19/02/2016 – 05h15 Nantes (Breizh-info.com) – L’un des principaux arguments en faveur du transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes vient de voler en éclats : grâce à un rapport officiel de la DREAL enterré et exhumé par Le Canard enchaîné (17.2.2016), on sait que le lac de Grandlieu ne sera pas mieux protégé si le transfert de l’aéroport se faisait. Une semaine plus tôt, le CéDPA (collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame des Landes) remettait en cause la DGAC… qui une fois de plus aurait largement surestimé les avantages du transfert de l’aéroport.
Ce 17 février, l’hebdomadaire satirique ressort un rapport reçu par la préfecture de Nantes le 10 septembre 2014 et enterré depuis. Alors que la DREAL a été missionnée pour confirmer que le transfert de l’aéroport nantais à la campagne améliorerait la protection de la nature, et notamment du lac de Grandlieu tout proche de l’actuel aéroport, patatras ! Les atterrissages et décollages, « activités continues et routinières », perturbent les oiseaux « moins qu’un événement imprévisible, comme le bruit d’un coup de fusil ». Et pour la DREAL, c’est même le « déménagement [de l’aéroport], l’urbanisation de ces terres et leur imperméabilisation qui seraient préjudiciables aux équilibres écologiques de la réserve » de Grandlieu.
Le rapport ajoute même que « l’allongement de la piste de l’aéroport de Nantes Atlantique ne présente pas de risque pour la faune de la réserve naturelle, et n’augmente pas le péril aviaire. Au contraire, elle garantit la préservation des zones humides de la ceinture verte générée par l’aéroport ». Rallonger la piste n’aurait « aucun impact négatif » sur le lac de Grandlieu que les avions ne survoleraient pas « au-dessous des 300 mètres », qui est l’altitude minimum pour protéger une réserve naturelle. Ce qui bat en brèche tout le discours tenu jusqu’alors par les partisans du transfert de l’aéroport. Et au contraire, conforte les arguments de ceux qui souhaitent son maintien sur place.
Opposé de longue date au projet d’aéroport à Notre-Dame des Landes, le Front national a publié un communiqué de presse où il demande « la publication immédiate et exhaustive » du rapport en question « pour que toute la lumière soit faite sur l’ensemble des études prospectives relatives au projet d’aéroport, qu’elles lui soient favorables ou non », et ce dans la perspective d’un « vrai débat public avant le référendum » annoncé par le président de la République.
Une semaine avant, le CéDPA (collectif des élus doutant de la pertinence de l’aéroport de Notre-Dame des Landes) remettait en cause la transparence d’un autre organisme de l’Etat, la DGAC. La Direction Générale de l’Aviation Civile a déjà quelque peu bricolé les prévisions de trafic aérien en utilisant des méthodes de calcul plus qu’approximatives : la supercherie avait été révélée au cours de l’hiver 2012-2013. Maintenant, ce sont les gains de temps pour les usagers en avion, estimés par la DGAC à 700 millions d’€ si le projet de Notre-Dame des Landes est réalisé, qui sont dans le viseur du collectif d’élus.
« La manipulation vient de ce que les gains de temps en avion ne sont pas de réels gains de temps passé en avion », écrit en effet le CéDPA. « En effet, prendre son avion à Notre Dame des Landes ou à Nantes Atlantique ne change pas vraiment la durée du vol. Ce sont des gains virtuels, imaginés par la DGAC pour parvenir à trouver un bénéfice économique au projet ». En fait, la DGAC a estimé que l’aéroport de Nantes verrait son trafic plafonné car il y aurait trop de mouvements commerciaux, et ses clients éloignés, situés dans le Poitou, mais aussi à Rennes, Brest etc. iraient dans les aéroports proches de leurs domiciles. « A tous ceux qui se rendraient dans divers aéroports proches de leurs domiciles, comme Rennes, Dinard, Brest, Lorient ou La Rochelle, on affecte un « temps aérien » de 1,5 à 2,5 heures pour « compenser » le fait que ces aéroports ont une offre peu développée. Un peu comme si un vol Dinard-Berlin durait 4h (1h30 réel et 2h30 de handicap) alors que NDL-Berlin ne durerait que 1h30. Ou bien comme si Rennes-Londres durait 2h45 quand NDL-Londres dure 45 mn. »
A partir de là, il est facile d’imaginer que Notre-Dame-des-Landes économiserait ces heures de trajet totalement fictives et de faire tourner la calculette en empilant ces gains imaginaires de façon à booster aux EPO les gains financiers présumés du projet et donc son utilité publique. Le seul problème, c’est qu’il y a aujourd’hui (en 2015) 49.000 mouvements et que ce ce côté, la saturation est loin d’être atteinte. Les partisans du projet n’ont d’ailleurs jamais su expliquer comment, avec la même superficie, l’aéroport de Genève n’est pas saturé avec trois fois plus de passagers (15 millions en 2014) et presque quatre fois plus de mouvements (187’596 mouvements en 2014). Les services de l’État n’ont pas plus d’explications d’ailleurs.
A part affirmer, dans les colonnes de nos confrères de Presse-Océan (18.2) que ledit document ressorti par Le Canard enchaîné n’est qu’une « note de deux pages recto-verso » qui « ne s’inscrivait dans aucune procédure et n’avait pas vocation à être rendu public (sic) ». Seulement à éclairer – tout de même – le préfet de région venu visiter la réserve du lac de Grandlieu en septembre 2014. Cette défense bien malingre ne suffit pas à faire oublier l’essentiel : ce rapport, dont la concision le rend d’autant plus efficace, traduit le point de vue de techniciens de la DREAL, qui se sont fondés sur les seuls faits établis et ont fait fi des pressions politiques. Combien d’autres notes, rapports et expertises dorment dans les tiroirs et les armoires de l’administration car ils sont désastreux pour les parrains politiques du projet d’aéroport ?
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