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Elections USA. L’État de New York : la surprise

22/04/2016 – 12H00 New York (breizh-info.com) –Tout au long des élections américaines de 2016, retrouvez chaque vendredi l’analyse de Pierre Toullec, spécialiste de la politique américaine, en exclusivité pour Breizh Info. L’occasion de mieux comprendre les enjeux et les contours d’élections américaines finalement assez mal expliquées par la majorité de la presse subventionnée – sponsor démocrate de longue date. L’occasion également d’apprendre ce qui pourrait changer pour nous, Européens, suite à l’élection d’un nouveau président de l’autre côté de l’Atlantique.

L’Etat de New York : la surprise

New York : pour les Européens, ce nom fait souvent rêver et représente le cœur de l’Amérique. La ville qui porte ce nom est considéré comme la capitale du monde, autant sur le plan culturel qu’économique et politique. Siège de l’ONU, d’innombrables musées et lieu de naissance de nombreuses entreprises multinationales, c’est ici que des centaines de milliers de migrants ont été accueillis par la Statue de la Liberté, principal symbole de l’amitié franco-américaine.

Cadre de nombreux films de tous types, capitale médiatique du pays avec ses grands médias internationaux tels que Fox News, MSNBC et le New York Times, cette ville multiculturelle attire, attise les fantasmes et représente tellement ce pays aux yeux du monde qu’elle fut la cible de la plus importante attaque terroriste de l’histoire le 11 septembre 2001. Cet événement n’a pas fondamentalement changé la donne : au contraire New York City reste une destination de choix pour les touristes du monde entier qui viennent voir le monument du World Trade Center et n’a en rien affaibli la bourse mondiale que représente Wall Street.

Ancien bastion républicain progressivement passé aux mains des démocrates après la seconde guerre mondiale, New York a perdu beaucoup de son aura au sein même du pays – élément peu connu notamment par les Européens. La stagnation économique des dernières années a créé de nouvelles opportunités pour d’autres Etats, notamment la Floride, le Texas et la Californie, désormais plus peuplés que l’Etat de New York. La ville qui porte le même nom n’est plus que la 21ème ville la plus peuplée au monde et fait figure de paria aux yeux de nombreux américains, à tel point que le sénateur Ted Cruz en a fait un argument de campagne dans le reste du pays, accusant Donald Trump d’avoir des « valeurs de New Yorkais », sous-entendu des valeurs non-conformes à celles de l’Amérique.

Ce discours lui a fait beaucoup de mal cette semaine.

L’Etat de New York est démographiquement et politique complexe. La ville de New York elle-même représente plus de 43% de la population de l’Etat. Cette ville est aujourd’hui très largement majoritairement démocrate avec une forte tendance à voter pour des candidats centristes ou républicains modérés. A l’inverse, le reste du territoire est plus divisé mais a tendance à favoriser davantage le parti républicain. Enfin, de nombreux partis locaux y ont une influence bien plus forte que dans le reste du pays, notamment le Parti Conservateur et le Parti Réformateur, tous deux présents pour contrecarrer la tendance qu’ils jugent trop centriste du Parti Républicain de New York.

Cette très grande diversité a créé un véritable casse-tête pour décider de la méthode de sélection des délégués : passer par un système de « Winner-take-all » ou un système à la proportionnelle ? Chez les démocrates, le système de la proportionnelle a été favorisé. Pour les républicains, un système mixte a été choisi : un système de « winner-take-all » a été mis en place par district (circonscription législative).

La conséquence première fut un déséquilibre très important dans la chasse aux votes. Donald Trump et Hillary Clinton étaient très largement favoris, tous deux flirtant avec les 50% d’intentions de votes. Cela n’était pas suffisant. Dans les districts de l’ouest et du nord, remporter des délégués chez les républicains signifiait devoir accumuler plusieurs dizaines de milliers de voix (par exemple, Donald Trump a remporté le 27ème district avec 42025 voix) tandis que dans d’autres districts beaucoup plus favorables aux démocrates, quelques centaines d’électeurs pouvaient faire pencher la balance (moins de 1000 personnes ont voté dans la primaire républicaine dans le 15ème district).

Le pari de nombreux observateurs et des campagnes de John Kasich et de Ted Cruz était qu’il serait bien plus aisé de remporter ces petits districts. Leur pari était de parvenir à gagner suffisamment de voix dans la ville de New York pour grappiller des délégués et empêcher Donald Trump de dépasser les 80 délégués : l’idée était que sous ce nombre, il lui serait proche d’impossible d’atteindre les 1237. La surprise était là mercredi matin : à une exception, le milliardaire a remporté l’intégralité des districts de l’Etat et réalisé un score supérieur à 60%. De même, Hillary Clinton a très largement remporté la primaire démocrate dans cet Etat avec pratiquement 58% des voix.

Aucune surprise n’était attendue durant cette nuit électorale. Trump et Clinton étaient les grands favoris et leurs adversaires cherchaient à grappiller le plus de points possibles. Une fois les résultats définitifs dévoilés, le choc était sur tous les visages : peu d’observateurs ou de stratégistes des différents camps s’attendaient à une telle victoire de la part des deux favoris !
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La primaire républicaine : le retour de l’espoir dans le camp Trump ?

Au sein de la campagne de Donald Trump, les mauvaises nouvelles se sont enchaînées au cours des dernières semaines. Plusieurs démissions et licenciements ont eu lieu dans plusieurs Etats et l’erreur stratégique du début de campagne est apparue aux yeux de tous : alors que l’équipe Trump se focalisait sur la victoire dans les primaires dans les Etats les plus peuplés et dans lesquelles les indépendants et les démocrates pouvaient voter l’équipe de Ted Cruz se focalisait sur le fait de gagner un maximum de délégués. C’est cette différence stratégique qui a créé la division actuelle du parti républicain et amène la menace d’une convention divisée en juillet.

Donald Trump a mis longtemps à réagir à cette réalité mais au cours des derniers jours, de profonds changements ont été mis en place. En plus du licenciement de plusieurs cadres, une solide équipe de lobbyistes a été recrutée spécifiquement pour la convention et négocier le soutien des délégués non-liés (http://www.politico.com/story/2016/04/trump-turns-over-his-campaign-to-lobbyists-222242). Le rapport des dépenses des campagnes du mois de mars ont aussi révélé que Trump s’est mis à massivement investir dans sa campagne – ce qui n’avait été le cas que de manière limitée dans les mois précédents – et sa campagne elle-même a dépensé beaucoup plus qu’elle ne l’avait fait dans le passé, s’éloignant ainsi de sa dépendance aux grands médias (http://www.politico.com/story/2016/04/expensive-presidential-primary-homestretch-on-tap-222244). Mais les mauvaises nouvelles ne sont pas terminées pour Donald Trump : les étudiants qui sont passé par « Trump University » de 2005 à 2011 ont obtenu du juge en charge de l’affaire que le procès soit tenu en mai 2016. Autrement dit, en pleine primaire et juste avant les votes cruciaux des Etats de l’Ouest qui se prononceront le 7 juin, Donald Trump va devoir passer comme témoin et suspect dans une affaire d’escroquerie à hauteur de plusieurs dizaines de millions de dollars, une affaire qui sera suivie par les caméras du monde entier. Le calendrier est terrible pour le candidat.

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Qu’à cela ne tienne : sa victoire à New York fut éclatante et a dépassé ses propres espérances. Avec une telle marge d’avance et alors que le parti républicain se tourne vers les primaires du 26 avril dans lesquelles Donald Trump est le grand favori, son équipe de campagne peut enfin souffler et profiter d’un vrai moment de répit. Ces quatre dernières semaines ont été éprouvantes pour eux, mais la victoire de New York pourrait être celle qui met à l’eau l’espoir des élites du parti républicain de bloquer sa candidature avant le mois de juillet.

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*Les règles de chaque Etat diffèrent et peuvent faire légèrement évoluer le nombre de délégués « libres » en fonction de la tenue des différentes conventions qui se tiendront au cours des mois d’avril, de mai et de juin, ainsi qu’en fonction des règles qui seront votées au début de la convention. Ce chiffre est donc indicatif et pourrait varier d’ici à la mi-juillet de la manière suivante : les délégués gagnés par un candidat qui a abandonné la course pourraient finalement leur être liés plutôt que « libres ».

La primaire démocrate : Hillary Clinton rassurée

Tout comme pour Donald Trump, la victoire de New York est arrivée à point nommé pour Clinton. A lui seul, ce résultat n’est pas suffisant pour assurer sa victoire finale mais il devient de plus en plus difficile de voir comment son adversaire pourrait l’empêcher d’obtenir la nomination. Bernie Sanders a tenté de caricaturer Mme Clinton comme étant une candidate « régionale » du Sud des Etats-Unis (elle-même est née en Illinois mais fut la première dame de l’Arkansas lorsque son mari y était gouverneur). Il est vrai que jusqu’ici, Sanders avait l’avantage en Nouvelle-Angleterre (le nord-est des Etats-Unis) mais la marge de victoire de l’ex-sénatrice remet en cause cette stratégie et ce message. Pire, les prochains Etats à voter seront, comme pour les républicains, des Etats proches de New York avec un électorat relativement similaire.

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Si Hillary Clinton parvient à réitérer son exploit de cette semaine le 26 avril, il sera alors impossible pour Bernie Sanders de rattraper son retard, permettant à Clinton de solidifier son soutien chez les super-délégués et garantir ainsi sa victoire à la convention démocrate de juillet dès le premier tour de vote.

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*Les Super-délégués démocrates sont les cadres et les élus du parti. Ils sont libres de leur vote le jour de la convention nationale. La majorité d’entre eux se sont engagés à soutenir Hillary Clinton mais ils sont libres de changer d’avis jusqu’à la convention démocrate qui se tiendra du 25 au 28 juillet 2016. En 2008, une majorité de super-délégués s’étaient engagés à soutenir Hillary Clinton au début de la campagne mais ont décidé d’élire Barack Obama alors que Clinton avait 300.000 voix d’avance sur lui dans la primaire.

Retrouvez les articles précédents :

1 – L’Iowa et Ted Cruz (5 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/05/usa-iowa-retour-sur-la-victoire-de-ted-cruz-aux-primaires-republicaines/)

2 – Le New Hampshire et Donald Trump (12 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/12/new-hampshire-retour-victoire-trump-primaire-republicaine/)

3 – Le décès du juge Scalia (19 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/19/elections-usa-les-consequences-du-deces-du-juge-scalia/)

4 – L’ascension de Donald Trump (26 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/26/39697/etats-unis-donald-trump-poursuit-son-ascension)

5 – Qui a réellement gagné le Super-Tuesday du 1er mars ? (4 mars 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/03/04/40056/elections-americaines-qui-a-gagne-super-tuesday)

6 – La convention républicaine de 2016 : l’arrivée d’une crise politique majeure ? (11 mars 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/03/11/40308/elections-americaines-convention-republicaine-de-2016-larrivee-dune-crise-politique-majeure)

Crédit photos : DR
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