12/02/2016 – 10h00 Concord (Breizh-info.com) – Tout au long des élections américaines de 2016, retrouvez chaque vendredi l’analyse de Pierre Toullec, spécialiste de la politique américaine, en exclusivité pour Breizh Info ! L’occasion de mieux comprendre les enjeux et les contours d’élections américaines finalement assez mal expliquées par la majorité de la presse subventionnée – sponsor démocrate de longue date. L’occasion également d’apprendre ce qui pourrait changer pour nous, Européens, suite à l’élection d’un nouvel homme fort de l’autre côté de l’Atlantique.
Donald Trump et Bernie Sanders remportent tous deux la primaire du New Hampshire
Ce mardi 9 février, le multimilliardaire Donald Trump a remporté la primaire républicaine du New Hampshire tandis que le sénateur Bernie Sanders a infligé une claque électorale à Hillary Clinton au cours du même scrutin du côté démocrate.
Donald Trump est le fils de Mary-Anne et Fred Trump. Son père, fils d’immigrés allemands, est le créateur d’un vaste réseau spécialiste de l’immobilier dans la ville de New York et sa proche banlieue. D’origines modestes, il a construit un important réseau financier par son travail et son engagement dans les communautés. Lorsque Donald Trump a terminé ses études en 1968, ses différentes activités lui avaient permis d’amasser une richesse d’environ 200.000 dollars (équivalent à 900.000 € de 2016 après inflation) et s’est engagé aux côtés de son père dans son activité. Au cours des cinquante dernières années, Donald Trump a construit un empire immobilier international additionné à des succès dans d’autres activités, en particulier la télé-réalité et les concours de beauté (notamment avec Miss USA, Miss Universe et Miss Teen USA). Il est aujourd’hui considéré comme un hommes d’affaires à succès. Trump a aujourd’hui 69 ans.
Sa richesse personnelle est difficile à estimer car elle est répartie à travers de nombreux investissements. Officiellement, il affirme que sa richesse personnelle dépasse les dix milliards de dollars. Les analystes financiers estiment que l’ensemble de ses possessions tourne à une valeur entre 1,6 et 8 milliards de dollars.
Politiquement, Donald Trump est un outsider dans le sens où il n’a jamais été candidat à une élection avant 2015. A deux reprises, il a pensé à se lancer dans l’élection présidentielle (en 2000 et 2012) avant de renoncer. Il est ainsi considéré comme ne faisant pas partie de la machine politique de Washington DC. Cet aspect de sa carrière est considéré comme sa principale force car les électeurs américains en général, de gauche comme de droite, expriment un fort rejet de la « caste » politique de la capitale.
Pourtant, Donald Trump est impliqué indirectement en politique depuis pratiquement quarante ans. Il a successivement été membre des partis républicain (de 1987 à 1999 puis depuis 2009) et démocrate (avant 1987 puis de 2001 à 2009) et a utilisé sa fortune pour financer de nombreux candidats à des élections, qu’ils soient de droite ou de gauche. Jusqu’en 2011, la majorité de ses dons allaient vers des candidats démocrates. Depuis, ses dons sont majoritairement en faveur de la droite américaine.
Ses positions
Avec une telle histoire politique, Donald Trump a publiquement pris des positions sur de nombreux sujets qu’il ne partage officiellement plus aujourd’hui. Après avoir été très proche des positions démocrates pendant de longues années, Trump se présente désormais comme un conservateur. Son programme reste encore peu développé. Il se concentre sur trois sujets :
- L’immigration :
- Il souhaite achever le mur entre les Etats-Unis et le Mexique (et faire payer la construction de ce mur par le Mexique)
- Expulser l’intégralité des – environ – 11 millions d’immigrés présents illégalement sur le territoire américain
- Interdire l’entrée à tous les musulmans qui ne sont pas déjà citoyens américains.
- Une réforme fiscale :
- Diminuer les impôts sur les ménages ayant des revenus inférieurs à 50.000 dollars par an
- Conserver le taux d’impôt sur les bénéfices des entreprises à 35% (un taux supérieur à la France) tout en ajoutant une forme de « bouclier fiscal » empêchant toute entreprise de payer en impôts plus de 15% de son chiffre d’affaire
- La suppression de l’impôt sur l’héritage
- La Chine : Donald Trump souhaite mettre en place une politique de guerre économique pour diminuer les avantages actuels de la Chine, notamment en imposant à ce pays d’appliquer les mêmes conditions de travail (par le droit du travail) et d’imposition sur le travail que ce qui est appliqué aux États-Unis.
Donald Trump aborde peu – voir pas du tout – la majorité des autres sujets de programme pour le moment.
Les conséquences du New Hampshire
Du côté démocrate, la « machine Clinton » reste particulièrement solide. Financée directement par de nombreux investisseurs de Wall Street, Hillary Clinton possède les moyens financiers pour continuer une longue campagne d’usure à travers les cinquante Etats. En arrivant à égalité en Iowa et très largement en tête au New Hampshire, le sénateur Bernie Sanders a réussi son pari. Cependant, sa campagne n’a pas encore la structure suffisante pour assurer une campagne nationale comme c’est le cas pour sa concurrente. Son espoir est que ces deux résultats lui permettent de construire cette structure dont il a besoin. Il y a urgence : si le mois de février va se terminer plus doucement qu’il n’a commencé, lors du Super Tuesday du 1er mars, quatorze États vont voter en même temps. Pour l’emporter, il lui faudra avoir une structure bien plus solide sur l’ensemble du territoire. De plus, les prochains États à voter ont une population blanche bien plus limitée en proportion et les minorités favorisent Hillary Clinton. D’ailleurs, le Comité d’Action Politique (PAC) des élus Afro-Américains a officiellement apporté son soutien à Hillary Clinton ce mercredi, une donnée fondamentale pour les États du Sud qui vont bientôt commencer à voter.
Du côté Républicain, la situation s’est complexifiée avec ce résultat. Donald Trump confirme sa position de leader actuel et ses adversaires restent divisés. Ted Cruz sort renforcé : après sa victoire en Iowa, il a été le candidat à investir le moins de temps et d’argent au New Hampshire et fini pourtant troisième. Sa situation particulière va lui permettre de se présenter comme l’unique « rempart » contre Donald Trump. Quant à John Kasich, il a tout parié sur le New Hampshire et ne l’a pas remporté. Il n’a pas de campagne prête en dehors de cet État. Il est possible que sa seconde place lui permette de se renforcer, mais il reste un candidat ayant peu de chances de transformer l’essai.
Enfin, Jeb Bush et Marco Rubio sont les deux grands perdants de ce scrutin. Après avoir passé des semaines et dépensé des millions de dollars dans cet État, ils se retrouvent derrière Donald Trump et Ted Cruz après avoir essuyé deux cuisantes défaites. Il est probable que les scrutins de Caroline du Sud et du Nevada seront cruciaux pour l’avenir de leurs candidatures.
La différence entre Caucus et Primaires
Le New Hampshire a beau être un État plus petit et moins peuplé que l’Iowa, la participation y a été beaucoup plus forte en nombre bruts. La raison est, une fois de de plus, la différence entre un caucus et une primaire (Cf. la chronique de la semaine dernière). Les primaires, souvent ouvertes, attirent beaucoup plus d’électeurs.
Ainsi en 2008, lorsque toutes les voix avaient été comptées, Hillary Clinton avait remporté environ 300.000 voix de plus que le Sénateur Obama. Cependant, ce dernier avait remporté davantage de caucus, qui rassemblent moins d’électeurs, ce qui lui a permis de gagner la primaire malgré sa défaite dans le vote populaire.
Les abandons
Comme à la suite du dernier scrutin, deux candidats ayant reçu des résultats trop faibles pour espérer rester compétitifs dans cette élection ont annoncé leur abandon. Dès mardi soir, Chris Christie, l’actuel gouverneur du New Jersey, a précisé qu’il allait réfléchir à l’avenir de sa candidature et a officialisé l’arrêt de sa campagne ce mercredi. Carly Fiorina de son côté avait dans un premier temps annoncé qu’elle allait poursuivre sa candidature, avant de changer d’avis dans cette même journée de mercredi.
Le Dr Ben Carson, arrivé dernier, aurait également pu décider d’arrêter la course. Cependant, ce dernier a passé très peu de temps au New Hampshire et était parti du principe qu’il n’avait pas le profil pour réaliser un score honorable dans cet État. Son pari est que la proportion plus importante d’évangélistes et d’afro-américains en Caroline du Sud lui donne une meilleure chance de relancer sa campagne.
Les prochaines étapes
Le débat Démocrate pour la Caroline du Sud s’est tenu dans la nuit de jeudi à vendredi tandis que le prochain débat Républicain se tiendra ce samedi 13 février.
En termes des prochains votes, le samedi 20 février se tiendront le caucus démocrate du Nevada et la primaire républicaine de Caroline du Sud.
Le caucus Républicain du Nevada se tiendra le mardi 23 février et la primaire démocrate de Caroline du Sud se tiendra le samedi 27.
Retrouvez les articles précédents :
1 – L’Iowa (5 février 2016) (https://www.breizh-info.com/2016/02/05/usa-iowa-retour-sur-la-victoire-de-ted-cruz-aux-primaires-republicaines/)
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