14/11/2015 – 07H00 Paris (Breizh-info.com) – Les hommages tout azimut qui ont salué la mémoire d’André Glucksmann (1937-2015), décédé le 10 novembre, ne laissent pas d’étonner. Parmi les ‘nouveaux philosophes’ qui ont fait parler d’eux au milieu des années 1970, Bernard-Henry Lévy fut à coup sûr le plus inconsistant, et André Glucksmann le plus girouette.
Né en France dans une famille juive polonaise tout juste immigrée, Glucksmann soutint très jeune la politique du Parti communiste. Normalien, agrégé de philosophie en 1961, il passa au maoïsme en 1968 tout en restant l’assistant du très libéral Raymond Aron à la Sorbonne. Admirateur de la révolution culturelle chinoise qui provoqua quelques millions de morts, il qualifia la France gaullo-pompidolienne de « pays fasciste ». En 1974, la lecture de L’Archipel du Goulag d’Alexandre Soljenitsyne le fit changer de camp. Il devint anticommuniste, antimaoïste, et publia La cuisinière et le mangeur d’hommes, un pamphlet rangeant tous les régimes néomarxistes dans la catégorie des dictatures injustifiables. Les régimes islamisés lui semblèrent ensuite tout aussi détestables : retournant une nouvelle fois sa veste, il devint atlantiste et soutint les interventions de l’Otan en Serbie (1999) et en Irak (1991 et 2003), malgré les fiascos évidents de ces opérations militaires.
La France de 2007 n’étant plus, semble-t-il, un « pays fasciste », Glucksmann appuya la candidature de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles. Jamais avare du sang des autres, il soutint ensuite la désastreuse intervention en Libye (2010), obtenue par BHL auprès de Sarkozy, puis recommanda une action équivalente en Syrie (2014). Entre temps, il s’était détourné de Sarkozy à cause de l’accord entre celui-ci et Poutine à propos de la vente de deux navires Mistral à la Russie (2011), ce qui lui semblait contraire aux intérêts de la guérilla islamiste en Tchétchénie. Comprenne qui pourra.
L’ancien normalien avait le verbe prolixe et justifiait toutes ses prises de position, opposées ou contradictoires, à coups de logorrhées habiles. Pour autant, nul mieux que BHL et Glucksmann n’auront montré l’inconsistance des discours des clercs, ceux qui prétendent « penser le monde » et soutiennent les causes les plus improbables avec le prêche des agrégés. Le philosophe strasbourgeois Julien Freund (1921-1993), qui fut, quant à lui, un vrai résistant combattant et connut l’emprisonnement, avait montré de longue date que la responsabilité de l’intellectuel se mesurait d’abord à sa manière d’assumer les conséquences pratiques de ses actes et de ses discours. Glucksmann et nombre d’autres ‘nouveaux philosophes’ n’ont jamais rien assumé des conséquences pratiques de leurs palabres. A quoi se reconnaît qu’ils ne furent pas très nouveaux, et encore moins philosophes.
J.F. Gautier
Photo : MEDEF/Wikimedia
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2 réponses à “André Glucksmann, le plus girouette des ‘nouveaux philosophes’”
Le monde continuera de tourner, même sans lui. Feu M. André Glucksmann ne va guère nous manquer …
Certes, tu as raison, paix à son âme, mais la relève en bobos de gauche & collabos illuminés et toujours bien pensants a, encore, hélas de l’avenir dans ce pays! Moi non plus, ce genre de personnage ne me fait pas défaut…