Historien du cinéma, Jérôme Bimbenet signe une biographie de Leni Riefenstahl, sous-titrée « La cinéaste d’Hitler ». Elle fait suite à un essai paru en 2006, « Quand la cinéaste d’Hitler fascinait la France, Leni Riefenstahl » (Lavauzelle).
Née en 1902, Leni Riefenstahl mourut à 101 ans. A croire que le crime conserve ! Mais quelle était sa culpabilité ? Fille de petits bourgeois berlinois, elle se révéla très tôt un « garçon manqué ». Des études vite conduites, elle n’attend pas sa majorité pour tourner autour des studios, fréquenter le monde du spectacle et prendre des cours de danse. Sportive accomplie, adepte de la « culture du corps », elle s’inscrit dans le courant naturiste à résonance panthéiste qui a parcouru la jeunesse allemande jusqu’au déclenchement de la grande guerre européenne.
Dans les années 20, Leni Riefenstahl conduit tout de front et prend sa place. Actrice puis réalisatrice, elle montre des compétences techniques et scénographiques qui surclassent celle de bien des réalisateurs en vogue. En 1932 sort son premier film, « La lumière bleue, légende alpestre des Dolomites ». Elle l’a tourné avec des collaborateurs juifs qui disparaîtront du générique après l’arrivée au pouvoir de nationaux-socialistes. Sa rencontre avec Hitler fut un curieux coup de foudre, une fascination réciproque qui l’amena à tourner « Le Triomphe de la Volonté » (le congrès du parti à Nuremberg) en 1935 et « Les Dieux du stade » sur les jeux olympiques de 1936.
La qualité scénique et esthétique de ces films de propagande était telle qu’elle fit taire beaucoup de critiques. Paris accueillit Leni Riefenstahl, elle se rendit à Hollywood où seul toutefois Walt Disney la reçut dans ses studios. Durant la guerre, elle tourna « Tiefland », drame montagnard onirique à gros budget pour lequel elle recruta des tziganes retirés un temps de leur camp. En 1945, la réalisatrice fut vite dénazifiée par les Américains mais plus longuement poursuivie par les Français. Elle fut finalement blanchie de toute participation aux crimes de l’Allemagne nazie.
Leni Riefenstahl vivra donc plus d’un demi-siècle en liberté. Elle parcourut le monde, photographiant ou filmant les fonds sous-marins et les Nouba de Kau. A 80 ans, elle devint une véritable icône médiatique. Au premier rang de ses admirateurs, Mick Jagger qui affirme avoir vu quinze fois « Le Triomphe de la Volonté » ! En 1996, elle donne des Mémoires, aussitôt traduits en français (par Laurent Dispot). Une autobiographie qui met plutôt mal à l’aise tant elle y manifeste sa mauvaise foi. Ses relations avec les dignitaires nazis, son embrigadement idéologique sont pastellisés. Au risque de minorer son immense talent ; à l’en croire une simple opératrice, à la disposition de ceux qui l’embauchent… Une femme libre (ce qui est vrai), égarée en politique qui n’a pas tout compris. Jérôme Bimbenet valide – plutôt plus que moins – celle ligne de défense. Disons, tout simplement, qu’il ne me convainc pas.
Jean Heurtin
* Jérôme Bimbenet, Leni Riefenstahl, la cinéaste d’Hitler, Tallandier, 20,90 euros.
Crédit photos : DR
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Une réponse à “La sulfureuse Leni Riefenstahl”
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