La Nouvelle Revue d’Histoire n°84 : 1941-1945, Front de l’Est

04/05/2016 – 08h00 Paris (Breizh-info.com) – Le 84ème numéro de La Nouvelle Revue d’Histoire est paru.

Ouvert par l’éditorial de Philippe Conrad(« Hitler contre Staline ou le naufrage de l’Europe« ), le dossier central est consacré au front de l’Est (1941-1945). On peut y lire, notamment,  des articles de Gaël-Georges Mouliec (« La débâcle de 1941; une faillite du renseignement soviétique ? » ;  » Les «Malgré-nous» prisonniers en URSS« ), de Max Schiavon (« Barbarossa. l’échec de la guerre éclair à l’Est » ; « Les «Français libres» sur le front de l’Est« ), de Luc Pauwels (« L’Ukraine et les déchirements de la guerre« ), d’Eric Lefévre (« La Légion des volontaires français contre le bolchévisme« ) et de Jacques Bernel(« Des officiers allemands au service de l’Armée rouge« ).

Hors dossier, on pourra lire, en particulier, un entretien avec François-Bernard Huyghe(« La désinformation« ) et l’autre avecEmmanuel Le Roy Ladurie (« Retour sur une œuvre majeure« ), ainsi que des articles deMartin Benoist (« Babœuf ou l’infortune de l’Egalité« ), d’Arnaud Guyot-Jeannin (« Le rêve européen de Drieu la Rochelle« ), d’Arnaud Benedetti (« 1947. L’État face à la menace communiste« ), de Rémy Porte (« Les politiques et la conduite de la guerre« ), d’Olivier Zajec (« Philippe Ariès« ) et d’Emma Demeester (« Marguerite d’Angoulême« ), ou encore les chroniques de Péroncel-Hugoz et de Philippe d’Hugues….

Hitler contre Staline ou le naufrage de l’Europe

Tournant de la Deuxième Guerre mondiale, l’offensive Barbarossa, déclenchée le 22 juin 1941, marque le point d’aboutissement du grand suicide européen entamé en 1914.

Le Führer et le « Petit Père des Peuples » s’étaient entendus en août 1939, lors de la signature du pacte germano-soviétique, pour remettre à plus tard un affrontement que l’un comme l’autre jugeait à terme inévitable, mais l’accord conclu leur avait permis de se partager à moindre coût l’Europe orientale. La Pologne anéantie et les États baltes privés de leur éphémère indépendance, l’ordre nouveau ainsi établi pouvait satisfaire les maîtres de Berlin et de Moscou. Mais, une fois la victoire obtenue à l’ouest à l’été 1940, Hitler fut naturellement tenté d’engager la lutte avec une Russie soviétique qui se voulait la patrie d’une révolution communiste à vocation universelle.

Avec une Angleterre contrainte pour longtemps à la défensive et avec une Amérique résolument isolationniste, quelle qu’ait été la volonté interventionniste de Roosevelt, Hitler pouvait penser que la victoire sur l’URSS était à sa portée. Les difficultés rencontrées par l’Armée rouge en Finlande et l’épuration radicale qu’avaient subie ses états-majors pouvaient laisser penser que la mise en œuvre de la blitzkrieg aéroterrestre victorieuse en Pologne, en France et dans les Balkans ne laissait que peu de chances aux Soviétiques. C’était toutefois négliger le succès rencontré en 1939 contre les Japonais sur les frontières mongoles et sous-estimer les atouts géostratégiques majeurs dont bénéficiait la Russie – l’espace, les conditions hivernales, le volume des ressources humaines – qui avaient conduit à l’échec Charles XII et Napoléon.

Certains attendaient de l’Allemagne qu’elle fît un autre choix. Le géopoliticien Karl Haushofer appelait de ses vœux depuis longtemps une grande alliance continentale germano-russe, celle qui s’était opérée de fait avec les accords de Rapallo de 1922, et qui semblait avoir été réactualisée par le pacte d’août 1939. Mais l’anticommunisme farouche de Hitler et sa volonté de bâtir à l’est unlebensraum, un espace vital propice à l’expansion allemande, allaient naturellement contre un rapprochement entre Germains et Slaves.

Malgré l’engagement d’effectifs et de moyens colossaux, l’opération Barbarossa – qui devait, avant l’hiver, conduire les troupes allemandes jusqu’à la Volga – ne put atteindre les objectifs fixés. Malgré des pertes énormes, les forces soviétiques surent faire preuve d’une capacité de résilience inattendue et l’arrivée précoce du général Hiver se révéla fatale à la guerre de mouvement engagée par la Wehrmacht. La résistance de Moscou sonna le glas, dès la fin de l’année 1941, des espoirs allemands d’une victoire rapide. Malgré les succès obtenus au printemps 1942, quand les assaillants atteignirent le Caucase, il ne fut jamais possible d’obtenir la victoire décisive qui aurait pu être fatale au régime soviétique.

Staline sut aussi, en faisant preuve de beaucoup de pragmatisme, réveiller le sentiment patriotique russe en invoquant, contre l’envahisseur, les mémoires d’Alexandre Nevski et de Koutouzov, alors que les Allemands – initialement bien accueillis en diverses régions, notamment en Ukraine, par une population hostile au régime soviétique – ne surent à aucun moment exploiter les opportunités que leur offrait cette situation.

On connaît la suite : une Russie d’Europe dévastée, des pertes terrifiantes pour les deux adversaires, une Allemagne totalement écrasée à l’issue de la guerre, une Europe bientôt divisée par la guerre froide pendant près d’un demi-siècle… Alors que la Russie, débarrassée du communisme, revient dans le jeu des puissances, il apparaît plus nécessaire que jamais d’en finir avec un passé conflictuel qui s’est révélé catastrophique pour notre continent. Il est indispensable et urgent de tourner la page du « tragique XXe siècle » pour construire le vaste espace civilisationnel qui, de l’Atlantique à la Sibérie, sera en mesure de peser dans l’histoire du monde à venir.

Philippe Conrad

Crédit photos : DR
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