03/02/2016 ‑ 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Les propos tenus par Ségolène Royal dimanche soir sur France 5 ont suscité une grande indignation chez les partisans du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, mais les adversaires du projet auraient tort de s’en réjouir trop vite.
« Construire un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes est-ce un projet nécessaire ? » La question a été posée à la ministre de l’Écologie vers la fin de l’émission C Politique après plus d’une heure d’interrogations éprouvantes sur la crise de la gauche, le nucléaire, les boues rouges, etc. Calmement, elle s’est bien gardée de répondre par oui ou par non.
« Je crois qu’on peut construire des choses intelligentes collectivement » a-t-elle répondu, ce qui aurait pu satisfaire les partisans du projet. « C’est un projet qui remonte à plus de quinze ans et entre-temps des choses ont changé, donc il y a des légitimités qu’il faut peut-être revisiter » a-t-elle ensuite noté, ce qui ne pouvait que réjouir l’autre camp.
Mais les réactions des uns et des autres se sont focalisées sur l’annonce qui a suivi : la ministre aurait commandé une étude sur des projets « alternatifs ». Il est bon de citer exactement ses propos : « J’ai demandé à mon inspection générale de mettre à plat l’ensemble des projets alt… ‑ de voir s’il y avait des projets alternatifs ou complémentaires ». Cet « alt… » donne à réfléchir. Ségolène Royal, d’ordinaire, parle librement ; ici, il y avait quelque chose qu’elle ne voulait ou ne devait pas dire…
L’inspection générale du ministère doit donner sa réponse sous deux mois. Autrement dit, elle n’aura pas le temps de faire le tour de la question. Elle ne fera que passer en revue les documents existants. Ce qui ne demandera pas trop de temps : le projet alternatif, car il n’y en a qu’un, est le réaménagement de l’aéroport de Nantes Atlantique. Or la question a déjà été étudiée et pratiquement tranchée par le ministère de l’Écologie – en l’occurrence par la direction générale de l’aviation civile (on l’oublie parfois, mais elle fait partie du ministère, précédemment intitulé « ministère de l’Équipement et des Transports »). La DGAC, on le sait, a exclu le réaménagement de Nantes Atlantique en prétextant un budget trop élevé. Dès lors, l’inspection générale ne pourra guère qu’exclure tout projet « alternatif » à Notre-Dame-des-Landes.
Ségolène Royal pourrait-elle se prononcer en faveur de l’aéroport après avoir donné de faux espoirs aux adversaires de celui-ci ? Très probablement, elle n’en aura pas besoin. La quasi-totalité des observateurs estiment qu’un remaniement ministériel interviendra avant la fin février. Il y aura des lots de choix à distribuer : le ministère des Affaires étrangères, celui de la Défense si Jean-Yves Le Drian opte pour la région Bretagne, probablement celui de l’Agriculture. Si Ségolène Royal change de casquette dans les prochaines semaines, elle n’aura pas à assumer les conclusions de son ministère dans deux mois.
Pourrait-elle néanmoins ruer dans les brancards ? François Hollande aura besoin d’un gouvernement à sa botte dans la dernière ligne droite avant l’élection présidentielle. Un ministre qui jouerait les rebelles n’en serait pas. Ségolène Royal sacrifierait-elle les ors d’un ministère aux tritons crêtés de Notre-Dame-des-Landes ? C’est comme pour l’étude confiée à l’inspection générale du ministère de l’Environnement : poser la question, c’est presque y répondre déjà.
Crédit photo : Ségolène Royal et Caroline Roux sur France 5, copie partielle d’écran
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