Vin. Les cinq mauvaises raisons d’Antonin Iommi-Amunategui de s’attaquer à Nicolas

Retour  sur le fameux article du blog no wine is innocent  intitulé «  5 bonnes raisons de ne plus aller chez Nicolas », à l’origine d’un énorme succès d’audience  (plus de 200 000 lecteurs) et grâce auquel son auteur a  gagné ses galons  de contempteur du vin industriel. Loin l’idée d’accourir à la rescousse des caves Nicolas, dont l’indigence de la sélection n’a pas attendu la charge véhémente du « vindicateur »  pour être connue des amateurs , mais plutôt de mettre au jour les contradictions d’un habile personnage   campé  dans l’idéologie,  agrémentée d’une fine dose de démagogie .Ne dites pas d’Antonin Iommi-Amunategui, jeune quadra à la barbe de trois jours, qu’il incarne à merveille la figure du bobo parisien, l’intéressé n’accorde aucune réalité à la peinture d’un vin « bio » bien-pensant, éclusé par les adeptes des fermetures de bars à vin.

Pur fantasme ? Alors pourquoi cette curieuse inclination à défendre  de conserve avec Jonathan Nossiter, la joyeuse et saine ivresse prodiguée par le vin naturel ? Reprenant la célèbre parabole  « du bon et du mauvais chasseur», AIA livre pour Télérama ( n’y voyez pas la marque du bobo) un ambigu plaidoyer de l’inoffensive biture au «bio» rapidement métabolisée par le foie, en contrepoint d’une  muflée  beaucoup plus  condamnable  au baron de Lestac … De quoi nourrir les passionnants débats  de fin de soirée de l’arsouillerie mondaine, désormais  en position d’invoquer la caution « des spécialistes du vin libre »  pour  légitimer la descente de plusieurs bouteilles en une  soirée.

Une vision sous l’emprise romancée  du boboïsme parisien

Malgré tout, la plume incisive  du blogueur en rupture  avec la langue compassée de la sommellerie et de l’œnologie, présente une approche novatrice du vin, car détachée des préoccupations de la dégustation. Faut-il aussi  lui reconnaître  un  talent consommé  à étriller la  bibine industrielle. Les failles  reposent davantage sur la difficulté à tenir une posture cohérente pour celui qui assume volontiers le parti d’idéologiser le vin, aux fins de  lui donner une lecture  « transversale ». En conséquence,  boire avec le sieur Amunategui nécessite d’avoir le verre militant et de s’enquérir  sur la couleur politique du vigneron avant de pouvoir acquiescer à son talent. Malheur  au  vin de droite et au facho qui se cache derrière le cep (Achèteriez-vous le vin d’un vigneron raciste ?), le vin ne saurait se parer que  d’une seule  couleur, celle du rouge révolutionnaire,  associée à la verdeur de l’écologie utopiste en mode Front de gauche. Là se logent les limites d’une   transposition malhabile des enjeux sociétaux et des clivages politiques dans le monde  du vin,  qui  prédispose  notre croisé du « bio » à verser dans le sectarisme  et la surinterprétation. Alors avançons  sur son terrain, juste le temps de recadrer  les ressorts d’une vision sous l’emprise romancée  du boboïsme parisien.

1) Buvez ce que je vous dis mais pas ce que je bois.

Tiens donc ? Le chantre du vigneron-artisan et du vin naturel, en invité de marque de la dégustation des primeurs du plus  grand négociant bordelais, le mastodonte Millesima, une  compromission qui vaut son pesant. Antonin Iommi -Amunatgui  a beau se fendre d’un article faussement bravache (Ali Bordeaux et les 40 primeurs ) pour s’affranchir de toute connivence, le ton se faisait  beaucoup plus cauteleux  sur la vidéo  promotionnelle de Millesima  (vidéo). L’insurgé du vin-business lève son verre de La Conseillante ( Pomerol à  90€ la bouteille),  à la santé du plus gros pourvoyeurs de grands crus classés, issus d’un univers  quelque peu éloigné des valeurs  du  monde paysan. Le vin des zinzins*, élitiste par son prix, est devenu comme le dit très justement Michel Onfray, le breuvage des mafias légales (traders) et illégales (russes et chinoises).

 A lire son manifeste du vin naturel, tout à chacun s’attendrait à voir  le rebelle du vin nature salir ses belles chaussures dans la gadoue d’un des salons les plus « roots » de France, sous le chapiteau de  Vini-Circus en Bretagne. Autant dire que  la présence du défenseur d’une viticulture paysanne dans l’antre du vin-mondialisé,  pourrait trouver sa comparaison dans la volte-face d’un militant du saumon sauvage en visite et dégustation organisée par une ferme d’élevage intensif de  Norvège.

2) « Chez Nicolas la sélection est banale et  le service bidon », chez certains cavistes aussi…

Qu’il est tentant de céder  à la caricature manichéenne en pointant les faux cavistes à la solde de la picrate de coopérative, pour  leur opposer la vertu du caviste dit « alternatif »  seul  représentant  légitime du vin de vigneron. Effectivement, la formation chez Nicolas est pipeau et la gamme inconsistante. Quant à dénoncer une sélection qui se focalise uniquement  sur les vins de grande série (30 000 cols), l’accusation flirte avec une profonde ignorance des contingences inhérentes au commerce de volume. Aucun caviste ne peut viabiliser son chiffre d’affaire sans recourir à des vins de grande diffusion, capables d’étayer un  volume de vente indispensable aux économies d’achat. Les vins de niche ne se valorisent,  faute de disponibilité, que dans le tarif prohibitif d’un vin au verre (autour de 10€ ) d’un bar à vin de l’hyper-centre parisien  accessible à une  clientèle « CPS+ » . A cet égard, il y a lieu de démythifier le statut du caviste indépendant  qui, selon l’auteur proposerait systématiquement une sélection personnelle, fruit d’un intense  travail de terrain .

Allons, allons, notre Antonin  s’emballe, l’imagination des caves est  facilement  aiguillonnée  par les démarchages et propositions clefs en main des agents en vin. A Nantes, l’alignement des cavistes-dénicheurs va jusqu’à revêtir un caractère assez cocasse, la plupart se ravitaillant chez le même grossiste, la société Spirale, adossée à la cave Mille et un vins de la place Viarme. Rien d’étonnant à ce que leurs  sélections partagent le même air de famille. S’agissant du service,  le pathétisme du vendeur Nicolas connu pour ses  formules prêtes à l’emploi, ne le cède en rien au verbiage du néo-caviste fraîchement  reconverti  de l’informatique  (un terreau de prédilection) pour sa  tocade du vin.

Antonin Iommi-Amunategui

Antonin Iommi-Amunategui. Enfermer le vin dans une dialectique purement politique

3) « Chez Nicolas les vins sont plus chers qu’ailleurs », alors tous au supermarché car les cavistes aussi !

AIA devait  être à court de munitions pour brandir l’argument spécieux et à double tranchant  d’une tarification beaucoup plus chère que les concurrents de la grande distribution. A ce compte, autant acheter son vin en grande surface, car le caviste ne se montre guère plus compétitif. D’ailleurs, malgré la diabolisation de la  grande distribution, leurs  rayonnages  recensent  au beau milieu du tout-venant, les vins des plus grands vignerons français. Si l’acheteur possède  le coup d’œil, il  peut  dénicher de très belles affaires y compris des vins très confidentiels.

4) Nicolas, un supermarché déguisé  servi par une organisation logistique centralisée  ou  IAA et  le retour des gabares.

Rappelons, à ce grand candide, l’importance stratégique de la logistique pour le commerce du vin. Le poids de cette marchandise enchérit de facto son transport et  grève la rentabilité de marges déjà très faibles. Ainsi, à défaut d’une solide organisation, les coûts relatifs au transport grèvent durement la compétitivité des ventes. En quoi une logistique performante pose-telle problème ? Tout caviste sait que ce poste de dépense  requiert une grande vigilance  et sauf à  revenir au temps des gabares, les vins les plus écolos sont acheminés par poids-lourds.

5) AIA  pas très urbain envers Nicolas, accusé de « squatter l’habitat naturel (centre-ville)  des vrais cavistes ».

Dans le monde merveilleux de « no wine is innocent », le caviste, espèce protégée en voie de disparition, devrait  disposer d’un droit naturel à préempter les implantations de centre-ville. D’ailleurs, AIA semble uniquement préoccupé par le sort du caviste des villes qui subirait la concurrence déloyale des magasins Nicolas. Devons-nous y voir la manifestation d’une  représentation  nombriliste du commerce du vin sous la seule réalité d’un caviste situé dans un arrondissement huppé de Paris ? Qu’en est-il du sort des cavistes de campagne et de banlieue d’où  Nicolas est absent ? L’occasion de répondre à l’intéressé que l’analyse des problématiques du vin sous l’œil du parisianisme définit précisément  la vue étriquée d’un  intellectuel bobo réduite aux frontières de son environnement immédiat (Qu’est-ce-une vin de bobo parisien ?). La puissance de Nicolas demeure avant tout un phénomène parisien et n’intéresse que de manière superficielle les métropoles de province.

A vouloir enfermer le vin dans une  dialectique purement politique, le prêcheur du vin naturel ne risque-t-il pas de ghettoïser la cause qu’il défend ? Une question à 1000 dolia – le contenant préféré  pour l’élevage des vins dits naturels – pour Antonin Iommi-Amunategui.

Raphno 

* Zinzins : nom donné  aux investisseurs institutionnels (caisses de retraites, assurances)  dont les placements dans le vignoble bordelais sont très importants.

Crédit photos  : DR
[cc] Breizh-info.com, 2016, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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5 réponses à “Vin. Les cinq mauvaises raisons d’Antonin Iommi-Amunategui de s’attaquer à Nicolas”

  1. An dit :

    Je ne connais pas le monsieur en question mais où est le mal à critiquer Nicolas et la production conventionnelle ? La viticulture conventionnelle est une aberration de monoculture chimique. Sans pour autant tomber dans la voie du « vin nature » qui donne des breuvages aux saveurs douteuses, avec loterie du vieillissement. Les vins natures n’ont pas un grand avenir en dehors de sa niche. Mais le label « bio », qui permet déjà de nombreux intrants douteux, est un moindre mal environnemental. Il a encore une marge de production et commerciale, et reste un modèle à développer face aux vins du nouveau monde (quand la Chine va arriver à produire du vin buvable, ça sera la fin). La France a perdu son avantage au niveau du savoir-faire (d’excellents cavistes français travaillent partout dans le monde, et les pays arrivent au stade de maîtrise de terroir). Elle doit investir dans le bio au maximum pour se démarquer à nouveau dans le monde. L’Italie a un coup d’avance à ce niveau, on ferait bien d’en prendre de la graine. Ils s’y connaissent, non ?
    Certes, les vitis français sont les  » rois » de l’agri française, s’en sortant correctement (les céréaliers commencent à souffrir comme les autres) et à court terme ne voient pas pourquoi changer. Mais tous les autres secteurs ont trop pensé à court terme et on voit où ils en sont.
    Quant aux cavistes, le marché va remettre à plat une mode récente. Reste que cette mode accompagne un désir de réappropriation des Français de leur boisson « fierté nationale » après une perte culturelle importante. Et redynamise les centres-villes qui se meurent. C’est un soubresaut positif.
    Article à charge aigri sur un mec. Dommage. Il y a sûrement un juste milieu. Les modes sont irritantes mais aller forcément à contre-courant, c’est aussi s’y soumettre par réaction.

    • Mac Mat dit :

      Entièrement d’accord, tout n’est ni noir ni blanc…il y a des vignerons conventionnels qui travaillent aussi bien que certains gougnafiers soit disant bio…Les deux articles ont un fond de vérité…En attendant, Nicolas et ses 450 boutiques ne peut pas les alimenter en vin de niche à 20 HL /HA…ils font un métier, certains cavistes se fournissant chez metro ou autre font un autre métier (pas forcément valorisable non plus)…Quant aux grossistes / agents, tel SPIRALE, ils ont quand même le mérite d’aller chercher des vignerons pointus, propres, certes à la mode mais qui sont bons et biens faits !!!
      Pourquoi tout le temps opposer tout le monde, chacun choisi sa voie…

  2. GILLES dit :

    Caviste exclusif de vins natures je ne force personne à venir me voir et goûter ma sélection. Tant pis pour ceux qui vont chez Nicolas pu au supermarché,. Quand au vin seulement bio il n’est souvent pas meilleur que les autres. Seul aspect positif la protection de l’environnement.

    • An dit :

      Voilà, il y a une niche pour les vins natures et c’est très bien. Mais il ne faut pas être naïf et penser que ça a un grod potentiel de développement. Parce qu’il va en falloir des générations avant de s’habituer à l’absence de souffre. C’est étrange, c’est intéressant mais ce n’est pas du vin comme on l’entend chez la majeure partie des gens. Tout comme une personne de l’Antiquité penserait que notre vin n’en est pas.
      Et il y a effectivement des bios qui sont de vraies piquettes.

  3. Jérém Séjourné dit :

    Tant de bêtises dans cet article. Les boutiques provinciales marchent très bien par exemple. Et quel manque de respect aux centaines de milliers de clients qui viennent chaque jour non contraints et plutôt ravis acheter parmi ces vins que vous fustigez, des flacons qui vont en deçà de 30000 cols (car ce chiffre est à entendre comme le nombre ANNUEL de quilles à pouvoir recommander TOUTE l’année.) Dans chaque animation il y a plein de petites découvertes qui sont éphémères et plus confidentielles . .. Et je ne parle pas de l’accueil, de la passion du conseil et du goût de bien faire qui m’animent chaque jour et ce plaisir de conseiller à mes clients tous les jours des alliances mets et vins différentes.
    Il faut faire attention de ne pas toujours interpréter les chose…..
    A bon entendeur,

    Et à bientôt à Deuil La Barre (95) pour une dégustation dans ma chère boutique :-)

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