06/05/2016 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) – En 2012, les «commentateurs» et les «observateurs» avaient applaudi à l’exploit réalisé par Jean-Marc Ayrault (PS) dans sa circonscription de Nantes-Saint-Herblain : réélu député dès le premier tour avec 56,21% des suffrages exprimés. Auréolé de son titre de Premier ministre, il avait même gagné 2 377 voix en cinq ans (28 589/26 212). Mais on oubliait de noter que la satisfaction des 88 563 inscrits n’était pas totale puisque 37 304 d’entre eux n’avaient pas jugé utile de se déplacer ; on avait donc affaire à une abstention record avec 42,03%.
Au premier tour de 2007, Jean-Marc Ayrault avait frôlé la réélection au premier tour avec 49,76% des exprimés, alors que l’abstention ne représentait « que » 36,68% des inscrits. En cinq ans, l’abstention a donc poursuivi son petit bonhomme de chemin.
À l’occasion d’une élection partielle, l’ambiance n’est pas la même : peu de mobilisation, absence de dynamique nationale, désenchantement des électeurs. Si bien que cette élection intermédiaire défavorise toujours le parti au pouvoir et permet à celui de l’abstention de réaliser des scores impressionnants : 74,51% au premier tour (17 avril 2016) de cette partielle où Karine Daniel (PS), adjointe au maire de la ville de Nantes et vice-présidente de Nantes-Métropole, avait reçu mission d’assurer la succession du « boss » Ayrault parti au Quai d’Orsay. Pour remplacer un professionnel de la politique, rien de mieux qu’une autre professionnelle de la politique ! On reste en famille…
Au premier tour, Karine Daniel a perdu 22 016 suffrages par rapport au résultat obtenu par M. Ayrault en 2012 (28 589/60 573). À tel point qu’elle ne devançait le candidat LR que de 1485 voix ! (6573/5088).
Comment enregistrer ce fort recul enregistré par Karine Daniel dans cette circonscription en or ? Une comparaison avec Jean-Marc Ayrault montre une faible notoriété et une popularité inexistante. Mais l’espèce de rejet dont souffre le président de la République a fait le reste. Ce dernier ne joue plus le rôle de locomotive pour ses troupes mais plutôt de boulet. En ce moment, tous les sondages portant sur les intentions de vote pour la présidentielle de 2017 montrent en effet que François Hollande serait incapable de se qualifier pour le second tour de l’élection présidentielle de 2017 s’il était candidat. Toutes les enquêtes montrent que la finale opposerait le candidat de la droite à Marine Le Pen, M. Hollande se contentant d’un petit 15% (Odoxa pour Aujourd’hui en France, samedi 16 avril 2016 ; BVA pour Ouest-France, jeudi 21 avril 2016 ; IFOP pour Paris-Match, jeudi 21 avril 2016). Bref, Karine Daniel n’était pas aidée par le pape François !
Alors que le niveau de l’abstention ne varie guère d’un tour à l’autre (74,51% le 17 avril et 74,23 le 24 avril), le nombre des exprimés recule : 21 615 le premier dimanche et 20 098 le second (-1517). La cause : la montée des bulletins blancs (763/2035) et nuls (200/693), soit + 1272 et + 493. À coup sûr, des électeurs du PCF, d’EELV et du FN qui se refusaient à choisir « entre la peste et le choléra ». Si bien que Karine Daniel a reculé de 1088 voix le second dimanche par rapport au global de la gauche (PS + EELV + ND +communistes) du premier tour (12 230/11142). Les Verts n’avaient pas donné de consigne de vote : « c’est la volonté des militants » (Presse-Océan, 18/04/2016) tandis que les communistes la soutenaient du bout des lèvres : leur candidat appelle à voter Karine Daniel, mais « entend réaffirmer qu’il faut d’autres choix que ceux d’un gouvernement de gauche qui mène une politique de droite » (Ouest-France, 18/04/2016).
À coup sûr, Mme Daniel n’a pas bénéficié de renforts (nouveaux électeurs) importants au second tour ; on ne s’est pas précipité pour féliciter son élection ! On peut appeler cela indifférence ou bien volonté de lui savonner la planche. Vu le résultat, la nouvelle députée ne peut pas revendiquer une élection glorieuse : elle n’a rassemblé le 24 avril que 12,58% des inscrits ! Il faut s’appeler Jean-Marc Ayrault pour se féliciter de « cette brillante élection » (Presse Océan, 25/04/2016).
Dans cette circonscription historiquement ancrée à gauche, le candidat de la droite était évidemment condamné à faire de la figuration. La droite (UMP-LR, UDI-Modem + DLF) totalisait 5 963 suffrages au premier tour, elle passe à 8 956 au second, soit une progression de 2993 voix. Une partie de ces renforts pouvait être fournée par des électeurs de droite s’étant subitement mobilisés pour le second tour et une autre par des électeurs frontistes faisant du rejet de la gauche une priorité.
Notons que Mathieu Annereau, le candidat de la droite, est arrivé en tête dans quatre communes (Cordemais, Le Temple-de-Bretagne, Saint-Etienne-de-Montluc et Vigneux-de-Bretagne). Il semble que ce mini-succès lui soit monté à la tête puisqu’il se projette déjà vers l’élection de 2017 : « Une nouvelle campagne électorale débute dès ce lundi… » (Ouest-France, 25/04/2016). Il était bien meilleur avec sa déclaration de candidature qui ne manquait pas d’humour : « Ma proximité avec les habitants, ma disponibilité et mon handicap (je suis non-voyant) me permettront de porter un regard nouveau sur les questions nationales » (Ouest-France, 16/02/2016).
Bernard Morvan
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