Saint-Nazaire. Le restaurant d’entreprise de Stelia Aerospace fermé une semaine après un feu de pneus de la CGT

26/04/2016 – 21H00 Saint-Nazaire (Breizh-info.com) –Le restaurant d’entreprise de Stelia Aerospace (ex Aerolia) à Saint-Nazaire est fermé depuis lundi midi jusqu’à la fin de la semaine. Motif ? Un feu de pneus organisé par les grévistes de la CGT qui a mal tourné. Les activités du comité d’entreprise situé dans les mêmes locaux sont elles aussi suspendues. Nombre d’ouvriers de Stelia Aerospace, obligés de manger à l’extérieur ou de ramener leur repas eux-mêmes, sont vent debout contre ce « coup fumeux » de la CGT.

Au sein de Stelia, depuis le 14 avril, ont commencé les négociations annuelles obligatoires (NAO) qui portent notamment sur les salaires. La CGT refuse l’augmentation proposée par la direction : 0.4% sur les salaires. Un premier piquet de grève le matin du 18 avril à Saint-Nazaire a rassemblé une centaine de salariés. Un second piquet, à partir de 4h du matin jusqu’à midi le 25 avril, a regroupé 80 salariés devant l’usine. Ceux-ci ont fait brûler des pneus, d’abord sur un terrain du Port Autonome, puis plus près de Stelia, à cinquante mètres de la cantine.

Peu avant midi, alors que les portes du restaurant d’entreprises étaient ouvertes et le service des repas commencé, le vent a tournée et la fumée noire épaisse des pneus en feu a envahi le self et les locaux du CE. Benoit Boisrobert, trésorier du Comité d’Entreprise (CE) et élu CGC, explique qu’en «cinq minutes, les locaux étaient envahis d’une fumée noire et il a fallu évacuer les 24 personnes qui y travaillent, c’était impossible de rester». Le service des repas a été interrompu aussi et la cantine évacuée.

Celle-ci est maintenant fermée jusqu’à la fin de la semaine. «Une fine couche de suie s’est déposée sur tous les objets, les aliments, les dossiers etc. Il faut tout nettoyer. Deux entreprises spécialisées vont intervenir d’ici à la fin de la semaine, pendant quatre jours », poursuit le trésorier du CE, qui précise que celui-ci « a porté plainte contre X afin de faire jouer l’assurance». Le préjudice pourrait atteindre jusqu’à 10.000 € selon plusieurs sources concordantes. Toute la nourriture préparée pour le lundi a été souillée par la suie et doit être jetée, « et par ailleurs il va falloir jeter une grande quantité de nourriture qui était prévue pour les jours suivants de la semaine, car les dates de péremption vont passer », précise Benoit Boisrobert.

« Faut être vraiment con pour brûler des pneus devant la cantine ! On peut vraiment parler d’enfumage syndical, là, même si le hasard, enfin le vent, s’en est mêlé».

Dans l’urgence, la direction a accordé 10 minutes supplémentaires aux ouvriers pour manger. Par ailleurs ils ont la possibilité d’aller au restaurant d’entreprise d’Airbus Gron, qui fait partie du même groupe. Mais beaucoup ont mangé à l’extérieur ou se sont privés de repas, car ils n’étaient pas au courant, comme Michel, qui est « franchement en rogne. Faut être vraiment con pour brûler des pneus devant la cantine ! On peut vraiment parler d’enfumage syndical, là, même si le hasard, enfin le vent, s’en est mêlé».

Un expert des assurances Macif est passé à la demande du CE pour évaluer les dégâts. « Il nous a donné l’ordre de commencer à nettoyer la cuisine », remarque Benoît Boisrobert. « Dès demain, on préparera des sandwichs et on les distribuera à la porte du self », précise l’élu CGC, qui précise que «les ouvriers devront les commander par téléphone et on les fera sur mesure. On fait déjà ça le vendredi habituellement, on en fait 80 à peu près. C’est fait dans l’urgence, mais comme ça on peut pallier partiellement la fermeture du restaurant d’entreprise » qui sert normalement 600 repas par jour.

Contactée, la direction confirme l’indisponibilité de la cantine, mais botte en touche en refusant de communiquer sur le sujet, qualifié de  «sensible» en pleines négociations salariales. Nous avons joint Carl Mahé, délégué syndical CGT, qui confirme « un problème de vent qui a poussé la fumée vers le self », mais rejette la responsabilité sur la direction et le CE. « Le self doit normalement être hermétique, or les portes étaient grandes ouvertes. Si le self n’est pas hermétique, ça veut dire aussi que les gaz d’échappement des véhicules qui passent devant rentrent dedans à longueur de journée », s’indigne l’élu CGT.

Il affirme que cet « incident » ne « doit pas faire oublier la réalité et la force de notre combat pour l’amélioration des salaires. A l’issue de la 3e réunion NAO à Toulouse, la direction propose 0.5% d’augmentation au lieu de 0.4%, et elle commence à comprendre la pression dans les ateliers et la mobilisation des employés ». Seulement, la CGT continue le mouvement, « car cette augmentation de misère ne reflète pas la santé florissante de l’entreprise, le fait que le groupe Airbus a plus de 1000 milliards d’euros de carnet de commande, que le CA de Stelia a augmenté de 6% et les dividendes des actionnaires de 8%. Nous refusons que les salariés n’aient que les miettes ! »

«Un drame de la bêtise humaine»

De son côté, la CGC « regrette » dans un communiqué que le feu de pneus de la CGT ait mis hors service le restaurant d’entreprise et les locaux du comité d’entreprise. « Nous nous désolidarisons totalement de cette action », affirme Benoit Boisrobert. « Bien sûr, ce n’était pas leur intention de mettre la cantine hors service, disons qu’il s’agit d’une grosse boulette de nos collègues CGT, d’un drame de la bêtise humaine. Quand on ne réfléchit pas, ça donne ce genre de conséquences, et les salariés sont les premiers à en souffrir».

Au sein de l’usine, la mise hors service de la cantine est très mal vécue par les salariés. Selon nos informations, des élus CGT seraient passés s’excuser auprès de la direction. Et ils essaient de se faire discrets. « C’est curieux », remarque un ouvrier, « d’habitude ils font un tour matinal dans les ateliers pour dire bonjour à tout le monde, et là on ne les voit plus. On se demande bien pourquoi ».

Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016 dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine