Loi travail. 15000 manifestants en Bretagne historique, heurts à Nantes et Rennes

18/03/2016 – 12h00 Nantes (Breizh-info.com) – La mobilisation contre la loi travail s’effrite et se durcit en même temps. Alors que le gouvernement a abandonné certaines mesures, la quasi-totalité des syndicats réclame maintenant le retrait total du texte. L’entrée dans la lutte d’un certain nombre  de jeunes a conduit au blocage d’au moins 115 établissements secondaires publics (sur 2500) et a perturbé plusieurs facultés. Cependant, avec de 70.000 à 150.000 manifestants dans le pays, pour 97 défilés ou rassemblements, la mobilisation a baissé de deux tiers par rapport à la journée de mobilisation du 9 mars.

Près de 9000 personnes ont manifesté à Paris, 8000 environ à Toulouse (6500 selon la police, 10.000 selon les syndicats), 4000 à Bordeaux, 2000 à Tours, 850 à Orléans – dont une vingtaine de jeunes venus pour casser et non manifester qui ont été promptement éloignés par les forces de l’ordre à la fin de la manifestation devant la Cathédrale – ou encore 1500 à Strasbourg. La police a procédé à 23 interpellations – dont 5 à Nantes – et plusieurs manifestants ont été blessés, notamment à Strasbourg où les CRS ont empêché le blocus de la faculté de droit. Près de 5% des lycées publics français étaient partiellement ou totalement bloqués – le ministère de l’Education parle de 115 lycées bloqués, les syndicats lycéens UNL et FIDL de 200 établissements « mobilisés », qu’ils soient totalement ou partiellement bloqués. Plusieurs facultés ont par ailleurs été totalement ou partiellement perturbées, parmi lesquelles Tolbiac (Paris), l’université Paris VIII, celle de Lyon II, celle de Dijon ou encore celle de Strasbourg.

Nombreuses dégradations à Nantes

En Bretagne, les manifestations de Nantes et de Rennes ont été émaillées de heurts violents et de débordements. A Rennes, une partie des 5000 manifestants ont envahi entre 13 h et 13 h 30 les voies SNCF dans la gare, occasionnant une interruption totale du trafic pendant une demi-heure et de nombreux retards dans la circulation ferroviaire. A 14 heures, des manifestants appartenant à la trop connue extrême-gauche rennaise défiaient les policiers place de la Mairie ; de la peinture a été jetée sur l’hôtel de ville et certains manifestants ont tenté d’y entrer par la force. Un policier aurait été blessé par des projectiles.

Cinq personnes ont été interpellées à Nantes, où des scènes de guerilla urbaine ont opposé jeunes déchaînés et policiers aux abords de deux lycées, l’un sur le plateau Saint-Félix, l’autre dans les quartiers nord. En effet, vers 9 heures du matin, une bande d’une quinzaine de jeunes cagoulés et vêtus en survêtements – venue, selon des habitants du quartier, d’un lycée voisin des quartiers sensibles nord de Nantes – s’est livrée à des déprédations aux abords du lycée Monge – la Chauvinière, bloqué par ses élèves. Une voiture a été retournée, une poubelle brûlée, un abribus brisé et des heurts ont brièvement éclaté avec les policiers.

Une heure plus tard, c’est sur le plateau Saint-Félix que de nouvelles violences éclataient. Le lycée Michelet, stratégiquement situé près de la station de tramway Michelet-Sciences et la faculté de Sciences, était à la pointe de la mobilisation, comme souvent. Comme souvent aussi, ses élèves, non contents de bloquer leur lycée, sont allés évangéliser les alentours. Résultat : les vitres de la station de tramway ont été brisées, celles d’un abribus aussi, une poubelle brûlée et des policiers vivement caillassés, ainsi que l’une de leurs voitures. Le lycée privé voisin Saint-Joseph du Loquidy n’a pas eu de dégâts : comme d’habitude, il était tout à fait bouclé pour empêcher les intrusions des trublions issus du lycée Michelet.

A ces événements du matin faut-il encore ajouter les bagarres qui ont opposé les élèves qui bloquaient le lycée Jules Verne – renforcés d’un certain nombre d’éléments issus du lycée Guist’hau tout proche – et ceux qui voulaient entrer quand même pour vaquer à leurs études. Si bien commencée, la journée ne pouvait que continuer à dégénèrer. Ainsi, vers 15 heures, des manifestants anarchisants ont cassé deux vitrines d’agence bancaire, l’une rue du Calvaire (HSBC), l’autre place Graslin (Caisse d’Epargne), tandis que des affrontements les opposaient à des CRS qui étaient assez nombreux en ville, mais pas en nombre suffisant pour empêcher que le cortège ne devienne une manifestation sauvage. Il y a eu cependant trois interpellations réalisées par les forces de l’ordre sur place.

La manifestation de Nantes a réuni près de 4000 manifestants – 3000 selon la police, 6000 selon la CGT – parmi lesquels environ 2700 très jeunes dont 1600 lycéens. Les syndicalistes, plutôt âgés, étaient en queue du cortège précédé par des jeunes très énervés, des casseurs et des militants d’extrême-gauche. La mairie de Nantes a elle aussi bénéficié de cette manifestation somme toute très pacifique : deux vitres brisées, de la peinture projetée sur la façade et des tags très spirituels, comme par exemple « l’Etat, c’est le parti des patrons ». Une lycéenne visiblement opposée au déchaînement de violence dans lequel se noyait la manifestation a été tabassée ; elle s’est vu prescrire 7 jours d’arrêt de travail. Une poubelle a aussi été incendiée quai de Versailles vers 16 heures et la devanture du local FN situé dans les environs a été – une fois de plus – dégradée.

22 lycées et 3 établissements d’enseignement supérieur perturbés en Bretagne

Sur l’ensemble de la Bretagne, 15 lycées étaient bloqués, dont le lycée de Concarneau et le lycée Aristide Briand de Saint-Nazaire, dont une cinquantaine d’élèves occupaient un bâtiment. Les autres lycées étaient situés dans la grande agglomération nantaise. Il y avait une flopée de lycées situés dans des quartiers sensibles (lycée de Carcouët au Breil-Malville, lycée Camus à Bellevue, lycée Appert près du Sillon-de-Bretagne, lycée Jean Perrin à Château de Rezé, lycée Monge dans les quartiers nord) ou recevant des élèves issus de ses quartiers (lycée la Baugerie près du Clos Toreau au sud de Nantes, la Colinière près de la Bottière à l’est, Nelson Mandela sur l’île Sainte-Anne). La prédominance de ces établissements dans la manifestation peut-elle expliquer en partie la violence des débordements de la journée à Nantes? Comme d’habitude, certains lycées bourgeois du centre-ville qui se mobilisent souvent étaient eux aussi perturbés, comme les lycées Livet, Clémenceau, Guist’hau ou encore Jules Verne. Auxquels il faut ajouter le lycée Michelet précité qui est presque toujours bloqué parmi les premiers.

Par ailleurs, sept autres établissements secondaires étaient très perturbés – dont un lycée privé, le lycée professionnel Saint-Yves à Bain-de-Bretagne, dont 150 élèves sont allés rejoindre leurs camarades du public qui manifestaient en ville. Parmi ces lycées, certains, comme à Savenay, Bain-de-Bretagne ou Blain, sont situés en milieu très rural. Cependant celui de Blain est aussi régulièrement à la pointe de la mobilisation. Cette fois, celle-ci a encore servi de prétexte à un absentéisme massif : pour 250 élèves en AG le matin et 150 défilant dans la ville peu après – pour une fois ne bloquaient-ils pas leur lycée ! – ils étaient 350 à avoir été notés absents des cours, sur 1040 élèves. A Châteaubriant, au nord de la Loire-Atlantique, une cinquantaine de lycéens de Guy Môquet se sont livrés à une manifestation sauvage en ville, de 14 à 15 h, précédée d’un non moins sauvage rassemblement devant la mairie à 11h. Il n’y a pas eu de heurts.

Du côté de l’enseignement supérieur, les facultés de Rennes II et de Nantes sont restées ouvertes. Cependant à Rennes une AG a eu lieu devant un bâtiment du campus de Villejean (Rennes II) et à Nantes un bâtiment de la fac de lettres (amphi C au Tertre) est occupé par les étudiants grévistes, qui ont réuni 300 personnes en AG… sur plus de 11.700 étudiants inscrits dans les filières de lettres et de sciences sociales. A Rennes encore, l’entrée principale de Sciences Po était barricadée avec des poubelles et des banderoles.

En-dehors de Nantes et de Rennes, des manifestations calmes

Hors des deux capitales bretonnes, les manifestations se déroulaient sans incidents. Avec 18 des 97 défilés et rassemblements enregistrés en France, les cinq départements bretons s’affirment cependant à la pointe de la lutte contre la loi El Khomri. A Saint-Nazaire, où il n’y avait pour ainsi dire pas de lycéens dans la manifestation, celle-ci a rassemblé 300 personnes issues des usines de l’agglomération (raffinerie Total de Donges, STX, Airbus etc.) Toujours en Loire-Atlantique, il y avait 350 élèves du lycée public de Savenay qui défilaient dans leur ville – plutôt que de bloquer leur lycée –, 150 lycéens manifestaient à Blain et une cinquantaine à Châteaubriant. En Ille-et-Vilaine, il y avait 160 manifestants à Saint-Malo et 500 à Bain-de-Bretagne, essentiellement des lycéens.

Du côté de la Basse-Bretagne, les manifestations les plus nombreuses étaient à Saint-Brieuc (22) et Lorient (56), avec 900 personnes chacune – essentiellement des lycéens. Toujours dans les Côtes d’Armor, il y avait environ 300 manifestants à Lannion (220 selon la police). Dans le Finistère, ils étaient 300 à Quimper, issus des lycées Cornouaille pour l’essentiel, et un peu de Chaptal et Brizeux, 200 à Quimperlé, 200 à Concarneau – issus pour l’essentiel du lycée Pierre Gueguen –, 400 à Brest rassemblés place de la Liberté, 300 à Morlaix – une petite partie des 1400 élèves du lycée Tristan Corbière – et 130 à Carhaix devant la mairie.

Crédit photo : DR
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