24/04/2016 – 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Est-il possible de faire un grand vin rouge issu de pinot noir en terre de muscadet ? Après avoir goûté le Statera de Jérôme Bretaudeau , un vigneron installé à Gétigné, la réponse est oui. Son vin n’a rien à envier à bien des bourgognes issus des prestigieux terroirs de la Côte de Nuits. Analyse d’une réussite insolite.
N’en déplaise aux « terroitistes » (ceux qui accordent une prééminence absolue à l’influence du terroir pour décrire le caractère magistral d’un vin), aujourd’hui, les grands vins trouvent une explication bien plus large que la simple bénédiction d’un lieu réunissant les conditions optimales à la maturité du raisin. A Gétigné, les sols plats de granits décomposés ne partagent aucune similitude avec les veines de calcaire des coteaux bombés de Bourgogne. En dépit de ces ingratitudes, Jérôme Bretaudeau est parvenu à capter l’envoûtant parfum de fruits rouges du pinot noir sur le premier millésime d’une cuvée justement baptisée: « Statera », balance en latin. Un vin déjà charismatique, né dans les confins du Muscadet, où le foncier agricole est en lutte avec l’expansion urbaine de la très attractive cité touristique de Clisson.
Le finage de Gétigné qui côtoie le cru communal « Clisson » ne donne droit qu’à l’appellation générique Muscadet .Autant dire que dans cette contrée en mal de pédigrée, la dure loi du darwinisme viticole a fait son œuvre, en éliminant une bonne partie de la viticulture de masse abusivement établie sur des terres à pacage. Au beau milieu de ce territoire en déprise, les terres de Jérôme Bretaudeau ne sont pas les mieux loties, dispersées dans le mitage périurbain, leur exploitation n’obéit à aucun rationalisme mais résulte plutôt du jeu aléatoire des opportunités foncières. Cet ancien ouvrier agricole est parti de rien, consacrant tout son temps libre à la remise en état de terres en friches qui forment désormais un ensemble d’une dizaine d’ hectares. Pour lui, le succès est arrivé très vite, sa production de muscadets et de vins de pays trouve un envieux débouché chez les fervents partisans du vin biologique. Le travail accompli dans les vignes est certainement l’une des clefs de compréhension du très haut niveau de ses vins. Assurément la reconversion agrobiologique constitue, à l’aune de cette réussite, une voie pour la renaissance du Muscadet, mais elle n’est pas donnée à tout le monde. Sous son régime, la conduite de la vigne suit un calendrier d’entretien et de travaux rigoureux et fastidieux, que la viticulture productiviste a su contourner par de nombreux raccourcis chimiques et techniques…
Un vigneron hors pair
Bien ! Si l’on s’en tient à l’analyse à courte vue d’un adepte du vin naturel prompt à manier le syllogisme, les choses devraient en rester là : un bon vin est avant tout un vin naturel, Jérôme Bretaudeau est un vigneron « bio » alors son pinot noir est excellent. Mais peut être que la compréhension d’un vin si improbable dans notre région se découvre plus simplement au travers du passé de dégustateur de son géniteur. Il faut être un inconditionnel des grands bourgognes de Roumier* ou d’Emmanuel Rouget* pour se donner l’ambition incongrue d’exprimer le génie du pinot noir sur les terres du melon de Bourgogne. En l’espèce, les fondements de ce remarquable vin rouge reposent surtout sur la capacité de travail et l’envie d’un vigneron hors pair, pourvu d’une solide culture vineuse en mesure de servir son dessein. Encore une fois, l’engagement agrobiologique joue son rôle, mais comme souvent il ne constitue qu’un moyen pour atteindre l’excellence et vouloir réduire l’enjeu du vin à la seule finalité du « bio » empêche de considérer d’autres dimensions à son explication. Revenons à Statera, premier essai en monocépage pinot noir ; la microcuvée est élevée 14 mois en barrique dans une recherche d’affinage et non de maquillage. Le fruit se livre sous un jour encore juvénile et son corps filigrané peut rebuter les tenants de la matière, reste que le pinot noir est davantage une affaire de concentration aromatique que de tanins sur-extraits. Dans ce registre, le vin développe une acuité de fruit hors du commun qui traduit la modestie des rendements tout en gardant une rémanence en bouche, capable de faire jeu égal avec bon nombre de grands pinots noirs de Bourgogne. Attendu le faible nombre de bouteilles produites (600 cols) pour ce premier millésime, Statera est déjà épuisé*, le 2015 devrait tenir toutes ses promesses et bousculer peu à peu la hiérarchie établie.
Raphno
Domaine Georges Roumier : Chambolle-Musigny
Domaine Emmanuel Rouget : le neveu du célèbre vigneron Henri Jayer a repris le flambeau du mythique et très onéreux Cros Parantoux (premier cru Vosne-Romanée )
Epuisé : se renseigner auprès des quelques cavistes allocataires pour d’éventuelles disponibilités : Vins et Indépendance 02.40.63.46.94 (Orvault) ou Adoptez un vin 06.23.83.21.22, prix indicatif 25€
Crédit photo : DR
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Une réponse à “Statera. Quand un vigneron nantais rivalise avec les grands bourgognes…”
Cela prouve qu’on peut faire de belles choses dans le vignoble breton. Bravo pour cet article !