26/04/2016 – 12Ho0 Nantes (Breizh-info.com) – Les audience de correctionnelle se suivent et se ressemblent… Ce jour là, R.M était jugé pour diverses infractions routières, dont une conduite sans permis, sans assurance et en état d’ivresse. Il porte neuf condamnations à son casier judiciaire, dont une fois à une peine de prison ferme qu’il a exécutée. Le juge, qui mène les débats, fourche en s’adressant au prévenu : « Vous avez la possibilité de préparer votre descente, heu… votre défense ». A Nantes, les geôles où sont mis les prévenus en attente de jugement – lorsqu’ils ne comparaissent pas libres – sont au sous-sol, sous les salles d’audience. Il en existe cependant aussi sous les toits, au quatrième étage près des bureaux des magistrats des services pénaux situés au même endroit.
« Bah ça se passe pas très bien dans ma tête »
R.M. avait été arrêté le 15 avril après que la police, lors d’un contrôle, se soit intéressée à son véhicule, qui roulait vite avec un pneu crevé. Dès qu’il s’arrête, R.M part en courant puis est rattrapé. Lorsqu’il souffle, il est largement positif – 1,01 mg par litre d’air expiré soit près de 2 grammes d’alcool dans le sang ; il avait aussi consommé du cannabis. Déjà condamné pour diverses infractions routières en 2011, 2013, 2014 et 2015, mais aussi pour détention et usage de stupéfiants (2013) et outrage à agent (2015), R.M fait profil bas : « Bah ça se passe pas très bien dans ma tête, j’ai pas réfléchi et j’ai pris ma voiture ». Qu’il avait achetée il y a peu alors qu’il avait perdu son permis et avait interdiction de le repasser avant six mois…
Ce détenu qui travaille en CDD – après avoir eu une foule de petits boulots – est surtout très embêté. Il était sur le point d’obtenir l’aménagement d’une peine de prison ferme de huit mois, qu’il n’aurait donc pas purgé en prison. « Du fait de votre nouvelle interpellation, cet aménagement va tomber », le prévient le juge. Effectivement : en plus d’une peine d’amende, le prévenu passera plusieurs mois à l’ombre, à nouveau. Le prix très cher pour (plusieurs) verres de vodka entre amis.
Vient ensuite Ali M., d’origine algérienne et né à Beauvais dans les années 1960. Après avoir arrêté ses études en cinquième, il a fait l’armée à Rouen dans le Génie, puis travaillé dans le BTP et comme chauffeur routier. Très défavorablement connu de la justice avec 23 mentions au casier judiciaire, dont certaines pour stupéfiants et d’autres pour vol, il a été à nouveau interpellé à Nantes le 14 avril pour vol. Il avait été aperçu vers 22h20 par un voisin à sa fenêtre, qui l’avait vu défoncer une porte de cave d’un immeuble avec un marteau, et l’avait d’ailleurs filmé après avoir appelé la police. Les policiers arrivés le trouvent dans le hall avec une poignée de porte à la main et l’embarquent après avoir écouté ses explications incohérentes. Il avait volé de menus objets dans une valise.
« Le fait de revenir à Nantes où j’étais toxico m’a fait replonger »
Un peu bedonnant, il bredouille devant le tribunal « ah oui, je reconnais tout à fait » le vol. Ses explications sont assez vagues, embrouillées. On comprend cependant qu’il a ouvert une boîte aux lettres avec un passe PTT qu’il avait gardé du temps où il distribuait des imprimés, une clé en était tombée et il est allé dans la cave l’essayer sur des box, dont un qui s’est ouvert. Que faisait-il dans l’immeuble ? « Je savais qu’il y avait un local au fond où je pouvais dormir ». Il explique que la porte de la cave s’était claquée avec ses clefs à l’intérieur et qu’il avait forcé un autre accès pour les récupérer. Que pense-t-il de son vol ? « C’est vraiment n’importe quoi ». Il ébauche une explication : « le fait de revenir à Nantes où j’étais toxico m’a fait replonger ». Une autre : « Je prends des médicaments suite à mon obligation de soins, mais là je n’ai pas tout pris car je fais de la route ».
Il fait l’objet d’une mesure de curatelle renforcée et n’était que de passage à Nantes – venu voir son fils qui vit avec son ex-femme dans le Castelbriantais. Ancien toxico accro à l’héroïne, qui volait pour payer sa dope, il avait réussi à s’en sortir après sa dernière peine de prison, achevée en avril 2015, et à refaire sa vie en Basse-Normandie, avec une nouvelle compagne actuellement enceinte. Devant le tribunal, il ne demande qu’une chose : de ne pas aller en taule. La révocation de deux peines de 6 mois avec sursis est en effet fort possible.
Fait assez rare : le procureur et l’avocat du prévenu plaident tous deux pour une contrainte pénale sur deux ans. Cette nouvelle peine, introduite par la loi du 15 août 2014, alors que Christiane Taubira était ministre de la Justice, consiste en une sorte de sursis mise à l’épreuve renforcé. Inspirée par la probation au Québec, elle peine à être appliquée. Me Lépinay, avocat d’Ali M., nous précise qu’il s’agit d’une peine prévue « pour les personnes à la rue, ou pour lesquelles la prison ne change pas grand chose. Elle est exécutée à l’extérieur, et dans ce cas elle est adaptée car les faits ne sont pas graves, et qu’il a sa famille pour le soutenir ». Cependant, il faut consulter pour la mettre en place le SPIP d’Alençon qui suit le prévenu. Le juge tranche au plus simple : ce sera 60 jours amende à 3€, soit 180€ d’amende. Ali est rendu aux siens et fortement invité à ne pas recommencer.
Pendant ce temps, en correctionnelle, Mohammed A., né en 1992 à Mostaganem en Algérie, est jugé pour port d’arme blanche – un couteau – et détention de stupéfiants à Nantes, le 28 février dernier. Il prend deux mois ferme, sans aménagement car il est déjà défavorablement connu de la justice. Zakaria K, lui aussi algérien, né en 1989 à Oran, est condamné à un mois ferme sans aménagement pour recel de vol le 25 février dernier, toujours à Nantes. Lui aussi était déjà connu pour des faits similaires. Tous deux font partie de ces jeunes, souvent clandestins et maghrébins, qui dealent au vu de tous à la Station Commerce, et vivent d’autres délits, vols à la tire ou avec violence, agressions crapuleuses etc.
Enfin Mickael S, issu de la communauté des gens du voyage et jugé pour vol dans la nuit du 3 au 4 janvier 2016 à Rezé, est condamné à 90 jours amende à 5€ (450€). Selon lui, il faisait seulement le guet, et comme ses complices réels ou imaginaires n’ont pas été retrouvés, le doute lui profite en lui faisant bénéficier d’une peine légère, bien qu’il ait été déjà condamné à plusieurs reprises pour vol.
L.B. Greffe
Crédit photo : Jean-Pierre Dambera/Flickr (cc)
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