04/12/2015 – 20H00 Nantes (Breizh-info.com) – Juriste en droit de l’environnement, Sophie Bringuy mène la liste écologiste aux régionales 2015 en Pays de Loire. Elue régionale depuis 2010, vice-présidente de la région à plein temps, elle est issue de la vague écologiste de 2009. Elle a accepté de répondre aux questions de Breizh Info. Cet entretien a été réalisé avant les attentats de Paris.
Breizh-Info : Sophie Bringuy, merci de nous recevoir. Quels sont les grands axes de votre programme ?
Sophie Bringuy : Le premier, c’est l’emploi. Nous proposons d’investir dans la rénovation énergétique, ce qui peut créer 4000 emplois, les énergies renouvelables – 13.000 de plus – et le développement du bio jusqu’à 20 % de la surface agricole utile. On est à 13% cette année, c’est réalisable ; ça fera 3500 emplois supplémentaires. Enfin le développement de l’économie solidaire peut apporter 25.000 emplois de plus à la région.
Nous voulons aussi développer la formation, en lien avec trois secteurs forts dans notre région et pour lesquels il existe de forts enjeux écologiques, l’agriculture, le bâtiment et l’industrie. Au niveau des instances régionales, nous souhaitons plus de démocratie, notamment la possibilité pour les citoyens d’interpeller les élus en séance publique et la mise en place de référendums d’initiative citoyenne régionaux.
Breizh Info : Au sujet de l’agriculture, justement, que proposez-vous ?
Sophie Bringuy : Eriger le bio et le durable en priorité. Développer des filières locales grâce aux contrats d’approvisionnements territoriaux. Lutter surtout contre les inégalités alimentaires : tout le monde doit pouvoir manger sain.
Breizh Info : Et pour les transports ?
Sophie Bringuy : Abandonner Notre-Dame des Landes, lancer une étude pour optimiser Nantes-Atlantique et donner plus de moyens ferroviaires de proximité. Pérenniser aussi l’Arc atlantique, c’est à dire l’axe Quimper-Bordeaux qui risque d’être fermé au sud de la Roche-sur-Yon. Et lancer des Chronobus [bus à haut niveau de service] en milieu rural, c’est à dire des lignes de bus avec des arrêts à 4-5 km de chaque bourg, là où le ferroviaire n’existe pas.
Je suis aussi favorable à une contribution régionale poids-lourds. Oui, une écotaxe, car son abandon au niveau national a fait perdre des moyens pour les transports.
Breizh Info : ça ne vous choque pas de rétablir l’écotaxe unanimement refusée par les routiers, les agriculteurs, et les Bretons des cinq départements ? Trois des six portiques installés en Loire-Atlantique (Jans, Prinquiau, Missillac) n’ont d’ailleurs pas survécu à la colère bretonne…
Sophie Bringuy : L’écotaxe Ecomouv c’était scandaleux, la manière de la mettre en place très mauvaise, puisqu’il n’y avait notamment pas assez de nuances pour les transports de proximité. Mais le principe est bon.
Breizh Info : Il y a pourtant déjà une contribution poids-lourds, c’est la taxe à l’essieu, ainsi que la taxe sur le gazole qui ne cesse d’augmenter. Alors que les entreprises françaises étouffent sous le nombre de charges, de normes et d’impôts, pourquoi les assommer encore sous prétexte de protéger l’environnement ?
Sophie Bringuy : Les écologistes demandent une fiscalité plus juste. Ceux qui polluent en circulant en camion ne doivent pas avoir d’allégements. Cela ne choque personne que le contribuable paye les routes dégradées par les camions et les problèmes de santé liés à la pollution ?
Breizh Info : que pensez-vous du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes ?
Sophie Bringuy : Je suis contre. Ce projet détruit des zones humides, des zones agricoles et la biodiversité. Il aggrave le risque d’inondation sur le bassin de Redon [et les alentours de Blain, NDLR ]. Il faut une remise à plat totale du dossier et une étude indépendante sur la rénovation de Nantes-Atlantique. Pas l’étude surgonflée de la DGAC qui falsifie le débat.
Breizh Info : Quel est votre avis sur la réunification bretonne ?
Sophie Bringuy : Ce sujet doit être remis en débat. Cependant, ce n’est pas au 44 tout seul ou aux Bretons de décider. Une fusion entre la Bretagne administrative et les Pays de Loire serait préférable au vu du grand nombre de dossiers convergents. Une assemblée bretonne pourrait faire vivre l’identité des cinq départements historiques.
Breizh Info : Que faites vous de l’identité bretonne et du droit des Bretons à vivre dans une région qui reflète cette identité ?
Sophie Bringuy : Avec l’assemblée bretonne, ils auront leur espace d’expression. Les Pays de Loire, c’est un vécu qu’on ne peut pas effacer d’un trait. Il faut un débat collectif sur la question.
Breizh Info : Le vrai sujet, ça ne serait pas plutôt la peur des autres départements de laisser fuir la poule aux œufs d’or qu’est la Loire-Atlantique ?
Sophie Bringuy : Il faut une vraie égalité territoriale pour éviter l’appauvrissement et la montée du FN et des extrêmes. Si le 44 n’est plus en Pays de Loire, ils explosent et n’ont plus lieu d’être. Je comprends que l’identité bretonne est saccagée, démembrée. Mais il y a aussi l’existant. Est-ce qu’on abandonne les départements et on les laisse dans les mains du FN ? Les Bretons ne doivent pas décréter leur avenir depuis la Bretagne.
Breizh Info : à propos de Bretagne, que pensez-vous de la centrale de Landivisiau ?
Sophie Bringuy : C’est un scandale, qui va coûter 40 millions d’€ d’argent public par an. En plein milieu de la COP21, avoir ce genre de projets en priorité publique, c’est scandaleux. Nous sommes pour le développement des énergies renouvelables intelligemment et dans le respect des territoires. Par exemple sans planquer les dossiers, notamment dans l’éolien où nombre d’installations se font un peu dans le dos des gens. Notre objectif, c’est l’autonomie énergétique des Pays de Loire en 2050.
Breizh Info : que pensez-vous de l’accueil des migrants ?
Sophie Bringuy : Les Pays de Loire doivent être une région refuge. Il faut développer l’enseignement FLE (français langue étrangère) pour former ces adultes qui viennent d’ailleurs au français. On est capable de le faire. Je suis d’origine juive et on a la mémoire de ce qui s’est passé sous la seconde guerre mondiale, quand les Français ont accueilli des Juifs. Comme les Juifs alors, ces migrants sont en danger.
Breizh Info : Que faites-vous des jeunes Français qui galèrent pour se loger, pour travailler, tandis que les responsables politiques comme un seul homme ne s’occupent que des migrants ?
Sophie Bringuy : Est-ce qu’ils veulent continuer à voir dans la presse des photos d’enfants qui crèvent ? Je ne dis pas qu’il faut moins aider les Français, mais il ne faut pas se replier sur nous mêmes. Au contraire, on peut réorienter les politiques publiques vers les jeunes en situation de précarité et les chômeurs.
Breizh Info : Image contre image, est-ce qu’on veut voir plus de vieux qui fouillent dans les poubelles – c’est de plus en plus fréquent dans les villes françaises – tandis que les moyens publics vont aux immigrés ?
Sophie Bringuy : Ceux qui le disent votent Marine le Pen. Les immigrés créent de la richesse, ils ne volent pas les Français. Il faut une nouvelle répartition des richesses qui rompt avec les inégalités du libéralisme. Mieux vaut construire un autre système qui n’est pas dominé par les 1% les plus riches, les multinationales.
Breizh Info : Vous prenez la tête d’une liste alors que EELV ne parvient pas à surmonter sa profonde crise interne…
Sophie Bringuy : La crise elle est partout, dans les partis, les syndicats etc. Le monde est très compliqué à appréhender, et nous ne sommes pas le seul parti en crise…
Breizh Info : Et si on met de côté la langue de bois, la crise de votre parti ne serait pas due à l’explosion des ambitions personnelles des uns et des autres ?
Sophie Bringuy : Il y a aussi une différence de fond. En 2010, il y avait eu [au sein d’EELV] une union de la gauche au centrisme. Il y a eu une clarification, due à des gens qui ont un axe et une colonne vertébrale. François de Rugy est plus libéral et plus centriste, par exemple. Il y a une droitisation générale de la société, et face à cela, deux attitudes : on va suivre et droitiser, comme l’ont fait Placé et de Rugy, ou alors on reste en conformité avec ses convictions.
Breizh Info : Quels sont vos objectifs électoraux ?
Sophie Bringuy : Dépasser les 10%.
Breizh Info : Et pour le second tour ?
Sophie Bringuy : Ça dépendra. Y compris des capacités à négocier avec le PCF et le PS. Lutte ouvrière ne dépassera pas 1%. Nous ferons alliance pour un projet fort en Pays de Loire ; nous ne faisons pas de politique « contre ».
Breizh Info : Il y aura un accord électoral même si vos partenaires sont pour Notre-Dame des Landes ?
Sophie Bringuy : J’ai mes convictions, le PS et le PCF ont les leurs. Une réelle étude indépendante sur Nantes-Atlantique n’a jamais été faite. Nous appelons à ce que les convictions de chacun soient respectées, que l’étude soit faite, qu’on se donne l’année 2016 et que Hollande respecte le moratoire. Ce sont des demandes raisonnables et légitimes. S’ils ne prennent pas cette perche, l’alliance sera compromise. Les Pays de Loire sont déjà la région où il y a le moins de report de voix des électeurs EELV sur le PS à cause de Notre-Dame-des-Landes. C’est un projet devenu marqueur du bon vouloir du PS. Si Clergeau ne fait pas un geste fort sur Notre-Dame-des-Landes, les électeurs ne le suivront pas, il perdra du monde en route et la région avec.
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