25/03/2016 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) – Auteur de nombreux ouvrages sur la Bretagne et l’Irlande, le professeur Jean Guiffan donnait le 17 mars à Nantes une conférence sur la vision des Nantais de la question irlandaise à travers la presse régionale durant un demi-siècle.
A cette époque les Nantais disposaient d’une importante presse quotidienne et hebdomadaire diffusée aussi en Bretagne et en Vendée. De L’espérance du peuple, quotidien royaliste fondé sous le Second empire, au Populaire, journal républicain de Gaston Veil à partir de 1874, en passant par Le Phare de la Loire plus modéré dirigé par la famille Schwob, Le Nouvelliste de l’Ouest journal catholique rallié à la république ou L’Union bretonne bonapartiste, les lecteurs avaient le choix…
Tous ces titres, monarchistes ou républicains, vont tenir leurs lecteurs informés de l’actualité irlandaise . L’expression « Home Rule » y apparait pour la 1ère fois en 1871. La presse rend compte de la famine et de l’agitation agraire contre les landlords anglais en 1879. Les journaux royalistes et catholiques soutiennent les Irlandais par hostilité aux Anglais. Ils rendent compte de l’obstruction systématique pratiquée aux Communes par Charles Parnell qui est alors le leader du mouvement nationaliste irlandais. Les journaux les plus conservateurs font toutefois apparaitre leur crainte d’une révolution sociale qui mettrait en cause le droit de propriété…
L’attentat de Phoenix Park commis à Dublin en mai 1882 par les sociétés secrètes est rapproché de ceux commis par les nihilistes en Russie. Le mouvement boulangiste en France vers 1889 – 1891 est très jacobin et la presse nationaliste qui le soutient s’inquiète de l’agitation irlandaise « qui pourrait donner les mêmes idées au Breton », rappelle Jean Guiffan.
En 1902, les tensions entre la France et la grande Bretagne avec l’affaire de Fachoda puis le soutien aux républiques boers d’Orange et du Transvaal amènent la presse nantaise à intensifier son soutien à la cause irlandaise. Un quotidien ira jusqu’à titrer : « L’Irlande aux Irlandais ! ».
La création du Sinn Fein est annoncée dans la presse nantaise, tandis que les hebdomadaires socialistes se font l’écho des actions du syndicaliste révolutionnaire James Connolly.
En 1912 le Home Rule est voté, donnant une relative autonomie à l’Irlande mais le déclenchement de la 1ère Guerre mondiale en 1914 l’empêchera d’être mis en œuvre.
L’insurrection de Pâques 1916 à Dublin et la proclamation de la république irlandaise sous la direction de l’Irish Republican Brotherhood, du Sinn Fein et de l’Irish Citizen Army sont unanimement condamnées par la presse nantaise. Celle-ci reprenant les dépêches anglaises y voit « la main des bandits allemands ». Dans Le Populaire ou dans Le Phare on parle du « complot boche » ou « de l’entreprise boche ».On y décrit un mouvement révolutionnaire manipulé par des sociétés secrètes pro allemandes. Devant la terrible répression britannique, l’exécution de Patrick Pearse et de James Connolly, la presse nantaise va changer de ton.
La victoire Sinn Fein qui remporte triomphalement les élections de décembre 1918 est saluée par la presse nantaise. Le pouvoir britannique va dissoudre le parlement et un nouveau soulèvement irlandais éclate, il va durer 3 ans. Le Populaire titre alors sur toute sa une : « Pour l’Irlande ». Les journaux de droite sont aussi clairement pro irlandais.
Lorsqu’en décembre 1921 les négociations entre le gouvernement britannique et les dirigeants nationalistes aboutissent au traité de Londres faisant de l’Irlande un « dominion », Le Populaire n’hésite pas à mettre en manchette : « l’Irlande proclame son indépendance ».
Ainsi pendant un demi-siècle la presse nantaise et bretonne aura constamment informé ses lecteurs sur les évènements d’Irlande. Ce soutien aux nationalistes irlandais s’est fait avec nuances selon l’orientation politique des titres, à l’exception de la courte période de l’insurrection de Pâques 1916.
Dans la conclusion de son exposé, Jean Guiffan, souligne le rôle de la foi catholique dans le combat des irlandais pour leur indépendance et parle « d’une confusion entre le sentiment patriotique et le sentiment religieux » reconnaissant qu’aujourd’hui l’Eglise catholique a perdu une grande partie de son influence sur la société irlandaise.
A signaler dans le dernier N° de la revue Ar Men (mars avril) l’article de Jean Guiffan : « les bretons et l’insurrection irlandaise de 1916 ».