11/05/2016 – 06H45 Roscoff (Breizh-info.com) –Grosse artillerie médiatique pour accompagner la sortie de l’ouvrage de Maël de Calan « la Vérité sur le programme du Front national » (Plon). Selon l’auteur – qui n’a pas jugé nécessaire de répondre à nos sollicitations d’interview – il s’agit d’ un « manuel de combat face au FN dans la perspective de 2017. Et un manuel différent qui démonte son programme plutôt que d’en rester à une critique un peu floue sur le terrain des valeurs » (L’Express, 27 avril 2016).
Pour « cette étoile montante de la droite » (sic), « il s’agit d’un manuel de combat contre le FN pour l’empêcher de gagner les 5 ou 10 points qui le séparent du pouvoir » (Challenges, 28 avril 2016). L’essentiel est dit. A un an de l’élection présidentielle, on commence à affûter les couteaux. Mais pas seulement.
Pour le patron de Maël de Calan, un certain Alain Juppé, candidat à la primaire de la droite, il y a lieu de préparer le terrain dans au moins trois directions. Et le livre de M. de Calan s’y emploie. On pourrait même dire que ce dernier est payé pour ce petit travail rédactionnel. D’abord pour s’attirer la sympathie de l’électorat centriste, il est bon de prendre position avec fermeté contre le FN. Alain Juppé compte en effet sur les voix des démocrates-chrétiens aussi bien à la primaire qu’à la présidentielle.
Dans la seconde épreuve, si Juppé est candidat, François Bayrou ne le sera pas. Alors le maire de Bordeaux est crédité de 37% pour le premier tour par les sondages consacrés aux intentions de vote, contre 27% pour Marine Le Pen (Ifop, 21 avril 2016).
Ensuite, donner des gages à l’électorat de gauche qui sera l’arbitre de la primaire de la droite s’impose. En effet, une étude récente montre que 300 000 électeurs ayant voté pour une liste de gauche lors des élections régionales de décembre 2015 ont l »intention de voter à la primaire. Ils représenteraient 10% des participants (étude réalisée par Jérôme Jaffré pour le Cevipof, 20 avril 2016, Le Figaro). Les inventeurs de la primaire de la droite n’avaient certainement pas imaginé que des électeurs de gauche seraient en mesure de choisir le candidat de la droite à la présidentielle !
Enfin, les grandes entreprises (CAC 40) qui détestent avant tout le programme économique et social du FN ne demandent qu’à soutenir Alain Juppé. Surtout s’ils ont affaire à un homme « compréhensif », bien sous tout rapport, libéral, européiste, mondialiste, libre-échangiste …En creux, cet ouvrage les rassurera et leur montrera que l’ancien Premier ministre de Chirac est sur les bons rails : propre sur lui, sans traces d’étatisme ou de dirigisme.
Et surtout, prêt à respecter la nouvelle règle du jeu : « les promoteurs du prétendu « libre » marché ne réclament absolument pas la fin de l’intervention publique dans l’économie, ils demandent simplement que celle-ci soit détournée en leur faveur ! En France, le Medef est parvenu ces dernières années à convaincre le gouvernement à la fois du caractère insupportable de l’intervention publique et de la nécessité absolue d’un transfert historique de cotisations sociales de 40 milliards d’euros des entreprises vers les ménages » (Eloi Laurent, « nos mythologies économiques », les liens qui libèrent).
Séduire, faire des risettes, donner un positionnement « utile » à Juppé en lui permettant de rassembler électorat de droite et électorat de gauche, comme Chirac en 2002, voilà le premier objectif du « manuel » de Maël de Calan.
A lire Challenges (28 avril 2016), la lecture de l’ouvrage de Maël de Calan serait agréable car « l’écriture est fluide, vive, ce qui pour un livre sur le programme du FN, est déjà une promesse ». Tant de talent mérite évidemment des prolongements. Il serait dommage de gâcher un pareil savoir-faire. Maël de Calan pourrait donc, toutes affaires cessantes, entreprendre la rédaction d’un autre livre consacré à la réussite formidable des deux partis de gouvernement. On peut lui indiquer quelques pistes susceptibles de « parler » à tout esprit libéral. D’abord en utilisant les connaissances d’Agnès Verdier-Molinié, directrice de la fondation IFRAP : « la dépense publique est passée, en valeur, de 1186 milliards d’euros en 2012 à 1243 milliards en 2015, soit 19 milliards de plus par an. Une sacrée augmentation quand la charge de la dette a baissé de 56 milliards à 44 milliards et quand l’inflation est quasi nulle. » (Le Fig mag, 29 avril 2016).
D’autres points mériteraient des développements dans un ouvrage de Maël de Calan destiné à célébrer la gloire de l’UMPS. Par exemple, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en mars 2016 : 6 151 400 en France métropolitaine, toutes catégories confondues. La dette publique notifiée au 31 décembre 2014 s’élevait à 2037,8 milliards d’euros, soit 96% du PIB. Quelques chiffres concernant le déficit commercial de la France pourraient également intéresser M. de Calan : en 2008 (sous Nicolas Sarkozy), déficit de 56,2 milliards d’euros ; en 2011 (toujours sous Sarkozy), déficit de 74,5 milliards d’euros. En 2015 (sous Hollande), déficit de 46,1 milliards d’euros. Quant au déficit de l’État, il est aussi flamboyant ; 38,190 milliards d’euros en 2007, 56 389 en 2007, 138, 028 en 2009, 148,803 en 2010 ; 90,718 en 2011 ; 87 149 en 2012 ; 74, 867 en 2013 ; 85,710 en 2014.
Puisque Alain Juppé a signé la préface de « la vérité sur le programme du Front national » et que de Calan appartient à sa « garde rapprochée », il serait bon que dans cet ouvrage à venir un chapitre soit consacré aux exploits du dénommé Juppé lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères de Nicolas Sarkozy. Par exemple, l’élimination de Kadhafi en Libye au moyen d’une opération militaire (19 mars/31 octobre 2011) ; laquelle est la première cause de l’anarchie qui règne maintenant dans ce pays et des mouvements migratoires dont l’Europe est la victime aujourd’hui.
Maël de Calan (LR) a été élu conseiller départemental du Finistère en mars 2015. Il est l’un des trois fondateurs de la Boîte à idées (BAI), un think thank de droite qui se propose de fournir des pistes de réflexion aux ténors de droite. Mais il semble que de Calan ait maintenant trouvé le gîte et le couvert chez Juppé.
Pendant la campagne des élections régionales de 2015, Marc Le Fur avait fait de ce Léonard l’un de ses deux porte-paroles . La fadeur – pour ne pas dire l’inexistence – de cette campagne électorale montre que de Calan n’est pas un champion en la matière. Ecrire des livres lui convient sans doute mieux …
Bernard Morvan et Yann Vallerie
Crédit photo : DR
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2 réponses à “Maël de Calan (LR) et « la vérité sur le programme du Front national ». Récit d’un coup de communication”
Pour accéder au second tour de l’élection présidentielle de 2017 (à supposer que Les Républicains le choisissent comme candidat), Alain Juppé veut attirer des voix centristes et de gauche au premier tour. Mais si jamais le second tour l’opposait à un candidat de gauche, il aurait besoin des voix du candidat FN éliminé. C’est sans doute pour ne pas se les aliéner que son livre anti-FN est signé de l’un de ses collaborateurs et non de lui-même — qui se contente de la préface.
On s’étonne en revanche de l’erreur stratégique de Mael de Calan. Peut-être s’est-il dit que ce livre ne nuirait pas à son implantation politique en Bretagne en raison de la faiblesse locale du FN. Mais le paysage politique est en recomposition en Bretagne aussi, avec juste quelques années de décalage par rapport au reste de la France. Ce livre le coupe d’un électorat de second tour significatif. Il le traînera comme un boulet. Il est douteux désormais qu’il puisse devenir un leader politique de poids en Bretagne.
Je m’étonne de la phrase suivante:
« La dette publique notifiée au 31 décembre 2014 s’élevait à 2037,8 milliards d’euros, soit 35,6% du PIB. »
Le PIB de notre pays s’est élevé en 2014 à 2132 milliards d’euros (source INSEE) La dette publique devrait reprèsenter environ 96% de ce PIB,
ce qui nous classe dans les pays fortement endettés. Rappelons que les critères de convergence du Traité de Maastricht (dont tout le monde se fiche éperdument aujourd’hui) limitaient l’endettement public à 60% du PIB. Et même le fameux Traité dit « de la règle d’Or » (TSCG) signé en 2012 par Hollande (malgré ses mimiques) fixait ce même taux de 60% et obligeait ceux qui dépassait ce chiffre à réduire leur endettement sur la base de 5% par an. Vaste rigolade que tout le monde a oublié. J’espère que M de Calan, europhile convaincu, aura à coeur de remettre ces manquements successifs aux traités à l’ordre du jour dans le programme de son mentor Alain Juppé. De toutes façons, il parait évident que le programme économique du FN s’imposera dans les faits en raison du probable éclatement de l’euro et de la dislocation de l’Union Européenne qui en sera la conséquence logique.