Aide au développement maritime : la Bretagne ne prendra pas le large

28/12/2015 – 07H00 Bretagne (Breizh-info.com) – Après l’annonce de la validation par la Commission européenne du programme opérationnel 2014-2020 du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) qui va voir la région Bretagne  – ici il est donc question de la région administrative privée du département de la Loire-Atlantique – bénéficier d’une aide de 43,8 M€ au service du développement des filières pêche et aquaculture et des territoires littoraux , revenons plus en détails sur l’envergure de ces mesures.

Tout d’abord, avec une enveloppe de 588 M€ pour cette période 2014-2020, la France connaît donc une augmentation de financement et est ainsi le 2e pays bénéficiaire après l’Espagne. Sur cette enveloppe globale, 369 M€ sont consacrés au développement durable de la pêche, de l’aquaculture et des zones côtières dépendantes de ces activités, soit une hausse de 70 % par rapport à la précédente programmation.

En ce qui concerne la répartition des rôles, des nouveautés sont à observer puisque le FEAMP va distinguer trois catégories dans l’application de ses mesures :

  • Les mesures régaliennes (du ressort de l’État) : contrôle des pêches et collecte des données
  • Les mesures d’ampleur nationale dont la gestion reste du ressort de l’État : mesures nécessitant une approche globale et transversale à l’ensemble des régions
  • Les mesures régionalisables pouvant être gérées par les régions

Pour la mise en place de ces nouvelles prérogatives régionales, la région Bretagne va faire office de «région coordinatrice» pour les 14 autres régions littorales de l’Hexagone et devient également un organisme intermédiaire du FEAMP. C’est dans cette optique qu’elle sera chargée de la mise en œuvre des mesures régionalisées du fonds, en accord avec le programme opérationnel national.

Mais en nous intéressant de plus près aux différents budgets, nous constatons que la région, avec ses 43,8 M€ sur les 369 M€ attribués en globalité à la France, ne percevra donc qu’à peine 12% de la somme, l’État français absorbant à lui seul 154 M€ au titre des mesures régaliennes et d’ampleur nationale. Des moyens d’actions que l’on peut juger limités pour la première région maritime de France qui, avec ses 2700 km de côtes sans compter la Loire-Atlantique, représente plus du tiers du littoral français.

Des questionnements sont aussi possibles du point de vue breton sur certains financements gérés directement par l’État. C’est le cas notamment des mesures de solidarité nationale où il est question d’un fonds de mutualisation pour les entreprises de pêche. L’artisan pêcheur de Cornouaille sera-t-il solidaire financièrement des thoniers senneurs de Méditerranée sortant en mer désormais seulement deux mois par an ou des chalutiers industriels de Boulogne-sur-Mer? On semble buter une fois encore sur le problème du centralisme à la française et de ses abstractions.

De même, la recherche et l’innovation dans les secteurs de la pêche maritime et de l’aquaculture, qui vont nécessiter des coopérations entre scientifiques et pêcheurs – et donc une gestion au plus près des territoires concernés avec leurs spécificités – vont rester dans le giron de Paris. Cela confortant par ailleurs la vision «technocratique» des professionnels de la mer envers le monde de la recherche et compliquant ainsi leurs relations pourtant plus que nécessaire dans une optique de développement durable.

Quant à la dotation de 43,8 M€ pour la région Bretagne, elle a pour but de couvrir quatre priorités :

  • le développement de la pêche durable
  • la promotion d’une aquaculture durable
  • l’amélioration de l’emploi et le renforcement de la cohésion territoriale
  • la valorisation des produits de la pêche et de l’aquaculture

Ainsi, sur le volet environnemental et la protection du milieu marin, il s’agira pour la région de soutenir les investissements visant l’efficacité énergétique ou encore l’accompagnement des entreprises de pêche vers l’interdiction des rejets en mer. Ambitieux sur le papier, nous pouvons émettre des réserves sur la mise en application de ces projets coûteux pour un budget limité, la région ne disposant par ailleurs d’aucun pouvoir en terme de législation ni même de moyens de contrôle en mer, s’en remettant aux patrouilleurs de la Marine nationale ou aux vedettes des Affaires maritimes.

Pour ce qui est de l’aquaculture, la mission de la région Bretagne sera le développement économique de la filière afin d’accroître la quantité et la qualité des produits. Nous pouvons regretter qu’il ne soit pas question d’innovation ou de recherche, notamment en algoculture. Les algocarburants mais également la valorisation et la transformation des algues vertes ou encore des crépidules, véritable fléau des fonds marins bretons, auraient pu être abordés parmi ces projets.

Enfin, le développement de l’emploi et le renforcement de la cohésion territoriale seront également une mission délicate pour le conseil régional quand on connaît l’absence de communication voire la rivalité entre les différents ports et comités locaux des pêches mais également entre métiers (pêcheurs hauturiers/côtiers/ostréiculteurs/pisciculture en mer). Des métiers qui attirent de moins en moins de jeunes bretons, et qui ont été, parfois à juste titre, dévalorisés entre des conditions de travail archaïques et les difficultés multiples pour les nouvelles installations.

Ce constat étant posé, il apparaît urgent que la Bretagne ait son destin maritime entre ses mains et non sous une pile de dossiers dans un ministère parisien.

Photo : DR
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