10/03/2016 – 08h00 Rennes (Breizh-info.com) – Une partie des Français était dans la rue ce mercredi pour manifester contre la loi El Khomri. Qu’ils soient des salariés que la nouvelle loi lésera dans leurs droits ou des étudiants inquiets pour leur avenir, ils estiment avoir des raisons de s’inquiéter alors qu’un gouvernement de gauche – qui n’assume plus ses racines socialistes – s’attaque à un sujet qui a toujours été hautement sensible en France. D’autres Français, bien plus nombreux, ont vécu une journée très perturbée dans les transports, entre la grève des cheminots qui tombait au même moment – mais pas pour les mêmes raisons, ils protestent contre les suppressions massives de postes qui désorganisent désormais le service aux voyageurs, de nombreux trains devant être supprimés faute de personnels – et les centre-ville paralysés à cause des nombreux cortèges.
Près de 224.000 manifestants selon la police – le double selon les syndicats – ont manifesté en France. Parmi eux, 29.000 manifestants à Paris (selon la police) et le reste dans les 175 rassemblements et défilés provinciaux. A Nantes, près de 10.000 personnes ont défilé – les syndicats clament qu’ils étaient près de 20.000 – et à Saint-Nazaire plusieurs milliers de personnes (5000 selon les organisateurs) manifestaient contre la loi sur le travail.
En revanche, les espoirs de la gauche dure et alternative de susciter un mouvement protestataire des lycéens et des étudiants ont pour l’instant été douchés. Il n’y a eu à Nantes qu’une AG amphi D du campus du Tertre (Lettres) ce 9 mars à midi et un blocus ce matin à l’entrée du lycée Jean Perrin (Rezé) à 8 heures.Un blocus « symbolique » a aussi eu lieu au lycée des Bourdonnières (Nantes-Sud). « Notre intention n’était pas de bloquer entièrement le lycée mais de bloquer symboliquement l’entrée principale afin d’exprimer notre désaccord envers le projet de loi« , remarque un des lycéens qui a organisé cette action, qui a duré toute la matinée.
Pendant que les élèves qui manifestaient faisaient leurs pancartes, ceux qui voulaient étudier pouvaient rentrer dans le lycée. . Le lycée Albert Camus, situé dans le quartier sensible de Bellevue à l’ouest de Nantes, a aussi été brièvement bloqué ce matin. Cependant, les syndicats étudiants et lycéens – ainsi que leurs patrons politiques – espèrent ancrer le mouvement dans la durée, comme cela avait été le cas lors de l’affaire Leonarda . Une nouvelle journée d’action a d’ailleurs été prévue par l’UNEF le 17 mars.
Mais c’est surtout le souvenir du CPE (contrat première embauche) qui ressurgit : il avait été abandonné il y a tout juste dix ans après un très puissant mouvement social qui avait vu la convergence des mécontentements de nombreux travailleurs, de lycéens et d’étudiants à travers l’ensemble de la France. Ce nouveau mouvement social, qui s’ajoute à une foule d’autres mécontentements et à un horizon économique instable tant à l’échelle de la France que du monde suscite aussi les espoirs d’une partie de la gauche dure voire de l’extrême-gauche de revenir dans le débat public après en avoir quasi-disparu. Les dernières élections régionales ont en effet été dominées par des thèmes économiques voire axés sur l’identité et l’immigration, le contexte européen de la crise migratoire y aidant beaucoup. Néanmoins, cette nouvelle mobilisation pourrait, même si elle était victorieuse, signifier la fin d’un monde alors que la jeunesse s’est massivement tournée vers le Front National, bien moins enclin à occuper la rue pour un oui ou pour un non.
A Nantes, les manifestants ont défilé dans le centre-ville. Le défilé s’est accompagné de quelques dégradations, notamment celle des stores du local du Parti Socialiste en centre-ville, recouvert de A anarchistes cerclés de noirs et d’inscriptions « mort aux traîtres ». Des tags d’inspiration anarchiste, accompagnés du A cerclé de rigueur, ont aussi été faits sur le trajet de la manifestation, notamment « je lutte donc je suis », « grève générale » ou encore « valls on a des comptes à règler » ; sur la préfecture, des manifestants ont anticipé la prochaine réforme de l’orthographe et inscrit « à mort le partis [sic] socialiste ». Vers 15h45, des heurts ont éclaté à la gare (sortie nord). De très jeunes casseurs cagoulés se sont glissés dans la foule et ont commencé à lancer des pavés sur les forces de l’ordre, dont quatre agents ont été légèrement blessés. Du gaz lacrymogène a été tiré par les policiers afin de repousser les manifestants et dégager un bus, coincé dans l’attroupement. Une des portes vitrées de la gare a été pulvérisée. Trois jeunes gens âgés de 14 à 16 ans ont été interpellés devant la gare et deux autres dans le quartier historique du Bouffay, près de l’église Sainte-Croix.
Ailleurs en Bretagne, 350 personnes ont manifesté à Guingamp, 80 à Lamballe, près de 500 à Lannion et un peu plus de 700 à Saint-Brieuc (Côtes-D’Armor) selon les syndicats. Dans le Morbihan, il y avait 30 manifestants à Sarzeau où la manifestation semblait ni prévue ni déclarée, 60 sur le port de Vannes et 3 000 à Lorient. En Ille-et-Vilaine ils étaient 200 à Redon et autant à Saint-Malo, ainsi que 4000 à Rennes (5000 selon les syndicats). Enfin dans le Finistère il y avait un millier de manifestants à Quimper, 600 à Quimperlé et autant à Morlaix contre plus de 4000 à Brest. Par ailleurs une soixantaine de lycéens ont défilé à Carhaix (Finistère) contre la loi travail ; la ville, connue pour être au cœur d’un terroir où la gauche dure (voire rouge) est encore très présente au point de marginaliser toute opposition politique de droite, est aussi le bastion du régionaliste breton de gauche Christian Troadec.
Crédit photo : Breizh-info.com / Soletmanu Twittman (DR)
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