18/12/2015 – 07h00 Bretagne (Breizh-info.com) – Dans les cinq départements de la Bretagne historique, les communistes ont fait 3,74% en moyenne et réuni 62 469 électeurs, ce qui a empêché leurs listes de fusionner avec le reste de la gauche et les a écarté des deux conseils régionaux. La dynamique de leur recul se poursuit, tant dans leurs bastions historiques – les six communes encore communistes des Côtes d’Armor, les anciennes communes tenues par le parti et la Basse-Loire en Loire-Atlantique que dans la ruralité. Dans les marges nord-est et sud de la Loire-Atlantique, ils sont même menacés de disparition, avec des scores inférieurs à 2%.
En France, la contre-performance d’un Front de Gauche divisé a été remarquée – 4,15% au niveau national. Elle remet en cause sa pérennité même, car son échec à incarner une alternative à gauche au PS, ce qui était sa raison d’être, est patent. Le Front de Gauche passe de 110 à 40 conseillers régionaux (dont 7 du Parti de Gauche, la formation de Mélenchon, et 27 au PCF), et les listes du PCF parties seules se sont effondrées (1,55% en moyenne contre 2,51% pour les listes Front de Gauche). Il faut dire que la campagne a été illisible, le Front de Gauche étant divisé par endroits, allié avec les écologistes dans certaines régions, seul sous sa bannière dans d’autres, présent via une liste du PCF ailleurs, sans aucune vision nationale. Et sur toute la France, à peine 80 communes ont placé les listes Front de Gauche ou communiste en tête au premier tour – et ce bien que le PCF dirige encore 669 communes après les municipales de 2014. En majorité, ces derniers îlots rouges se trouvent dans le nord-est de l’Auvergne (Allier et Puy-de-Dôme), dans le Limousin et en Ile-de-France.
Bretagne administrative : le PCF mis à mal dans ses bastions
Le maire communiste de la Motte (22) a du souci à se faire. Bien qu’il a été élu au premier tour avec 50,29% des voix en 2014, la liste communiste n’a rassemblé que 17 voix et 1,96% au premier tour de ces régionales. La situation n’est guère plus glorieuse dans deux autres bastions communistes : à Plénée-Jugon, aux dernières départementales, le duo de gauche (le PS local avait abandonné le canton au PCF implanté dans la commune) avait rassemblé 512 voix et 29.07% au premier tour. Mais aux régionales le PCF ne séduit que 35 personnes (3,60%). A Trélivan, les communistes avaient fait 9,38% aux régionales (94 voix). Ils n’en font plus que 3,42% et 36 voix.
La situation n’est guère plus glorieuse dans les trois autres communes rouges du département : à Belle-Isle en Terre, le maire avait été élu dès le premier tour avec 50,16% soit 309 voix. Les communistes n’en rassemblent plus que 41 (9,47%). Idem à Bégard, où le maire avait été plébiscité en 2014 par 62% et 1433 voix. La liste de Xavier Compain n’a séduit que 119 électeurs (6,83%). Enfin à Ploufragan les communistes avaient été portés à la mairie par 2733 électeurs (55%). Les communistes aux régionales, eux, ne bénéficient que de 277 suffrages (6,40%).
Dans les communes que le Parti ne tient plus, ses électeurs fondent aussi. Ainsi au Relecq-Kerhuon, près de Brest, les communistes avaient encore 645 suffrages (14,25%) aux départementales. Ils n’en ont plus que 308 (6,58%) aujourd’hui. A Quéven, dans le Morbihan, les départementales voyaient paraître un duo d’ex-communistes soutenus par le PS (1013 voix et 28,13% au premier tour) et des communistes qui l’étaient encore (260 voix et 7,22%). Aux régionales, la seule liste communiste en présence ne prend que 117 voix (3,03%). Dans le même département, à Hennebont, la chute est particulièrement brutale : le parti avait 1204 voix au premier tour des départementales (22,72%) et n’en a plus que 376 (6,92%) aux régionales.
A Callac (22), perdue en 2014, les électeurs sont passés à autre chose : les communistes avaient eu 573 voix et 44% aux municipales ; ils n’en ont plus que 52 (5,71%) aux régionales. A Carhaix, où ils sont traditionnellement assez bien implantés, ils passent de 370 voix (12,24%) aux départementales à 134 voix (4,13%) aux régionales. Leur décrue se poursuit aussi en Ille-et-Vilaine dans les deux communes les plus proches de l’usine PSA : à Chartres de Bretagne, ils passent de 137 voix (4,91%) aux départementales à 96 (3,50%) aux régionales. A Bruz, ils avaient 305 voix (5,30%) aux départementales et n’en ont plus que 218 (3,74%) aux régionales.
Loire-Atlantique : le PCF rogné par le FN et la gauche en Basse-Loire et en Brière
Les scores du PCF dans le département tiennent beaucoup à l’héritage historique : il dépasse les 10% dans cinq communes, l’une à côté de l’arsenal d’Indret (Indre), les quatre autres entre Saint-Nazaire et la Brière où il avait des bastions et où vivaient nombre d’ouvriers des Chantiers. Dans 16 autres communes, il obtient de 5 à 8%, et neuf d’entre elles sont situées dans la vallée industrielle de la Basse-Loire, de Saint-Nazaire jusqu’à Bouguenais. Deux autres sont en Brière. Quelques ilots enfin surnagent dans la ruralité.
Le PCF obtient son meilleur score à Trignac : 244 voix et 10,81% dans cette commune qui a été perdue en 2014 dès le premier tour, au profit de l’UMP. Suivent Saint-Malo de Guersac (129 voix et 10,76%), Saint-Joachim (150 voix et 10,61%) et Montoir-de-Bretagne (155 voix et 8,03%) dans le même secteur. Que des anciens bastions communistes. Enfin, à l’autre bout de la Basse-Loire, la commune d’Indre (119 voix et 8,75%). Elle fut très rouge, maintenant elle est très rose : aux municipales, deux listes de gauche s’affrontaient, et aux régionales, au premier tour, le candidat PS Christophe Clergeau y fit 40,44% des voix, largement devant l’UMP à 15%.
Mise à part Indre qui n’a pas voté FN plus que la moyenne (14.41% et 196 voix au premier tour), les autres communes sont dans le secteur autour de Saint-Nazaire où l’ancrage du FN est de plus en plus évident. A Montoir-de-Bretagne, le FN pèse au soir du premier tour 28,65% (553 électeurs), presque quatre fois plus que le PCF. A Trignac, 2,5 fois plus : 585 voix et 25,92% pour le FN, et il en gagne encore au second tour. Idem à Saint-Malo de Guersac où le FN séduit 319 électeurs (26,61%) et Saint-Joachim (319 électeurs et 26,61%). On peut encore ajouter Donges, hors carte, où le PCF s’effondre à 4,79% (107 voix) tandis que le FN atteint 27.5% (615 voix).
Dans 11 autres communes de la zone, le PCF obtient de 5 à 8%. Deux d’entre elles sont en Brière, il s’agit de Sainte-Reine de Bretagne (6,44%) et de Crossac (5,00%). Le FN y obtient des scores respectivement quatre et cinq fois supérieurs. Neuf autres sont dans la Basse-Loire. A commencer par Saint-Nazaire elle-même où le PCF obtient 5,51% (1165 voix) contre 3838 (18,16%) pour le FN au premier tour des régionales. Il y a encore Prinquiau, Lavau-sur-Loire (6,71% dans cette commune qui a donné 27% au PS et 16% à EELV au premier tour), Le Pellerin, Couëron, Saint-Jean de Boiseau, La Montagne (7,38% dans cet ancien bastion rouge), et Bouguenais. Dans toutes ces communes, le FN réalise des scores nettement importants, atteignant même au second tour 24% à Prinquiau, 15.44% à la Montagne et 18.20% à Bouguenais.
On notera en revanche que Nantes ne fait plus partie des bastions communistes, malgré l’héritage historique de Chantenay et de Doulon. L’industrie ayant déserté Nantes et la SNCF ayant notablement réduit ses effectifs, le poids de l’électorat ouvrier des deux anciennes communes satellites se dilue. Ainsi, si aux municipales de 2014, les communistes rassemblaient, avec un candidat du Parti de Gauche, 4849 voix (5,03%), ils n’en ont plus que 3737 (4,36%) au premier tour des régionales.
Pour expliquer ce déclin dans ses zones d’implantation historiques, on peut se référer à l’analyse faite par Jean-Claude Blanchard, chef de file nazairien du FN : « « On récupère l’électorat communiste et ouvrier », analyse le frontiste, « car nous sommes les seuls à proposer des solutions sur les travailleurs détachés, l’arrêt de l’immigration etc. Nous on met en pratique le slogan « Vivre et travailler au pays » et ça plaît aux Briérons qui veulent rester maîtres chez eux ». Le PCF paye cher le fait de s’être détourné des ouvriers et d’avoir pris un virage pro-immigrationniste : ses thématiques ont été reprises par le FN, dont le programme social pourrait en grande partie être défendu sans se renier par un Georges Marchais, et la plupart des électeurs communistes ont abandonné le parti. Le déclin du maillage territorial et social – perte des mairies et donc des clientélismes associés (emplois municipaux, subsides, HLM), baisse du poids de la CGT etc. – joue aussi en défaveur du PCF.
Quelques îlots surnagent cependant dans la lointaine ruralité : Quilly, Massérac, Fégréac, Sévérac… ou même Saint-Fiacre sur Maine (5,60%) dans le Vignoble – une des communes du département qui a le plus boudé le FN (10,83% au second tour). En revanche, l’opposition à l’aéroport de Notre-Dame des Landes n’a pas profité au Front de Gauche : il fait 1,67% (12 voix) là où les écolos sont à 30% et le FN à 27,58%, et 2,02% à Vigneux-de-Bretagne où les écolos sont à 24.76% et le FN à 16%. Pas mieux au Temple-de-Bretagne d’ailleurs : le PCF fait 1,89% (11 voix) dans cette commune qui a accordé 30% au FN, en tête au premier tour, et 14.46% aux Verts.
Le PCF menacé de disparition aux marges du département
A la Remaudière, au sud-est de la Loire-Atlantique, avec 0,57% et 2 voix, le PCF fait son pire score. Qu’il égale presque au nord du département à Treffieux (0,79% et 2 voix), Ruffigné (0,88% et 2 voix) et Jans (0,90% et 4 voix) ou même à Noyal-sur-Brutz (2 voix et 1,01%).
Ainsi, dans 35 communes du département il réalise moins de 2,10%. Outre les bastions de droite habituels peu suspects de passer sous l’étendard rouge de la Révolution, comme La Baule (132 voix et 1,79%), Pornichet (98 voix et 2,08%) ou encore Sautron (57 voix soit 1,61%), on trouve plusieurs autres zones bien définies. Outre les trois communes immédiatement riveraines du projet d’aéroport (voir ci-dessus), une est sur les franges du Vignoble (la Remaudière, précitée), cinq dans le Pays de Retz, dont quatre sur ses marges (Paulx, Saint-Etienne de Mer Morte, Montbert, la Planche). Une, Petit-Mars (2,07%) se trouve assez près de Nantes, dans la troisième couronne des communes périurbaines. Les 22 autres se trouvent dans le pays de la Mée, à raison de cinq autour d’Ancenis, et les autres dans le Castelbriantais. Seule exception à la règle : Saint-Vincent des Landes où le Part surnage (5,43% soit 28 voix).
Dans le Pays de Retz et le Vignoble, le FN ne perce pas au-dessus de ses moyennes départementales, à l’exception notable de Saint-Etienne de Mer Morte (28,69% au second tour). On peut donc supposer que l’électorat rural du PCF s’est écoulé vers la gauche traditionnelle, voire les Verts dans le secteur de Notre-Dame des Landes. D’autant plus que les deux partis ont maintenant un discours similaire, qui défend notamment les minorités, la tradition d’accueil de la France – comme l’expliquait la candidate EELV Sophie Bringuy dans nos colonnes. Autre similitude troublante : ils placent tous deux « la montée des extrêmes » au titre de la menace principale. Enfin ils parlent de l’extrême-droite, puisqu’on ne les voit pas s’indigner sur la montée de l’extrême-gauche et des black blocks, même quand Nantes devient régulièrement un champ de bataille, à l’occasion des manifestations contre l’aéroport, pour la mémoire de divers activistes de gauche érigés en martyrs, ou encore bien plus récemment à l’occasion des manifestations contre l’Etat d’urgence.
Dans pays de la Mée en revanche, cette France périphérique délaissée et fragilisée à l’échelle de la Loire-Atlantique, le FN s’implante et fait de très bons scores. Dans nombre de communes où le PCF disparaît, le FN fait au contraire ses meilleurs scores du départements. Par exemple à Mouais, Treffieux, Saint-Vincent des Landes même (25% au FN contre 5,43% au PCF), Ruffigné, Fercé, Noyal-sur-Brutz, Grand-Auverné, Saint-Julien de Vouvantes, Juigné des Moutiers , Vritz, le Pin, Maumusson, la Rouxière, Saint-Herblon ou encore Mésanger.
L’on peut particulièrement mentionner le cas de Fercé, où le PCF fait1,29% et 2 voix, tandis que le FN fait 32,26% et 50 voix au premier tour. Idem à Juigné des Moutiers (3 voix et 1,94% pour le PCF, 67 et 43,23% pour le FN, meilleur score du département au premier tour) et Saint-Julien de Vouvantes (1,57% soit 5 voix pour le PCF contre 100 et 31,35% pour le FN) qui font partie aussi des communes qui ont le plus réussi au FN en Loire-Atlantique au premier et au second tour. Ces résultats montrent que le Parti Communiste Français tend à devenir – en Loire-Atlantique tout au moins – un parti replié sur ses bastions urbains – ou de banlieue – où il est néanmoins concurrencé, sur ses nouvelles positions idéologiques, par les Verts, une partie du PS et l’extrême-gauche, et sur son idéologie traditionnelle, par le FN. Dans la campagne, surtout celle qui est loin des villes, un boulevard s’ouvre devant le FN, qui n’est pas libéral au contraire de l’UMP, du PS et l’UDI, et défend ces marges en voie de déclassement, oubliées de tous.
Louis-Benoit Greffe
Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
2 réponses à “Regionales : les communistes en chute libre en Bretagne historique”
BRAVO une disparition du communisme en Bretagne par contre trop de socialos marxistes.
[…] http://www.breizh-info.com/36434/actualite-politique/regionales-les-communistes-en-declin-en-bretagn… […]