18/03/2016 – 07h00 Nantes (Breizh-info.com) – Un hôpital déficitaire dont les urgences sont surchargées et débordées. Voilà le constat qui se pose ces deux derniers week-ends, lorsque les urgences de l’hôpital de Saint-Nazaire ont été prises d’assaut, avec des patients qui ont attendu parfois plus de 10 heures avant d’être pris en charge. La faute, dénoncent les syndicats de soignants, à plusieurs années de suppressions de postes ininterrompues – sur fond de déficits structurels – alors que les besoins ne cessent d’augmenter. Quand la logique comptable prend le pas sur celle des soins, les lendemains peuvent être vraiment inquiétants.
Adrien a emmené sa femme aux urgences de l’hôpital de Saint-Nazaire le vendredi 11 mars à 17 heures après qu’elle ait eu une embolie pulmonaire. « J’ai attendu pour avoir des nouvelles, puis j’ai appelé l’hôpital vers 21 heures. On m’a dit que c’était assez chargé. J’ai rappelé à 23 heures, elle n’était toujours pas enregistrée et on m’a dit qu’il y avait cinq heures d’attente minimum ». Adrien a alors laissé passer la nuit, et rappelle l’hôpital le matin, faute de nouvelles de sa femme. « A 7 heures, on m’a dit qu’elle a enfin vu un médecin, qui lui a prescrit un passage au scanner. Résultat des courses, à 11h elle est passée au scanner et est sortie à 12 h 15. Sur 20 heures, il y a eu ¾ h d’utile quoi ».
Adrien est assez inquiet, car aux urgences, il a discuté briévement avec une infirmière ; celle-ci a confié qu’il y avait « un énorme bordel, tant administratif que budgétaire », mais aussi « un manque de moyens et des sous-effectifs constants », et que les services hospitaliers sont régulièrement surchargés. Il craint « qu’à la longue, cela finisse par être dangereux pour les patients. Puis on se croit protégés, il y a des infrastructures qui sont construites, elles coûtent des millions, et finalement on s’aperçoit que cet hôpital est une vraie catastrophe ».
Les syndicats ne disent pas autre chose. Dans un courrier envoyé à leur direction dès le lundi, ils rappellent « le manque de lits d’hospitalisation », la présence de « 24 patients dans les box de médecine en attente de prise en charge », « l’embolisation de la salle d’attente des urgences faute de possibilité de prise en charge » ou encore « le manque d’effectif malgré le renfort d’un aide-soignant ». Suite au week-end précédent qui avait déjà été surchargé, une première réunion en CHSCT pour régler ces situations de crise le 8 mars n’a donné aucun résultat, remarque le syndicat, qui constate aussi que les urgences ont été clairement surchargées les 12 et 13 mars.
Clair Guillet, secrétaire adjoint de la section FO-Santé à l’hôpital de Saint-Nazaire, estime que « le problème est national. Marisol Touraine ferme les robinets avec près de 3 milliards d’€ enlevés à la fonction publique hospitalière, nous on est plombés par le PPP et les suppressions de postes sont continues » En 2012, le syndicat avait demandé 150 créations de postes pour faire face aux besoins à court terme. « A la place, on a eu 200 suppressions de postes, 40 autres sont encore prévues en 2016, auxquelles s’ajoutent 16 postes supprimés suite à la fermeture d’un service en psychiatrie et 12 en chirurgie ». Certes, fin janvier 2016, après un mouvement social, le syndicat a obtenu la création de 2 postes d’infirmières et 2 postes d’aide-soignants, mais au regard de l’importance des suppressions de postes, c’est une goutte d’eau.
Résultat des courses, lorsqu’il y a un afflux de patients dans les urgences, les urgences sont débordées. Ces deux derniers week-ends, un nombre important de patients atteints de « insuffisance respiratoire, insuffisance cardiaque, diabète… » selon la direction ont franchi la porte des urgences, qui se sont retrouvées dans la même situation que lors des pics estivaux. « Sauf que l’été, l’activité au SMUR de Nantes décline et ils nous envoient du monde en renfort », remarque Clair Guillet. « Alors que là, il y a eu 220 entrées sur le week-end, et avec 288 brancardages, les brancardiers qui étaient en sous-effectif (l’un d’eux était absent) ont battu le record annuel. Normalement, avec l’effectif qu’ils ont, ils doivent en faire 150 environ. Résultat, chacun d’entre eux a fait 35 brancardages ».
Sous la pression des événements, la direction a déclenché le dispositif « hôpital en tension » auprès de l’ARS, ce qui permet de débloquer des fonds pour ouvrir une unité médicale d’urgences en renfort. « C’est juste en-dessous du plan blanc », remarque Nathalie Pouhaut, secrétaire de FO-Santé sur Saint-Nazaire. « Là, on cherche deux médecins généralistes et 6 soignants, qu’on va trouver en intérim. L’unité sera maintenue jusqu’au 22 mars au moins, s’est engagée la direction. Mais ce ne sont que des solutions provisoires ».
L’hôpital est complètement plombé par le PPP qui l’oblige à verser un loyer pour son nouveau site. Sur un budget de 290 millions d’€ cela représente 27 millions d’€ de loyer, et 10 millions de déficit, selon FO-Santé. « La seule marge de manœuvres ce sont des suppressions de postes », assène Nathalie Pouhaut. « Et ce n’est probablement pas fini. Il va y avoir des regroupements entre hôpitaux », dans le cadre des GHT (groupements hospitaliers de territoire), et le directeur de l’hôpital de Saint-Nazaire, Francis Saint-Hubert, est le référent national des GHT pour le Syncass-CFDT, où il siège. Et anticipe sur les événements : ainsi, la fusion avec l’hôpital de Savenay est en cours de réalisation, les deux hôpitaux ont une direction commune depuis le 1er janvier.
« A terme, ce sera Guérande, Le Croisic, peut-être les hôpitaux du Pays de Retz qui rejoindront l’hôpital de Saint-Nazaire. Le but, c’est de faire de la mutualisation et des économies d’échelle, d’abord au niveau des bureaux, puis des soignants. Au niveau national, cela pourrait permettre un nouveau milliard de coupes budgétaires, et cela nous inquiète », remarque Nathalie Pouhaut (FO-Santé). Dans l’immédiat, cela ne suffit pas cependant à réduire le déficit de l’hôpital de Saint-Nazaire, puisque « l’hôpital de Savenay a un déficit de 575.000 € ». La situation n’est guère plus reluisante à Guérande. Le déficit structurel de l’hôpital de Saint-Nazaire, malgré des suppressions de postes en continu, reste lui aussi vissé aux alentours de 2 millions d’€.
Tandis que les logiques comptables prennent le pas sur le confort et la qualité des soins, les hôpitaux se retrouvent progressivement submergés par les déficits, les dépenses et les politiques publiques qui leur retirent de plus en plus de moyens. Pendant que le service public hospitalier est de plus en plus dépouillé – et qu’avec les regroupements et les fermetures de petits hôpitaux, y compris en zone densément urbaine comme à Nanterre (92), les services s’éloignent du citoyen – l’hôpital privé, lui, cartonne. Quant au patient, il ne lui reste plus qu’à attendre longtemps ou à payer cher. Ou à payer plus pour espérer attendre moins.
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