30/03/2016 ‑ 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Le tombeau de François II, dernier duc de Bretagne, est un grand livre d’histoire en 3D : c’est en quelque sorte ce qu’explique Sophie de Gourcy dans un petit livre étonnant, Le Tombeau des ducs de Bretagne : un miroir des princes sculpté. (Les « miroirs des princes », en vogue au Moyen âge, étaient des recueils de conseils pratiques et de préceptes moraux à l’usage des gouvernants.)
Le tombeau, aujourd’hui visible dans la cathédrale de Nantes, a été commandé en 1499 par Anne de Bretagne en hommage à son père François II, mort en 1488. Il abrite aussi les corps de ses deux épouses, Marguerite de Bretagne et Marguerite de Foix. Il a échappé aux destructions de la Révolution grâce à l’architecte Mathurin Crucy, qui l’a fait enterrer dans le sous-sol d’un monastère. Sophie de Gourcy, conférencière et professeur d’histoire de l’art, a entrepris de décrypter ce chef-d’œuvre de la Renaissance imaginé par Jean Perréal et sculpté par Michel Colombe. Son livre développe les travaux qu’elle avait présentés l’an dernier au congrès de l’Association bretonne : il voit dans le monument une vaste démonstration morale et politique voulue par Anne de Bretagne.
La riche composition du tombeau ne doit rien au hasard. « Ce sépulcre témoigne de la forte personnalité, de la fierté d’Anne de Bretagne, duchesse et reine », écrit l’auteur. Le visiteur remarque d’abord les statues grandeur nature placées aux quatre coins du monument, qui symbolisent les quatre vertus cardinales (Prudence, Tempérance, Force et Justice), et note la multiplication des armes de Bretagne, le semi d’hermine plain, présentes neuf fois autour du monument. Mais Sophie de Gourcy décrypte aussi avec une minutie d’enquêtrice l’incroyable ornementation du tombeau, dont chaque détail délivre un message… voire plusieurs. L’image de la tour fissurée dont la Force extrait un dragon pourrait ainsi être un appel à la croisade afin de libérer Constantinople occupée par les Turcs depuis 1453.
Ces interprétations ne sont pas gratuites : Sophie de Gourcy veille à toujours rapprocher les détails du tombeau de thèmes récurrents dans l’art et la littérature de la Renaissance et du Moyen âge. Elle révèle ainsi dans l’œuvre de Michel Colombe une leçon d’histoire magistrale. Mais elle ne néglige pas l’anecdotique. Depuis toujours, le portrait de vieillard qui forme l’arrière de la tête de la Prudence fascine les visiteurs. Classiquement, on y voyait un autoportrait de Michel Colombe. Selon Sophie de Gourcy, qui aligne des arguments solides, il représenterait plutôt Léonard de Vinci. Et, bien entendu, elle s’interroge sur le visage de la Prudence elle-même : cette fois, elle adhère à la tradition qui en fait un portrait d’Anne de Bretagne.
Sophie de Gourcy
Le Tombeau des ducs de Bretagne : un miroir des princes sculpté
Éditions Beauchesne, 128 pages, 24 euros
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