19/01/2016 – 08H00 Nantes (Breizh-info.com) – Edmond Buat était un Nantais d’adoption. Son père, officier du Génie ayant été muté à Nantes, la famille s’y fixa. Elève du futur Lycée Clémenceau, Buat y prépara son entrée à Polytechnique d’où il sortit lieutenant d’artillerie en 1891. Reçu premier à l’Ecole supérieure de guerre, il se partagea entre l’enseignement, des affectations auprès du pouvoir civil (Millerand) et des commandements.
En 1914, il est lieutenant-colonel affecté auprès de Joffre au Grand quartier général. En 1918, passé général de division, il est Major général auprès de Pétain ; en janvier 1919, il devient Chef d’état-major général. Buat meurt soudainement en décembre 1923, à 55 ans. Il est inhumé à Nantes, au cimetière Miséricorde. Plus tard, Nantes lui donne un monument et un nom de rue, ouvrant sur la « route de Paris ».
Tout cela très banal ou presque et le Dictionnaire de Nantes (Presses universitaires de Rennes, 2013) qui ne nourrit pas de tendresse particulière pour les « traîneurs de sabre » ne lui a consacré qu’une pitoyable notule, destinée en fait à signaler le « Grand T » et le consulat d’Algérie le long de la rue du général Buat… ! (J.-F. Caraës).
En fait, Candice Menat qui écrit dans Etudes géostratégiques (Sciences Po Aix) nous rappelle qu’il fut un acteur majeur de la victoire en 1918. Georges-Henri Souttou, un des meilleurs spécialistes de la Grande Guerre le salue comme un « esprit libre, volontiers mordant » ayant « une tête stratégique ». Déposé à l’Institut, Fréquemment consulté, son Journal est désormais publié, dans son intégralité, fort d’un riche appareil critique (Frédéric Guelton). C’est un document exceptionnel, capital à bien des points de vue.
Le grand œuvre de Buat fut la création de la réserve générale d’artillerie lourde qu’il porta au maximum de sa puissance. Déployée lors des grandes offensives, elle fut essentielle pour ouvrir les lignes allemandes à l’automne de 1918.
Dans son Journal, Buat rapporte au quotidien sa mission. Sa relation avec les chefs suprêmes, français et étrangers n’est pas de tout repos. Il s’entend difficilement avec Foch, beaucoup mieux avec Pétain car ils ont en commun de relever le défi de la guerre industrielle et technique. Ils croient tous les deux aux engins blindés déployés en nombre, à l’avenir de l’aviation et se refusent à user et abuser des assauts, baïonnette au canon.
Buat livre des portraits sans concessions des « grands chefs ». Il tient le général Mangin pour un fournisseur de chair à canon qui veut multiplier les divisions de « Sénégalais », la « force noire ». Il est accablé par les choix stratégiques de Nivelle qui se croît le fils spirituel du Napoléon des grands jours. Buat n’aime pas les badernes, dont le modèle lui semble le général de Castelnau… Sur les chefs italiens peu de respect (Cadorna) et sur les Américains des constats qui mettent à mal une exaltation a posteriori très forcée de leurs capacités militaires. Leur chef, Pershing, lui apparaît très faible, au point que Buat veut amalgamer les divisions américaines à l’armée française. Ce que Pershing refuse obstinément.
L’immédiat après-guerre est remarquablement évoqué. Peut-être le meilleur du Journal. Dès 1920, Buat publie un « Ludendorff » puis un « Hindenburg et Ludendorff stratèges », en 1923. Ces livres sont traduits et lus en Allemagne, en Angleterre. Buat analyse avec pertinence les raisons de l’échec allemand. Son « regard (est) d’une étonnante modernité stratégique ». Surtout, dans d’autres études, il se montre particulièrement « lucide sur les facteurs qui ont mené la France à la victoire, sur ce qui peut obscurcir l’avenir de l’armée française – qui est encore la première du monde – et les mesures à prendre pour assurer sa pérennité » (Candice Menat).
Buat est encore l’observateur critique du démantèlement des empires centraux, de l’empire russe et, pire encore, de l’empire ottoman. Les pages qu’il consacre à la Syrie nous montre une France qui veut être partout et finit nulle part faute de cohérence géostratégique et d’affirmation d’indépendance. Ce que nous subissons aujourd’hui…
Jean Heurtin
* Général Edmond Buat, Journal, Perrin, 1 481 pages, 45 euros.
Photo : DR
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2 réponses à “Nantes. Le général Buat mérite bien sa rue”
Je suis toujours méfiant avec les généraux..Certains ont été de véritables bouchers(la troupe) pour la guerre de 14/18.
SI le dico de Nantes n’aime pas les galonnés, il a fort à faire dans le quartier de la rue du général Buat: Cf rues d’Aurelles de Paladines, place du 265 eme RI, Casernes Richemont et Lamoricière, Pont de la Motte Rouge, rue Desaix et surtout Chanzy, qui ferait se retourner dans sa tombe n’importe quel allergique au sabre et au goupillon ! Si on ajoute d’autres ouvrages comme le pont Audibert, Nantes n’est pas chiche avec les noms de soldats…