Depuis 5 ans le conflit syrien est au cœur de l’actualité. Pour relater l’actualité syrienne, la plupart des médias se contentent de reprendre les dépêches de l’Agence France presse, qui s’appuient sur les communiqués de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), une officine très controversée.
Alors pour tenter de comprendre la réalité, trois membres de la rédaction de Breizh-info viennent de séjourner en Syrie, où ils se sont rendus avec le concours de l’association de solidarité France-Syrie (contact : [email protected]). Ce voyage s’est entièrement déroulé dans la partie du pays sous contrôle du gouvernement légal du pays. De Damas à Lattaquié, notre équipe est allée à la rencontre de la population : combattants, victimes de guerre, déplacés, chrétiens, musulmans, religieux, mères de famille, enfants, universitaires, industriels, artisans, commerçants, agriculteurs… Sans préjugés ni tabous, récit d’un voyage dans un pays en guerre.
La rédaction
De Seydnaya à Maaloula, aux sources des chrétiens d’Orient
A 30 kilomètres au nord de Damas, dans le massif de l’Anti-Liban, le village de Seydnaya est situé à 1500 mètres d’altitude dans la montagne syrienne. Il est presque exclusivement peuplé de chrétiens de toutes confessions. Durant les chauds mois d’été c’est le refuge des chrétiens de Damas. Nombre d’entre eux se sont fait construire de belles villas dont la majorité est fermée, d’autres semblant abandonnées.
Nous avons visité le sanctuaire grec orthodoxe dominant le village. Il abrite aujourd’hui 36 moniales. Le monastère des Anges recèle une célèbre icône représentant la vierge Marie. Sa réalisation est attribuée à saint Luc. L’icône ne sort jamais de sa niche toujours fermée où elle est soigneusement gardée. Un guide prolixe et cultivé nous accompagne avec un militaire durant la visite.
Le monastère a souffert à deux reprises de dommages, en novembre 2013 – à cause d’un incendie du mur arrière dû à une attaque de roquettes – et en janvier 2014 – à cause de tirs du front al-Nosra.
Après Seydnaya, direction Maaloula, un gros village où la majorité des habitants parle encore l’araméen, la langue du Christ.
Après avoir visité l’église saint Georges dans le bas du village, nous nous rendons au monastère Mar Takla, grec-orthodoxe, construit autour de la grotte et du tombeau de sainte Thècle, princesse séleucide et disciple de Saint Paul. Puis en haut du rocher qui domine le village, nous visitons un antique monastère (construit au IVe siècle) dédié à Mar Sarkis et Mar Bacchus (saints Serge et Bacchus).
Un « véritable massacre archéologique »
Le village de Maaloula a particulièrement souffert en 2013 – 2014 . Cela avait débuté par une offensive des djihadistes principalement du Front Al-Nosra épaulés par des combattants de l’armée syrienne libre au cours de laquelle Maaloula va tomber au mains des rebelles. Une contre-attaque de l’armée gouvernementale permettra leur départ avant que ceux-ci ne reprennent le contrôle du village. Le renfort de l’armée syrienne permettra le départ final des forces rebelles qui ont perpétré des massacres de nombreux civils et saccagé les églises. Les djihadistes y ont commis un « véritable massacre archéologique », incendiant et pillant l’église conventuelle, un des plus vieux édifices chrétiens du monde, datant du début du IVe siècle, détruisant des icônes exceptionnelles.
Le Krak des Chevaliers, forteresse emblématique
Le plus célèbre des châteaux forts croisés du Moyen-Age est inscrit au patrimoine de l’UNESCO. Selon Thomas Edward Lawrence ( Lawrence d’Arabie), ce fut d’abord une forteresse construite en 1031 par les Abbassides, dynastie de califes arabes. Les croisés s’en emparèrent en 1110. Les hospitaliers (Chevaliers de l’Hôpital) le gérèrent de 1142 à 1271, date à laquelle le sultan mamelouk Baïbars s’en empara. La forteresse fit l’objet de nombreux remaniements et travaux d’agrandissement . Elle fut équipée de ce que le génie militaire de l’époque offrait de mieux en matière de dispositif de défense : double enceinte de murs, rampe pour les chevaux, vingt citernes assuraient l’approvisionnement en eau de la garnison de 2000 hommes.
Construit à 700 mètres au-dessus du niveau de la mer, la citadelle domine la plaine de la Bekaa, à un carrefour stratégique à mi chemin entre Homs et la côte.
On ne peut atteindre la forteresse en véhicule que par un chemin sinueux et escarpé Notre visite commença tard dans l’après-midi, à la tombée de la nuit. Au loin, au sommet de la colline, le krach nous apparait fantomatique La forteresse n’était gardée que par deux soldats syriens en armes… Nous y pénétrons par une large rampe d’accès couverte de pente légère pour faciliter l’accès des chevaux. La montée, même en nous éclairant de torches, nous semble lugubre. Heureusement, après avoir accédé aux terrasses, nous apercevons le magnifique paysage depuis le chemin de ronde supérieur.
En 2012 les djihadistes s’emparèrent du Krak des Chevaliers qu’ils vont occuper près de deux ans en commettant de nombreuses dégradations (sculptures descellées pour être revendues…, destruction de l’accueil, de la cafétéria…). Ce n’est que le 20 mars 2014 que l’armée gouvernementale reprendra le Krak, après de violents combats qui entraînèrent la destruction quasi-totale du village se trouvant au pied de la forteresse.
(à suivre)
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