09/11/2015 – 06H00 Aulnay (Breizh-info.com) – Pour la troisième année de suite était organisée la journée nationale de destruction de contrefaçons. Dans 21 sites en France – dont Angers et Caen dans l’ouest – les douaniers ont détruit des milliers d’articles contrefaits en présence du public et de la presse. L’occasion de sensibiliser les français sur les risques liés aux produits contrefaits et leur montrer l’efficacité de leur travail. Près de Paris, dans les locaux de la douane à Aulnay, sur la zone logistique Garonor, la destruction s’est faite en présence du secrétaire d’État au Budget, Christian Eckert.
Lunettes Ray-Ban, parures Gucci et Versace ou coques Samsung de Chine, rouges à lèvres Chanel venus d’Ethiopie, chaussures Ralph Lauren de Turquie, Viagra égyptien, couverts et assiettes de Limoges fabriqués en Russie ou encore montres Rolex d’Iran, des dizaines de milliers d’articles étaient présentés. Ainsi que les risques liés : plomb dans les jouets, batteries d’Iphone qui explosent, piles qui coulent, allergies causées par des bijoux ou des cosmétiques etc. Tous ces produits étaient issus de saisies pratiquées en Ile de France sur les 3 à 5 derniers mois.
Selon les représentants de la douane, « 81% des produits dont nous arrivons à déterminer le pays de provenance viennent de Chine et de Singapour » ; 1% vient d’Afrique et 5% d’Europe. Les cigarettes – de contrebande plutôt que fausses – proviennent des pays de l’Est. Une partie du textile, de Turquie. Les médicaments, d’Inde ou du Proche Orient. Il n’y a pas toujours de danger : « Récemment, on a saisi un lot de médicaments, ils contenaient tous du sucre. Il n’y avait pas de principe actif ». Mais des saisies peuvent aussi être très dangereuses : « par exemple les bijoux en France doivent contenir moins de 0,05%. Mais on en a saisi qui sont constitué de plus de 80% de cadmium, et ça oscille souvent entre 30 et 60% de cadmium », un métal lourd toxique même à faible dose.
Même les produits alimentaires n’échappent pas aux contrefacteurs : en juillet dernier, les douaniers ont saisi 164.000 paquets de café contrefait (43 tonnes) aux couleurs d’une grande marque française. En avril 2014 les douaniers avaient aussi saisi à Paris 600 conserves de poisson sans certificat sanitaire et plusieurs tonnes de poisson périmées depuis des années. Les produits anti-nuisibles ne sont pas épargnés : en juillet 2015, les douaniers qui contrôlaient les locaux de deux entreprises à Aubervilliers suite à une enquête ont réalisé la saisie de 3634 pièges à cafards et 2013 pièges à rats, tous contrefaits, pour une valeur de plus de 45.000 €.
Le jour se lève à peine et le secrétaire d’État au budget arrive. Des produits de contrefaçon divers sont étalés sur une bâche et écrasés devant lui avec un rouleau compresseur estampillé aux couleurs de la douane. Le textile est empilé dans des caisses. Un camion broyeur se trouve garé tout près : pendant plusieurs heures, les agents des douanes détruiront caisse après caisse les produits contrefaits. Après que la contrefaçon ait été écrasée, le ministre se fait présenter les objets saisis par un gradé des douanes. Celui-ci lui explique que les douaniers contrôlent les colis, mais investissent aussi des entrepôts remplis de contrefaçon, notamment en région parisienne.
Dans son allocution, Christian Eckert rappelle que la contrefaçon est « une grande menace pour l’économie et l’emploi » et appelle à la vigilance des consommateurs : « comme pour la conduite automobile où le danger vient de celui qui tient le volant, pour la contrefaçon, le danger vient de celui qui tient le porte-monnaie. Il y a des faussaires car il y a des acheteurs de contrefaçons ». Une description succincte, une provenance douteuse ou un prix très réduit – par exemple une Rolex entre 1000 et 5000 € alors qu’elle coûte normalement 30 à 50 000 € – sont des indices probants d’une contrefaçon.
Le ministre a aussi rappelé l’importante croissance du fret postal et express dans les saisies de la douane – 65% depuis janvier contre 45% l’an dernier –, l’évolution réglementaire européenne et française (loi du 11 mars 2014) et le développement de relations étroites avec divers acteurs économiques – la Poste, le comité Colbert, l’Union des Fabricants, l’INPI, le comité national anti-corruption etc. dont certains dirigeants étaient venus dans l’assistance. Le ministre a aussi laissé entendre que des conventions seront signées sous peu avec des opérateurs de transport express.
Enfin il a insisté sur la « contribution importante des douaniers à la lutte contre le réchauffement » puisqu’ils ont perçu 69 milliards d’euros de taxes en 2014 et sont chargés spécifiquement du recouvrement de la taxe sur les produits énergétiques (TICPE, 24,4 milliards d’€), la TVA pétrole (11,2 milliard d’€), la taxe à l’essieu pour les camions (168 millions d’€) ou encore de la taxe générale sur les activités polluantes (772 millions d’€). La lutte contre la pollution se fait aussi par les missions habituelles de la douane : en empêchant des bijoux aux métaux lourds, des jouets bourrés de plomb ou des produits au biosphénol d’entrer sur le marché français, les douaniers participent à ce combat.
Après son discours, le ministre a insisté devant les médias présents sur les deux risques présentés par la contrefaçon, « menace économique car elle prive les entreprises de leurs droits exclusifs et de leur propriété » et « risque pour la population, surtout pour les médicaments inefficaces et dangereux ». Présente sur les lieux, Delphine Sarfati, directrice générale d’Unifab, l’Union des Fabricants, questionnée par Breizh-Info, insiste sur le fait que la contrefaçon « ne garantit aucune sécurité au consommateur : ces produits ne sont jamais contrôlés et puis ce n’est plus la mama napolitaine qui travaille dans son atelier, mais des réseaux mafieux internationaux ».
En 2014, les douanes ont saisi 198.4 T de drogues – dont 157.3 T de cannabis (+84% par rapport à 2013), pour l’essentiel de la résine, mais aussi 6,6 T de cocaïne, 32.6 T de khat, 54 kg d’héroïne et 360.6 kg d’ecstasy. Les 16.665 fonctionnaires répartis en 513 services ont aussi redressé pour plus de 356 millions d’€ de droits et de taxes, saisi 828 armes à feu (pour l’essentiel provenant d’un arsenal saisi chez un particulier à Tours en octobre), 422.7 T de tabac de contrebande, plus de 8.8 millions d’articles de contrefaçon dont 2.6 millions de médicaments – le double des saisies pour 2013, ce qui est pour l’essentiel du à une énorme saisie de 2.4 millions de sachets de contrefaçon d’aspirine et de produits contre la diarrhée au Havre en février 2014, la plus grande saisie de médicaments jamais réalisée en Europe. Ces résultats exceptionnels ont été atteint avec un budget en baisse – hors cotisations et retraites, il représentait en 2014 1.230 milliard d’euros, soit 2,5 % de moins qu’en 2013.
Photos : breizh-info.com (DR)
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.