Assis à la terrasse du Foutriquet, rue Oberkampf, le menton enfoncé dans son écharpe 100% cachemire naturel, les joues piquetées de petites rougeurs causées par la brise glaciale, une roupie commençant à perler à la commissure de la narine gauche, Jean-Marc résistait. D’ordinaire, il buvait plus volontiers du Coca Zéro mais aujourd’hui, face aux diktats des intégristes mahométans, il avait opté pour un verre de Sylvaner vendanges tardives de chez Chalaudié, une petite maison familiale qui faisait un travail remarquable sur la minéralité des saveurs, en biodynamie évidemment. Ils n’étaient pas nombreux à avoir sa trempe et à affronter les frimas du début d’hivers autour des quelques guéridons de faux marbre et ainsi adresser un gigantesque bras d’honneur aux tueurs de Daech.
Les quelques courageux s’échangeaient toutefois des regards complices et déterminés. S’il fallait picoler jusque tard dans la soirée, voir jusqu’à l’aube, on pourrait compter sur eux. Dans le coin le plus opposé de la terrasse, une jeune femme poussait l’héroïsme jusqu’à arborer une mini-jupe écossaise ras la salle de jeux, éclatant symbole de liberté et d’émancipation dissipant un peu les ombres obscurantistes qui s’étendaient lentement sur la patrie du string et des droits de l’homme.
Par contre, elle avait sagement caché sa petite croix de baptême sous le col roulé de son pull en mohair. Il ne faut pas non plus confondre résistance et provocation. En tout cas, ici, c’était clair, on ne passe pas ! On ne recule plus. On ne lâche rien. L’apéro et le rock progressif ne se laissent pas intimider aussi facilement ! D’ailleurs, surplombant l’entrée du bistrot, un drapeau tricolore avait rejoint le rainbow flag LGBT. Quelque chose était indéniablement en train de se passer. La civilisation relevait la tête.
Le vent redoublait. Les éternels pleutres pressaient le pas pour rentrer chez eux, sans même jeter un regard au glorieux estaminet. On serrait les dents. La certitude de la victoire compensait la froidure croissante.
Quand vous êtes tolérant, anti-sexiste, citoyen mondial, écolo, libéral-libertaire, quand vous êtes l’homme nouveau de la société sans racines, sans religion, sans foi, sans frontières et sans sexe, que peut-il vous arriver d’autre que de triompher ?
On ne vient pas à bout d’une armée de sourires béats, de cœurs généreux, de bras ouverts, de danseurs fraternels, de clowns humanistes, de bisous multicolores, de marcheurs blancs, de rondes silencieuses, de cheveux fleuris, de pianistes johnlennonesques, de pétitionnaires indignés, de ballons gonflables et de chapeaux-crayons…
Dans les séries télévisées américaines les morts-vivants finissent toujours par perdre, mais dans le monde réel les vivants-morts gagnent toujours.
Bien décidés à ne rien changer, ni dans leurs habitudes ni dans leurs certitudes, confiants en leur vision du monde et de l’avenir comme éternel présent, droits dans leurs bottines Finsbury, les Jean Moulin du kir/cacahuètes étaient transis mais sereins.
En face, les monstres étaient mus par un idéal délirant pour lequel ils étaient prêts à tuer et à mourir, les gentils, eux, avaient à défendre un mode de vie à la fois fun et raisonnable pour lequel ils étaient prêts à vider des bouteilles et à allumer des bougies. L’appel du DJ répondait à celui du Muezzin. Le choc s’annonçait titanesque, la lutte acharnée. Le beaujolais nouveau arrivait, les barbares n’avaient désormais qu’à bien se tenir.
Xavier Eman ( Revue Eléments)
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Une réponse à “Résistance ! Par Xavier Eman”
[…] Assis à la terrasse du Foutriquet, rue Oberkampf, le menton enfoncé dans son écharpe 100% cachemire naturel, les joues piquetées de petites rougeurs causées par la brise glaciale, une roupie commençant à perler à la commissure de la narine gauche, Jean-Marc résistait. D’ordinaire, il buvait plus volontiers du Coca Zéro mais aujourd’hui, face aux diktats des intégristes mahométans, il avait opté pour un verre de Sylvaner vendanges tardives de chez Chalaudié, une petite maison familiale qui faisait un travail remarquable sur la minéralité des saveurs, en biodynamie évidemment. Ils n’étaient pas nombreux à avoir sa trempe et à affronter les frimas du début d’hivers autour des quelques guéridons de faux marbre et ainsi adresser un gigantesque bras d’honneur aux tueurs de Daech.Les quelques courageux s’échangeaient toutefois des regards complices et déterminés. S’il fallait picoler jusque tard dans la soirée, voir jusqu’à l’aube, on pourrait compter sur eux. Dans le coin le plus opposé de la terrasse, une jeune femme poussait l’héroïsme jusqu’à arborer une mini-jupe écossaise ras la salle de jeux, éclatant symbole de liberté et d’émancipation dissipant un peu les ombres obscurantistes qui s’étendaient lentement sur la patrie du string et des droits de l’homme.Par contre, elle avait sagement caché sa petite croix de baptême sous le col roulé de son pull en mohair. Il ne faut pas non plus confondre résistance et provocation. En tout cas, ici, c’était clair, on ne passe pas ! On ne recule plus. On ne lâche rien. L’apéro et le rock progressif ne se laissent pas intimider aussi facilement ! D’ailleurs, surplombant l’entrée du bistrot, un drapeau tricolore avait rejoint le rainbow flag LGBT. Quelque chose était indéniablement en train de se passer. La civilisation relevait la tête.Le vent redoublait. Les éternels pleutres pressaient le pas pour rentrer chez eux, sans même jeter un regard au glorieux estaminet. On serrait les dents. La certitude de la victoire compensait la froidure croissante.Quand vous êtes tolérant, anti-sexiste, citoyen mondial, écolo, libéral-libertaire, quand vous êtes l’homme nouveau de la société sans racines, sans religion, sans foi, sans frontières et sans sexe, que peut-il vous arriver d’autre que de triompher ?On ne vient pas à bout d’une armée de sourires béats, de cœurs généreux, de bras ouverts, de danseurs fraternels, de clowns humanistes, de bisous multicolores, de marcheurs blancs, de rondes silencieuses, de cheveux fleuris, de pianistes johnlennonesques, de pétitionnaires indignés, de ballons gonflables et de chapeaux-crayons…Dans les séries télévisées américaines les morts-vivants finissent toujours par perdre, mais dans le monde réel les vivants-morts gagnent toujours.Bien décidés à ne rien changer, ni dans leurs habitudes ni dans leurs certitudes, confiants en leur vision du monde et de l’avenir comme éternel présent, droits dans leurs bottines Finsbury, les Jean Moulin du kir/cacahuètes étaient transis mais sereins.En face, les monstres étaient mus par un idéal délirant pour lequel ils étaient prêts à tuer et à mourir, les gentils, eux, avaient à défendre un mode de vie à la fois fun et raisonnable pour lequel ils étaient prêts à vider des bouteilles et à allumer des bougies. L’appel du DJ répondait à celui du Muezzin. Le choc s’annonçait titanesque, la lutte acharnée. Le beaujolais nouveau arrivait, les barbares n’avaient désormais qu’à bien se tenir.Xavier Eman ( Revue Eléments)Source […]