18/11/2015 – 08H30 Bretagne (Breizh-info.com) –Après cinq années de négociations menées de force par les Etats-Unis et le Président Obama, 12 nations bordant l’Océan Pacifique sont parvenues à un accord d’échanges commerciaux appelé le TPP – the Transpacific Partnership ou Partenariat Transpacifique. Avant son élection en 2008, les négociations pour un accord international entre l’Amérique du Nord et l’Europe allaient bon train, et ce depuis plusieurs dizaines d’années. Jusqu’ici, les Européens trainaient du pied alors que les Américains voulaient cet accord transatlantique.
L’élection du Président Obama a bouleversé les cartes. Sa politique tournée vers le Pacifique a créé une situation de panique en Europe. Un traité de commerce international entre les pays bordant cet océan signait l’isolation du vieux continent. Notamment, le Centre Européen pour la Politique Economique Internationale, l’ECIPE, a affirmé dès 2012 que TPP étaient une menace mortelle pour l’économie Européenne. En réaction, les dirigeants Européens se sont précipités vers les Etats-Unis à l’annonce des débuts de négociation pour le futur TPP.
Désormais, les négociations ont débuté depuis plus de trois ans pour la mise en place de TAFTA, the TransAtlantic Free Trade Area, en français zone de libre-échange transatlantique.
Pourquoi tant d’années pour signer un accord de Libre-Echange ? Si l’objectif est bien de libérer les échanges, il suffit de supprimer les barrières aux frontières ! Pourquoi tant de négociations ? Pourquoi tant d’opacité ? Pourquoi les grands groupes privés participent-ils aux négociations ? Les médias et les hommes politiques auront de nombreux arguments pour vous convaincre que ces délais et la participation des grandes entreprises est normale dans une négociation d’accord commercial. Pourtant, il n’en est rien, c’est ce que nous allons découvrir ensemble dans ce nouvel épisode.
TAFTA
Les documents de négociation pour le TPP révélés par Wikileaks sont éloquents. Dans la majorité des cas, les Etats-Unis, menés par le Président Obama, ont montré une volonté inflexible pour imposer les règlementations Américaines aux pays partenaires. Avec le soutien du Japon et de l’Australie sur plusieurs sujets, les négociateurs Américains ont utilisé la menace économique chinoise pour effrayer leurs « partenaires » et leur faire accepter de se soumettre à de nombreuses règlementations Américaines. Les pays Asiatiques ont notamment dû se soumettre à des demandes extrêmement dures de la part de Washington sur tout ce qui touche à la propriété intellectuelle. Cet élément n’est pas anodin. Si le Président Obama a principalement insisté sur ce domaine, c’est parce que les enjeux industriels liés sont particulièrement importants. En mettant en place des règlementations de propriété intellectuelle liées aux règlementations Américaines, le Président Obama a créé une forteresse pour tout ce qui touche à la recherche fondamentale, aux découvertes de la médecine, aux partages d’informations sur internet et sur toutes les découvertes industrielles. Les Etats-Unis étaient moteurs du groupe de négociation – avec le Japon et l’Australie – les Etats-Unis se sont assurés une sécurité industrielle de long terme. Pire, l’objectif des Américains n’est pas de s’arrêter aux douze nations aujourd’hui membres de ce partenariat. En mettant en place ces règles dès 2015, le Président Obama et les négociateurs Américains prévoient en réalité l’entrée progressive de nouveaux membres bordant le Pacifique. Ces nouveaux membres seront ainsi dans l’impossibilité de négocier des termes déjà signés, et se retrouveront forcés d’accepter des conditions qui favorisent fortement les Etats-Unis, l’Australie et le Japon s’ils ne veulent pas se retrouver à l’écart du commerce dans le Pacifique !
Pratiquement, avec le TPP, le Président Obama a imposé les règles Américaines aux pays bordant l’Océan Pacifique.
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Pourquoi les lobbies et les Etats sont-ils aussi impliqués dans la constitution de ces deux zones de commerce international que seraient le TPP et TAFTA ? La réponse peut sembler évidente : ils veulent défendre leurs intérêts. Et c’est vrai. Si le Président Obama avait défendu deux véritables accords de libre-échange, les grandes entreprises – et en particulier les multinationales – auraient eu beaucoup à perdre.
Quel est l’intérêt d’une multinationale à un tel accord ? Ces gigantesques entreprises possèdent déjà les moyens financiers, statutaires et politiques pour assurer leur présence dans les pays de leur choix. Cette présence et les actuelles lois sur le commerce international permettent aux grandes entreprises d’échanger comme elles le souhaitent entre deux pays ou entre deux continents, de par leur présence planétaire. Dans la pratique, un accord de libre-échange n’apporte rien de spécifique à ces grandes entreprises.
Mais cela ne colle pas ! Si accord de libre-échange n’a pas d’intérêt pour les grandes entreprises et les principaux lobbies, pourquoi donc sont-ils aussi présents dans les négociations ? Pourquoi tant de pression sur les élus pour avancer leurs causes ?
Voilà le point sensible. Les grandes entreprises ont une peur panique de l’idée d’un grand accord de libre-échange à travers l’ensemble de l’Atlantique. Avec un accord de libre-échange, les petites et moyennes entreprises qui n’ont pas la logistique ni les moyens de s’installer aisément de chaque côté de l’Océan seraient désormais en mesure de venir concurrencer les grands groupes. Si le TPP et TAFTA devenaient de simples accords de libre-échange, les lobbies perdraient tous leurs poids politiques. Les entreprises françaises ne pourraient plus faire pression pour valider des règlementations qui les favorisent en France. De même, les multinationales Américaines ne pourraient plus faire passer des régulations qui favorisent leurs méthodes de production aux Etats-Unis. Par le simple fait de mettre en place un accord de libre-échange, les lobbies perdraient une grande partie de leur pouvoir politique. Dans le même temps, les petites et moyennes entreprises seraient enfin capables d’aller concurrencer les géants de l’industrie. Enfin, les consommateurs reprendraient leur rôle de décideur final de qui produit quoi et comment.
Pour ces raisons, les collectivistes et les grands lobbies ne peuvent pas permettre la simple signature d’un accord de libre-échange supprimant purement et simplement les frontières entre les pays de l’arc Atlantique qui favoriserait les petites entreprises et les consommateurs.
Pour le moment, TAFTA n’est pas une négociation ayant pour but de libérer le commerce. Il s’agit d’un jeu d’échecs politiques mondial pour savoir qui va imposer sa législation à ses voisins.
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Pourtant, l’Europe en général, et la Bretagne en particulier, ont beaucoup à gagner de la signature d’un véritable accord de libre-échange transatlantique. Tout d’abord, la balance commerciale des échanges entre les Etats-Unis et l’Union Européenne est clairement en faveur de notre continent. Au cours des trois dernières années, les entreprises Européennes ont continuellement augmenté la valeur des biens commercialisés outre-Atlantique, avec une balance commerciale positive de 86,7 milliards d’Euros en 2012, 96,9 milliards d’Euros en 2013 et 106 milliards d’Euros en 2014 !
Ensuite, il est clair que le décalage de plus en plus évident du centre du commerce mondial de l’Atlantique au Pacifique ferait de l’Europe entière un territoire relativement isolé du commerce mondial.
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Quant à la question Bretonne, les adversaires de la cause indépendantiste affirment qu’une Bretagne souveraine serait isolée. Or, la Bretagne est au cœur de l’arc Atlantique. Dans une Bretagne soumise aux directives de Paris et de Bruxelles, la Bretagne est effectivement loin, à l’Ouest. Dans une Bretagne au cœur de l’Atlantique, notre pays redeviendra ce qu’il aurait toujours dû être sans les politiques jacobines favorisant Le Havre, Bordeaux et Toulon. La Bretagne redeviendra la porte d’entrée vers l’Europe, favorisant le commerce international grâce à une politique fiscale et sociale efficace et attirante. Nous avons abondamment traité le sujet dans notre dernier épisode sur le dumping social. De plus, la Manche est surchargée par l’actuel trafic maritime. Une porte d’entrée fiscalement attirante et plus proche du Benelux et de l’Allemagne que le Portugal sera une opportunité à saisir pour les échanges commerciaux de toute l’Europe ! Mais pour assurer notre position, les Bretons doivent peser fort pour réclamer un véritable accord de libre-échange.
Premièrement, afin de limiter au maximum l’impact des lobbies des grandes entreprises Européennes et Nord-Américaine, il faut s’orienter davantage vers un grand accord de libre-échange avec l’ensemble des pays de l’arc Atlantique, c’est-à-dire aussi avec l’Amérique du Sud et l’Afrique.
Deuxièmement, toutes négociations dans lesquelles les lobbies interviennent doivent cesser. Les Etats doivent aussi cesser leurs négociations. La libération des échanges ne peut pas passer par un gigantesque accord de plusieurs milliers de pages permettant à chacun de tirer la couverture à soi comme ça a été le cas pour le TPP. L’objectif de la liberté est de permettre le développement d’une confiance réciproque.
TAFTA est une gigantesque farce. Travaillons à un véritable accord de libre-échange dans lequel aucune entreprise ni aucun lobby n’aura son mot à dire.
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La Bretagne a beaucoup à gagner d’un véritable traité de libre-échange transatlantique, non limité à l’Amérique du Nord et à l’Europe. Un traité ouvert à l’ensemble de l’Amérique du Sud et de l’Afrique Occidentale apportera davantage de richesse pour l’ensemble des partenaires et améliorera les relations entre des pays qui aujourd’hui échangent et communiquent peu. Enfin, un tel accord de libre-échange affaiblira les grandes entreprises et les lobbies. Il leur sera plus difficile d’imposer des règlementations qui les favorisent. Les petites entreprises et les consommateurs reprendront enfin leur place au cœur des échanges internationaux, permettant un véritable retour à une prospérité pour tous les pays bordant l’Océan Atlantique, et la Bretagne en particulier. Un véritable traité de libre-échange sera un pas de géant sur la Route de la Liberté.
Photo : DR
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Une réponse à “Hent ar Frankiz. TAFTA – quelles conséquences pour l’Europe et la Bretagne ? [vidéo]”
L’auteur de ce papier est un doux rêveur; il n’a toujours pas intégré le
fait que la mondialisation libre-échangiste voulue par les libéraux
profite presque uniquement aux multinationales et au 0,1% des plus
riches. Je conseille aux lecteurs de lire le dernier livre du prix Nobel
d’économie Joseph Stiglitz ( »La grande fracture ») qui était un
libre-échangiste convaincu et qui constate honnêtement les conséquences
effroyables de cette croyance inepte.