Il y a cent ans, de février à décembre 1916, se déroula la terrible bataille de Verdun, devenue un moment fondamental du 20ème siècle européen. Un symbole de la guerre fratricide qui opposa les peuples français et allemands, dans ce que Dominique Venner appela le grand suicide européen. 300 000 morts en quelques mois, un chiffre effroyable.
A l’occasion de ce centenaire, les éditions Perrin publient un livre intitulé « Visages de Verdun » et rédigé par Michel Bernard. Ce dernier est Historien et haut fonctionnaire, spécialiste de la Grande Guerre vue par ses combattants-écrivains (Maurice Genevoix) ; il a écrit notamment La Tranchée de Calonne, La Grande Guerre vue du ciel, ou encore Le Corps de la France.
Qu’est-ce que la France ? A cette question, Verdun apporte la plus bouleversante et la plus précise des réponses. Trois cent mille soldats français et allemands sont morts pendant les trois cents jours de la bataille de Verdun, entre les mois de février et décembre 1916. A l’échelle démesurée de la Grande Guerre, ce n’est pas si important, rapporté au paysage de Verdun, à cet amphithéâtre de sombres collines que le regard embrasse en un instant, c’est vertigineux. Nul ne peut prétendre connaître la France et ce qui fait le fond de notre pays, ce peuple très ancien et mêlé qui vit là, au bout de l’Europe, s’il n’a posé son regard sur cet horizon de bois élevés qui s’appellent le Mort-Homme, la cote 304, Douaumont, Vaux, Fleury, le bois des Caures… Nul ne peut comprendre la relation singulière qui s’est nouée ici entre la France et l’Allemagne, s’il n’a vu sous l’Ossuaire les restes mélangés de leur commune humanité, témoignage d’une commune souffrance. Il s’est passé là quelque chose qui traverse le temps. Visages de Verdun en dévoile l’âme par la conjugaison de photos inédites et d’un récit prenant.
L’ouvrage, qui fait pas loin de 250 pages, est tout simplement sublime. Richement illustré grâce au concours de l’ECPAD (agence d’images de la défense) , il plongera le lecteur, jour après jour, dans une bataille majeure de l’histoire de France et d’Europe. Tout en racontant les scènes de vie et de guerre de façon très technique, l’auteur a le soucis du détail, de l’anecdote, qui « humanise » ce récit. En ce centenaire de la bataille, c’est un joli cadeau à faire que d’offrir « visages de Verdun », de Michel Bernard, à ses proches.
Nous avons interrogé Michel Bernard, suite à la sortie du livre
Breizh-info.com : Que représente pour vous le centenaire de la bataille de Verdun ?
Michel Bernard : Un moment de mémoire tout à fait particulier pour les Français, une grande émotion collective et le souvenir d’un effort considérable, horriblement cruel, qui a élevé la France au-dessus d’elle-même. Un exemple à méditer, pour éviter la répétition d’une semblable catastrophe humaine et connaître les ressources qui sont dans notre peuple quand il est décidé à ne pas céder sur sa liberté. C’est aussi un moment franco-allemand, l’occasion d’éprouver le lien fraternel entre les deux nations, pour le bien des deux peuples et de toute l’Europe.
Breizh-info.com : Dans votre mémoire familiale, avez vous des anecdotes particulières concernant cette terrible bataille ?
Michel Bernard : Mon grand-père paternel, Antoine Bernard, grièvement blessé à Verdun, y a perdu l’usage de ses deux jambes. Il était agriculteur dans l’Aude. A la fin de la guerre, il a perdu son fils aîné, Jean, tué sur la Somme à 20 ans. C’est ma grand-mère qui s’est ensuite occupé de la ferme. Mon fils aîné s’appelle Jean.
Breizh-info.com : Si je vous parle de Verdun comme d’une formidable victoire française, mais en même temps comme d’une boucherie sans nom et comme du symbole même d’un suicide Européen qui aura parcouru le 20 ème siècle, qu’en dites vous ?
Michel Bernard : Verdun, comme toute la Grande Guerre, fut une tragédie. La paix européenne, une évidence pour nous, ne l’était vraiment pas il y a un siècle. Cette évidence présente est d’un prix infini. Nous la devons aussi aux combattants de Verdun.
Breizh-info.com : Comment avez vous sélectionné les photos qui illustrent votre ouvrage ? On sent cette distinction entre un texte qui plonge au coeur de la bataille et des ses à côtés, incluant tous les aspects militaires et techniques, et en même temps, ce retour à la réalité humaine, par la photo.
Michel Bernard : J’ai recherché surtout des photographies où l’on voit le visage des hommes, en recherchant une certaine diversité dans la représentation des différents types de combattants: origines, armes, spécialités, près des moyens matériels qu’ils servaient… J’ai voulu aussi que l’on voit les chefs ou hommes d’Etat dont les responsabilités furent écrasantes. Les animaux aussi, qui ont beaucoup souffert, et les paysages meurtris, surprenants, émouvants des collines de Verdun.
Breizh-info.com : N’y a-t-il pas aujourd’hui, du fait de la réforme de l’enseignement de l’histoire au collège et au lycée, un effondrement de la transmission historique et du roman national en France ? N’est-ce pas un risque à terme, que de produire des citoyens qui ne savent plus vraiment d’où ils viennent ?
Michel Bernard : Se souvenir de Verdun c’est parler de la France, de l’Allemagne et de l’Europe. De ce qu’il en coûte de ne pas s’aimer. C’est rappeler que la France a su vaincre grâce à la ténacité, l’ingéniosité, le sens de l’organisation et le courage de ses soldats, gradés ou non, le stoïcisme des civils, leur chagrin contenu. C’est rappeler aussi que c’est la République qui a vaincu, avec ses institutions, son Parlement, ses journaux, que les Français, de toutes origines, de toutes confessions, avec leur tempérament tel qu’il est, leurs défauts et leurs qualités telles qu’elles sont, ont tenu tête, ont résisté et ont repoussé une offensive d’une puissance considérable. Cela ne doit pas être oublié.
C’est une source d’encouragement, de confiance en soi face à un présent brutal, imprévisible, et un avenir inquiétant. C’est utile de le dire et continuer ainsi le récit national dont l’utilité pour la cohésion sociale et la paix civile a été trop longtemps sous-estimé.
Visages de Verdun – Michel Bernard – Perrin – 27 €
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