Le beau, le bon… et le nationalisme breton. Par Mordiern Drezen [tribune libre]

Le printemps, nous y voilà donc. La saison du renouveau naturel, et des grandes lessives. L’occasion de nettoyer en public, et sans autre forme de procès, un linge sali depuis fort longtemps par des gens qui ne sont pas de notre famille. Car le nationalisme breton, après tout, qu’est-ce-que ce fut ces dernières décennies ?

On ne change pas une équipe qui perd. L’emsav (autre appellation du mouvement breton), depuis les turpitudes de la fin du second conflit mondial, c’est 70 ans d’échec. Un bourbier magnifique où les acronymes des différentes formations « politiques » successives croisaient le folklorisme bon teint des cercles celtiques pour touristes. Où des poseurs de bombes alcoolisés revisitaient Nominoë avec le Petit Livre Rouge.

Hormis un Plogoff et quelques acquis pour la langue bretonne, où sont nos victoires ? Nulles et non avenues ! Et puisque nous en sommes à l’heure des comptes, autant mettre des mots sur les maux :

  • le statut politique de la Bretagne n’a pas évolué en un siècle, un conseil dit « régional » fantoche se contentant de gérer les affaires courantes, sous le regard paternaliste des préfectures, vitrines officielles de Paris chez les descendants de Bécassine ;
  • cette vieille question du Pays Nantais, le hold-up du siècle, et l’échec latent du lobby breton. Incapables de reprendre notre capitale, nous avons finis par signer un chèque en blanc au Parti socialiste, toujours plus loyaux et toujours plus crédules. Je rappellerai pour le principe que Monsieur Le Drian tient la région administrative de Bretagne depuis maintenant 12 ans. En face, la droite « la plus maladroite du monde », sous l’aire de Rohan, avait au moins un mérite : cracher poliment mais sincèrement sur les revendications bretonnes ;
  • une langue avec un statut victimaire, à peine parlée même par ses propres défenseurs. Les mêmes qui l’ont si souvent rabaissé au niveau du gallo, au nom de la sacro-sainte diversité culturelle. D’Ar Brezhoneg er Skol de Yann Fouéré, quel numéro de chute libre pour arriver aux programmes Diwan d’aujourd’hui, ni plus ni moins qu’une déclinaison locale de l’éducation Belkacem ;
  • Une absence totale d’interaction entre les forces économiques, incarnée par Locarn et son lobbying pragmatique, et les acteurs du mouvement breton, souvent éloignés du  réel, rarement sérieux…et presque toujours enlisés dans les miasmes d’un gauchisme totalement archaïque. Le pouvoir ne se prend que par deux moyens : l’argent ou la force. On a vu le résultat pour cette dernière.

Voilà pour l’essentiel. Mais continuons sur cette lancée prometteuse.

Et ces fameux bonnets rouges alors, un peu plus de deux ans après l’éphémère coup médiatique, que sont-ils devenus ? A défaut d’un cinglant « rien », nous préférerons un « pas grand-chose », reconnaissant au passage la sincérité et la bonne volonté d’une partie d’entre eux. Ce qui fut au tout début de l’automne 2013 une levée de conservatisme du carré breton de la FNSEA aura eu par la suite le mérite (le seul d’ailleurs) de conduire des personnes lambda vers l’idée bretonne. Mais là encore, l’amateurisme et l’inévitable tentation folklorique finiront par enterrer tout cela. Des 30 000 participants au ton impérieux de Quimper, on naviguera vers un « rassemblement festif et ouvert » un mois plus tard à Carhaix.

La galère aux allures d’auberge espagnole post-2008 s’échouera finalement et lamentablement au mois de mai 2014, quand une maigre centaine de bonnes âmes iront soutenir 11 têtes brûlées et brûleuses de portiques devant le tribunal de Rennes. Des étudiants-chômeurs-précaires en martyrs sans gloire de l’agriculture subventionnée, entre deux bières, un joint d’herbe et un tag  « ARB » à l’orthographe aléatoire. Voilà comment le chantier s’est terminé. Victoire culturelle du gauchisme par K.O.

Ceci étant dit, oui, le bilan transpire la défaite pour le moins, mais laisse entrevoir une éclaircie : la situation ne peut que s’améliorer. Tout est à reconstruire sur les ruines de ce mouvement breton crépusculaire. Mais sachons au moins en tirer de sages conclusions : seule une nouvelle génération élitiste, formée aux questions identitaires et économiques (les deux seules qui importent en vérité), et saine de corps et d’esprit peut s’imposer comme un début d’alternative aux représentants de la république française en fin de course sur nos terres. Car le constat, aussi radical soit-il, se doit d’être dressé : la masse est bien incapable de distinguer le beau, le bon et le bien dans son quotidien rempli de surconsommation, de mondialisme et de sous-culture. En un mot, rempli de vide.

Aussi, n’ayons pas peur de l’affirmer : nous ne sommes pas tous égaux ! La règle est la même partout. Pour 5% d’alpha-dominants, les 95% restants ne prendront aucune initiative, ne connaîtront aucune transcendance, et ne viseront jamais l’excellence, mais accorderont une solide confiance à ceux qui feront office de guides. La légitimité est là, juste à nos pieds, prête à être ramassée ! Le peuple, qu’il soit breton ou plus généralement européen, a perdu le nord. Et seul, il ne l’aurait jamais retrouvé par le passé. À ceux qui se sentent faits du granit du vieux Pays breton, et non pas du bois compressé d’une table de salon parisien, de devenir les nouveaux phares dans la nuit. De devenir les nouveaux guides.

Je tiens cependant à rassurer les prétendants qui s’effrayeraient  à juste titre devant l’ampleur de la tâche. La matière de Bretagne est déjà là, sous nos yeux et dans notre sang. Relisez notre histoire, en apprenant de nos erreurs et de celles de nos rois, sans mauvaise foi ni chauvinisme de comptoir, mais sans honte. Redevenez créatifs, de quoi sont donc partis les artistes des Seiz Breur en leur temps ? Apprenez de la quête d’excellence d’une Jeanne Malivel, de l’obstination à l’échelle d’une vie d’un Roparz Hemon. Et débranchez donc définitivement la perfusion de ce vieux mouvement breton qui n’en finit plus d’agoniser.

Tournons enfin, sans reproche et sans peur,  ces pages raturées et brouillonnes de ce pseudo-nationalisme breton et laissons Olier Mordrel conclure pour nous que « Souvent, il arrive que le très vieux revienne avec la violence du très neuf, et une force dont seul il a le secret ».

Mordiern Drezen

Crédit photos : Blog Adsav
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14 réponses à “Le beau, le bon… et le nationalisme breton. Par Mordiern Drezen [tribune libre]”

  1. Alain dit :

    Beaucoup de vrai, mais il y a aussi de la caricature…

    ADSAV est aussi un parti issu de cette période :
    C’est la mauvaise conscience permettant à milieu breton de justifier son « propre sur soit »….!

    ADSAV a pourtant des qualités si on le comparer à son alter égo français, le Front National, notamment par une plus grande ouverture d’esprit et une vision européenne.

    Mais le Font National a su évoluer, apprendre à communiquer, rassembler même chez des personnes historiquement éloignées (les ouvriers et les paysans), au point de prendre progressivement la place de la « droite » historique (RPR, UDI, UMP…).
    Bien sûr, ce n’est pas gagné car le FN devient également de plus en plus socialiste (logique quand on est jacobin…) même si une variante Chrétienne Démocrate assumée semble vouloir se dessiner autour de Marion le Pen (avec toujours la difficulté de concilier des valeurs Chrétiennes Démocrate et Libérales avec l’idéologie Républicaine… aussi absurde que de marier l’eau et l’huile).

    De son coté, ADSAV est resté dans son rôle de « vilain petit canard » de l’EMSAV (crane rasé, défilé à la militaire, sympathisants cagoulés…)!

    En clair, le FN fait 18% en Bretagne en forte progression, et ADSAV … »netra » (rien)…..!

    Donc oui, ADSAV fait bien parti de cette EMSAV qui perd depuis 70ans…!
    La bien bienpensance d’un coté, le vilain petit canard de l’autre… pour un résultat plutôt faible (si on compare avec la Corse).

    Or, le rôle d’ADSAV est de virer le FN (un parti français) de Bretagne…!
    Voir pourquoi pas, de virer la « droite » française vu que le Parti Breton a une trouille bleu de s’affirmer de Droite!

    ADSAV serait bien avisé d’apprendre des méthodes de communication du milieu souverainiste français, pour mieux les virer de Bretagne (ce qui peu ce faire de manière respectueuse et courtoise, tout en étant ferme)!

    • Ronan Le Gall dit :

      Votre analyse n’est pas inexacte loin de là, mais comporte aussi quelques caricatures :-)
      Je ne peux que vous inviter à venir nous rejoindre pour travailler ensemble à progresser et à passer un cap nécessaire pour qu’un parti Breton puisse enfin faire entendre sa voix et peser sur l’avenir

      • Alain dit :

        « crane rasé, défilé à la militaire, sympathisants cagoulés… »
        Bien sûr que c’est en parti une caricature, mais c’est votre image!

        Ce que je voulais vous dire c’est que le FN a beaucoup travaillé sur son image, globalement l’ensemble du mouvement souverainiste français qui ne se limite pas au seul FN et que vous auriez à l’évidence beaucoup à gagner à vous en inspirer.

        Je vous remercie pour votre invitation, mais je considère que la démocratie c’est une représentation de tous les courants d’idées.

        Si j’étais français je n’adhérerais pas au FN, étant Breton je n’adhère pas à ADSAV et cela bien que je considère ADSAV comme plus ouvert. Normal votre parti porte des valeurs traditionnellement bretonnes alors que le FN porte des valeurs traditionnellement Françaises, mais cela ne m’empêche pas de considérer que vous avez un rôle à jouer et ce rôle n’est pas à minimiser. D’où le besoin de voir ADSAV apprendre des Français, notamment en terme d’image (dédiaboliser ADSAV).

        Peut-être aussi pour combattre la pensée unique bretonne qui fait que le FN est relativement bien accepté par le milieu militant breton, sans aucun doute pour son rôle officiel d’ « idiot utile du PSF »!

        Alors que dans l’Emsav il est de « bon ton » de bannir ADSAV, selon le principe d’une entorse à la Démocratie considérée comme acceptable…. alors que cette entorse est totalement inacceptable et contraire aux valeurs bretonnes!

        Chance vat deoc’h!

  2. gokemper dit :

    Enfin une analyse lucide…c’est ainsi qu’ il faut d’abord poser le problème…Maintenant il n y a plus qu’ à trouver les solutions concrètes !! du boulot en perspective

  3. Cadoudal dit :

    Il manque le principal. Jouer la Bretagne contre la France, pendant ce temps là les US, les chinois et l’islam vous colonisent……

    • Ronan Courtial dit :

      La Bretagne c’est la Bretagne et la france c’est la france.Où est-il question de jouer la Bretagne contre la france? La france est colonisée par les yankees depuis 70ans et maintenant par leurs amis islamistes. La Bretagne était épargnée jusqu’à présent, ce n’est pas anti-français que les natios Bretons se battent pour cette Bretagne multiséculaire.Pour ne pas conclure:français maître en france, Breton Maître chez Toi!

      • François Arondel dit :

        Pour 99% des Bretons, la Bretagne est une région de France (1% d’indépendantistes aux dernières élections régionales).
        La Bretagne, tout comme le reste de la France est soumise à l’hégémonie culturelle et géopolitique des yankees depuis 1945.
        Il ne faut pas se tromper dans l’identification des enjeux principaux qui sont : l’invasion en cours depuis quarante ans et l’hégémonie occidentalo-libérale imposée par les Etats-Unis, cette dernière étant d’ailleurs à l’origine de la précédente.
        La  »question bretonne » ne concerne qu’une infime minorité; ce n’est pas un point de vue idéologique mais un constat tiré du résultat des dernières élections.

      • An dit :

        Sauf que les évènements se précipitent. Paris va tomber avant le reste de la France. Si les Bretons ne lâcheront pas si facilement leurs amis poitevins, normands ou angevins, dans la débâcle, elle finira bien par se reconcentrer sur elle-même. Voir à réactiver les solidarités celtiques avant de penser à l’Alsace ou la Provence. Aujourd’hui, vous avez raison. Les frigos sont pleins, l’énergie pléthoriques, la sécurité assurée comme dans peu de pays dans le monde… Mais demain, qui peut dire que la Bretagne choisira la fidélité à la France comme elle l’a fait en 40 ? Elle n’a pas oublié qu’elle n’a rien gagné en deux guerres malgré ses énormes sacrifices. La solidarité envers Paris n’est pas assurée. Elle pourrait tout aussi bien être d’abord provinciale puis européenne, mais française, rien n’est moins sûr.

    • An dit :

      Haha ha ! La Bretagne est certainement la terre la moins colonisée d’hexagon. Mais Paris travaillent à y remédier.
      « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». D’ailleurs, comment un dieu chrétien aurait choisi une folle sanguinaire comme Jeanne d’Arc ? Si seulement le royaume d’Angleterre avait vaincu celui de France, combien de conflits ayant mis à feu et à sang l’Europe ?
      Quant au spectre chinois, il faut bien comprendre que le pays est à la croisée des chemins. Il se concentre aujourd’hui sur sa demande intérieure. La Bretagne n’a qu’un intérêt marginal pour lui. La NZ, avec sa forte diaspora chinoise, elle, est une similie colonie. L’Australie dans une moindre mesure. Mais la Chine est pragmatique, elle ne met pas tous ses oeufs dans le même panier. Voir la Chine comme l’ennemi est de la plus grande des imbécilités, nourrie pas les US d’ailleurs. Et voyez donc comment des musulmans français ont tendance à détester la Chine. La Chine n’est pas une menace pour la Bretagne (et j’espère bien qu’ils investiront aussi dans les algues et le porc), tout comme la Russie. La Chine est une menace pour les intérêts des gras et fainéants expats français en Afrique, plus prompts à gagner des maladies vénériennes que des marchés, vivants sur le passé.

  4. François Arondel dit :

    L’histoire du mouvement breton est l’histoire d’un échec depuis ses débuts. Ce mouvement n’est jamais entré en résonance avec les préoccupations des Bretons; pas plus ni moins aujourd’hui qu’il y a un siècle et rien ne permet d’affirmer que les choses peuvent changer.
    Le mépris du rédacteur de cet article à l’égard de la  »masse » est tout simplement odieux. L’expérience montre que ce sont, le plus souvent, les élites qui trahissent les peuples et pas le contraire. Il est évident que ce sont nos  »élites » ( ou au moins une partie d’entre elles; celle qui s’est emparée du pouvoir politique, économique et culturel) qui nous ont conduit dans la situation catastrophique dans laquelle nous sommes. A contrario, ce sont les  »masses » qui refusent le déclin de notre culture et la disparition de notre peuple.
    Le point de vue  »élitiste » avancé par le rédacteur de ce papier est celui de ceux qui, entre les deux guerres mondiales, ont affirmé la médiocrité des  »masses »; nous savons trop bien, hélas, à quelle catastrophe a mené cette théorie  »élitiste » !

  5. jaouen dit :

    Le constat est tout à fait bon, à l’exception (notable) des réussites liées au CREDIB et à plusieurs démarches pas si jacobines que ça comme Produit en Bretagne ou encore Megalis. L’effondrement de l’organisation de producteurs Interloire doit beaucoup aussi aux producteurs du Muscadet, enfin maîtres de leur communication et de ne plus s’appeler « vin du val de Loire ».

    Pour les 5 et les 95% : ça choque mais c’est vrai. Et c’est même moins de 5%. A l’exception notable des kurdes et des Hmongs où tout un peuple lutte pour sa survie, la plupart des « peuples en lutte » ou des théâtres de guerre civile larvée ou en cours ne mobilisent que moins de 5% de la population, des deux côtés. Les autres subissent et la ferment, et ce sera toujours comme ça. Pour rappel, pendant la dernière guerre en France, résistants et collabos (tous titres et degrés d’implication confondus) représentaient ensemble moins de 2% de la population. Idem en Syrie : ce sont moins de 5% de la population locale qui sont engagés dans les conflits armés (les chiffres assez gros des unités syriennes [Hezbollah, Liwa al Qud etc.] et islamistes [EI, Ahrar al Sham et Front al Nusra principalement] cachent mal un nombre important de combattants étrangers). Idem au Donbass : côté ukrainien comme côté indépendantiste, moins de 3% de la région a participé au conflit. Et ce sont moins de 1% des ukrainiens toutes régions d’avant-guerre confondues qui ont participé au Maïdan qui a renversé Ianoukovitch et fait du pays une colonie occidentale.

    Etc, etc. Désolé pour les amoureux de Robespierre ou de Louis XVIII, mais la Révolution ou les chouanneries n’ont pas été un phénomène de masse. Pas plus que ne l’ont été les Trois Glorieuses, la révolution de 1848 ou celle de 1870, ou plus récemment mai 68.

  6. An dit :

    Et encore le folklore gauche/droite ! Pendant ce temps, Paris rigole.
    Que le gauchisme soit un échec, c’est une évidence depuis bien avant le « génie » qui a pondu cet article. Mais quid des propositions ? Parce que la critique, ça va 2mns mais c’est très français. Et du concret. Parce que le romantisme, ça va 2mns aussi.
    En attendant, Troadec est le seul qui a le potentiel de titiller la conscience bretonne. « Titiller », hein, ça n’ira pas beaucoup plus loin sur l’instant. Mais c’est déjà ça. Parce qu’ailleurs, chez les fas et antifas, la seule stratégie est celle du chaos. C’est d’ailleurs sans doute seulement dans le chaos que la Bretagne aura une infime chance de se réveiller. Certes. Mais qu’on ne vienne pas donner des leçons de grandeur et de noblesse tant qu’on est incapable de propositions en dehors de cette vision. Celle-ci est l’évidence et donc la facilité. Pas de quoi se sentir supérieur ou donneur de leçon. Vraiment pas. L’auteur et ceux qu’ils critiquent ont besoin les uns des autres pour exister. C’est assez risible.

  7. Penvern dit :

    Un peu gonflé le commentaire !..Adsav c’est les seuls à n’avoir rien entrepris !

    Na ruz..Na gwen..Breizhad hepken!..Breton avant tout..Rouge ou blanc..Après !!

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