26/03/2016 – 08h00 Dublin (Breizh-info.com) – Les commémorations de l’insurrection de Pâques 1916 connaitront leur apogée à l’occasion du week-end de Pâques, en Irlande. Mais plus largement, c’est la commémoration de l’indépendance irlandaise qui occupe les mémoires, depuis le début de l’année 2016 et jusqu’en 2023, date jusqu’à laquelle sont prévues des commémorations.
Après avoir interviewé le grand spécialiste de l’Irlande Pierre Joannon, mais aussi Roger Faligot, il est temps de faire un point sur l’évolution politique de l’Irlande entre 1916 et 2016.
Les prémices de la révolte
Depuis la fin du XIXe siècle, un renouveau culturel et identitaire fleurissait en Irlande : c’est le Gaelic revival. Le combat culturel précédait – comme à un niveau moindre, en Bretagne – le combat politique, qui a toutefois parsemé les 18ème et 19ème siècle.
À l’aube du XXe siècle, le débat politique en Irlande était dominé non par la question de l’indépendance, mais par celle de l’autonomie. Le puissant Irish Parliamentary Party, fondé en 1882 par le catholique Charles Parnell, réclamait un statut d’autonomie, le Home Rule. Un projet pensé à l’origine par Isaac Butt, un conservateur protestant, qui s’était rallié à l’idée qu’un parlement irlandais – aboli depuis 1800 – était la meilleur solution pour régler au mieux les affaires domestiques irlandaises.
Un projet combattu dès l’origine par libéraux et conservateurs de l’époque, qui trouvèrent, avec les orangistes d’Ulster (l’Ordre d’Orange notamment) un allié de poids pour s’y opposer. En effet, ces derniers, se revendiquant des colons anglais et écossais ayant peuplé l’Ulster – dernière province Irlandaise conquise par l’empire Britannique – réussir à jouer sur la peur de perdre les libertés religieuses des protestants dans un état catholique, pour fonder une opposition forte au Home Rule.
En 1912, la chambre des Communes vote le Home Rule mais la chambre des Lords y met son véto – qui ne pourra toutefois reporter son application que de deux années. Le 18 septembre 1914, le Home Rule est validé mais son application est reportée à la fin de la Première Guerre mondiale par le roi Georges V.
Mais dès la fin de l’année 1913, les Protestants du Nord, craignant de perdre leurs libertés religieuses et leur attachement à la couronne d’Angleterre, se constituent en milice et fondent l’UVF (l’Ulster Volonteer Force), qui possèdera dès 1914 un armement conséquent et qui bénéficiera de soutien au sein de l’élite de l’armée anglaise, qui se refusera à prendre la moindre mesure contre cette milice constituée. Ils revendiqueront d’ailleurs la tenue à l’écart de l’Ulster dans le Home Rule, revendication rejetée par la couronne britannique, qui proposa en échange une mise à l’écart de 6 ans. Refus des unionistes à leur tour.
Face à l’UVF, et voyant le danger venir, les nationalistes irlandais décidèrent de fonder, en 1913 également, leur propre milice : les Irish Volunteers, qui s’arment également et qui sont rejoints par l’Irish Citizen Army du syndicaliste révolutionnaire James Connolly, issu des groupes d’auto-défense ouvrier formés durant la grève de Dublin en 1913. De leur union naîtra l’IRA, l’Armée Républicaine Irlandaise, en 1916.
Dans son texte : « au delà du mythe, l’insurrection irlandaise de Pâques 1916 », Dominique Foulon explique : « Pour James Connolly, la partition prévisible de l’Irlande ne pouvait amener que deux régimes conservateurs dans chaque partie de l’île, et compromettre alors toute avancée sociale dans l’ensemble du pays. C’est autant en militant internationaliste que nationaliste qu’il envisagea alors une insurrection. L’agitation contre la conscription obligatoire rencontre un certain écho en Irlande dès 1915. Les même évènements secouèrent la région de Glasgow où son ami républicain socialiste écossais John MacLean militait contre la guerre et la conscription, où dès 1915, le Comité des Travailleurs de la Clyde mèna une agitation sociale et politique, tout semblait alors indiquer qu’il était concevable, dans les conditions présentes, de transformer la guerre impérialiste en révolution nationale et socialiste. C’est bien dans cette optique qu’il mit en place des entrainements militaires conjoints entre l’ICA et les Irish Volunteers, qu’il prit contact avec le conseil militaire de l’IRB au sein duquel il fut coopté en janvier 1916 en vue du soulèvement prévu pour Pâques. »
Dès 1914 l’UVF est incorporée massivement au sein de l’armée britannique dans la 36e division d’Ulster (elle perdra 5500 hommes en une journée, le 1er juillet 1916 à la bataille de la Somme) tandis que les nationalistes irlandais qui acceptent de servir sous la couronne sont dispersés. Pour un panorama complet de l’histoire ces 210 000 Irlandais ayant servi durant la Grande Guerre, nous renvoyons à un site dédié.
Pâques 1916
En 1916, la tension monte en Irlande ; toutefois, les nationalistes irlandais sont loin de susciter une adhésion populaire massive. L’IRB (Irish Republican Brotherhood) a décidé depuis 1915 de passer à l’action. L’insurrection sera pour Pâques. Espérant tirer avantage du conflit mondial, les révolutionnaires irlandais parviennent à passer une commande d’armes et de munitions : le cargo allemand « Aud » doit arriver pour Pâques, avec à son bord une cargaison de plus de 20 000 fusils. Cependant, un patrouilleur britannique arrête le cargo : le capitaine saborde son bâtiment et se livre aux autorités britanniques.
Trahis par la suite par Eoin MacNeill, un dirigeant des Irish Volunteers qui s’oppose à tout soulèvement et fait annuler les manoeuvres prévues, l’IRA et l’IRB décident de passer tout de même à l’action.
Le lundi 24 avril 2016, James Connolly, Padrig Pearse, Eamon De Valera, Michael Collins accompagnés de 716 autres hommes (120 de l »ICA et le reste de l’Irish Volunteers force) prennent position dans plusieurs points stratégiques de Dublin, excepté le siège de l’administration centrale britannique (« Le Château ») , grave erreur stratégique. Tout comme l’oubli du centre des télécommunications, qui permit aux britanniques de s’organiser . Les nationalistes irlandais seront rejoints par plusieurs centaines d’autres membres de leurs organisations.
C’est devant la poste de Dublin que la République Irlandaise est proclamée par Padrig Pearse (le 25 avril) ce qui ne suscitera aucune ferveur populaire, les rebelles étant même considérés par beaucoup à Dublin, au départ, comme des traitres. Dans le reste du pays, la rébellion n’est pas ou peu suivie, ce qui empêche toute possibilité d’insurrection générale.
La réaction britannique permettra la bascule de l’opinion publique en faveur des nationalistes irlandais : elle déploya 50 000 soldats, pour écraser la rébellion et fera usage de l’artillerie. Selon D. Foulon,« la « semaine sanglante » coûta la vie à 116 soldats britanniques, 16 policiers et 318 « rebelles » ou civiles. Il y eut plus de 2000 blessés dans la population.» .
Quand Pearse signe la reddition, le samedi 29 avril 2016, « afin d’arrêter le massacre d’une population sans défense » il reste environ 1400 combattants dans les rues de Dublin, dont certains continueront d’ailleurs les combats plusieurs jours.
La répression fut féroce par la suite. Plus de 3000 arrêtés, la moitié d’entre eux internés dans des camps en Angleterre et au Pays de Galles. 90 peines de mort prononcées, 15 seront exécutées dont les sept signataires de la proclamation d’indépendance.
Liste des exécutés :
3 mai : Patrick Pearse, Thomas MacDonagh et Thomas J. Clarke ;
4 mai : Joseph Plunkett, William Pearse, Edward Daly et Micheal O’Hanrahan ;
5 mai : John MacBride ;
8 mai : Eamonn Ceannt, Micheal Mallin, J.J. Heuston et Cornelius Colbert ;
9 mai : Thomas Kent
12 mai : James Connolly et Sean MacDiarmada.
L’insurrection de Pâques 1916 fût donc dans l’immédiat, un échec politique et militaire, et la répression élimina ce que le camp républicain comptait de penseurs et d’activistes. Néanmoins, la férocité des britanniques entraina un ralliement croissant de la population irlandaise aux thèses nationalistes et notamment au Sinn Fein – qui pourtant, n’avait pas participé à l’insurrection.
Pour les nationalistes Irlandais, Pâques 1916 et la proclamation de l »indépendance marquent toutefois le début de la guerre d »indépendance (ou plutôt guérilla comme retrace en partie le film d’excellence « Le Vent se lève » de Ken Loach) qui durera jusqu’en 1921 et à la signature du traité anglo-irlandais qui donne naissance à l’État libre d’Irlande. Un État libre amputé d’une partie de l’Ulster (appelée Irlande du Nord) dans le traité, ce qui occasionnera une guerre civile sanglante (4000 morts) dès 1922v et jusqu’en 1923 entre partisans du traité emmenés par Michael Collins (assassiné en août 1922) et opposants au traité menés par Eamon De Valera, 1er président de la République irlandaise.
Nous reviendrons, en plusieurs parties, sur cette guerre civile, ainsi que sur la guerre civile qui a ravagé l’Ulster à partir des années 60.
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3 réponses à “Irlande. Retour sur l’insurrection de Pâques 1916, cent ans après”
L’émancipation de l’Irlande, un exemple à suivre pour la Bretagne ! YA, Sklaer e vo an dazont ?!…
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