18/04/2016 – 05H30 Strasbourg (Breizh-info.com) – Ewald Jaschel, Loup Noir alsacien, mouvement autonomiste armé dans les années 80, est décédé le 6 avril 2016. L’occasion pour Thierry Hans, journaliste responsable du mensuel alsacien satirico-régionaliste Hebdi, de revenir sur le parcours d’une figure de l’Elsass Frei, l’Alsace libre. A l’heure où l’Alsace est menacée d’effacement pur et simple au sein d’une nouvelle région sans identité, ce rappel historique mérite d’être lu.
Le Loup Noir Ewald Jaschek (1923-2016) s’en est allé. Au début des années 1980, l’Alsace a connu son unique épisode de terrorisme (à l’encontre de biens matériels exclusivement) pour porter les revendications autonomistes, culturelles et linguistiques. Ce fut la saga des Loups Noirs, « die Schwarzen Wölfe ». Ils dynamitèrent la monument de Turenne à Turckheim, et à deux reprises la croix de Lorraine du Staufen, à Thann.
Les trois membres de ce groupe étaient alors tous des quinquagénaires : Pierre Rieffel (né en 1928) et René Woerly (1928-2012) originaires du Val de Villé, et Ewald Jaschek (1923-2016). Tous les trois avaient mal digéré les excès de la Libération dont ils avaient été l’objet en 1945.
Ewald Jaschek, né en 1923 à Katowice (en allemand : Kattowitz), était issu des populations allemandes de la Silésie devenue polonaise après la Première Guerre mondiale.
Devenu citoyen allemand en 1939 du fait de la conquête de la Pologne par l’Allemagne, il fut enrôlé dans la Kriegsmarine. Lors de la retraite des armées allemandes, las de la guerre, il se tira volontairement une balle dans la cuisse pour être démobilisé. Hospitalisé en Alsace, il fit la connaissance d’Augustine Baumann, une infirmière alsacienne.
La reconquête de la Silésie par l’Armée Rouge et l’expulsion de toutes les populations de souche allemande en Europe de l’Est fit qu’Ewald Jaschek n’avait nulle part où rentrer, nulle part où aller. Il resta en Alsace avec Augustine, qui deviendra son épouse.
Augustine Jaschek fut tondue à la Libération pour « collaboration », dénoncée par une personne squattant son logement, en raison de son activité d’infirmière durant la guerre, pour laquelle elle avait pourtant été enrôlée de force par les Allemands. Quant à son mari Ewald, il fut tabassé par des FFI convertis de fraîche date. Ultérieurement, ses demandes d’obtention de la citoyenneté française seront refusées. Quant à leurs enfants, ils subiront diverses brimades en raison de l’origine allemande de leur père.
Les époux Jaschek, tout comme les époux Woerly et Pierre Rieffel, furent militants des mouvements autonomistes dans les années 1970. L’échec de ces mouvements les poussa à envisager des actions plus radicales pour porter leurs revendications, au premier rang desquelles figurait la préservation du dialecte alsacien en voie de disparition par la généralisation de son enseignement à l’école.
Ewald Jaschek, en sa qualité d’horloger, eut un rôle majeur : il mettait au point le système de retardement des explosifs.
Décédé le 6 avril 2016, Ewald Jaschek a été enterré le 12 avril. Le soir de son enterrement, une quarantaine de militants autonomistes alsaciens, parmi lesquels Pierre Rieffel, dernier survivants des Loups Noirs, Jacques Cordonnier, Jean-Michel Ritter ou des membres de diverses associations, se réunissaient pour un dernier adieu à ce combattant au parcours improbable.
Catherine, militante des Alsaciennes unies et initiatrice du rassemblement, conclut par ces quelques mots : « Tu es un des derniers mais au jour d’aujourd’hui peut-être as-tu fait naître les premiers? À chaque nouvelle lune nous penserons à toi car un Loup Noir ne meurt jamais, il ressuscite à travers sa meute. »
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