place. Tandis qu’ils collent la nuit, Juan et Alberto tombent sur des fascistes espagnols. Alberto se fait casser la figure. Juan, lui, se cache dans une cabine téléphonique et ne trouve pas la force de venir en aide…

Certes, le terme « bobo » peut paraître quelque peu anachronique pour définir notre trio. Encore que nos héros soient plus bobos que gauchistes…, mais passons ! Premier film de Colomo, inédit en France, Tigres de Papel a connu un gros retentissement en péninsule ibérique. Une grande partie de la première génération post-franquiste a pu se reconnaître à travers le portrait de ce trio désabusé. C’est sur le ton de la comédie cynique que le réalisateur épingle les certitudes ébranlées de nos babas bobos. La liberté sexuelle plus revendiquée que véritablement désirée est parfois mal assumée tandis que la marijuana l’emporte parfois sur les velléités les plus révolutionnaires. Cinéaste totalement inconnu en France, Colomo fait preuve d’un talent certain malgré des approximations inhérentes à une carrière débutante. Le film est à l’origine du courant filmographique de la Nouvelle comédie madrilène. Sympathique !

Virgile / C.N.C.

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