26/10/2015 – 07H00 Corsept –(Breizh-info.com) – C’est à devenir chèvre. La municipalité de Corsept, petit bourg situé près de Paimboeuf en pays de Retz, et une association de citoyens locaux se querellent à propos de… vaches. L’affaire est déjà rendue au tribunal administratif, tout ça pour six vaches écossaises, de race Highland, qui vivent dans ses marais et entretiennent la digue. Pour la mairie, ces paisibles ruminants menaceraient les cyclistes qui profiteront de la « Loire à Vélo ».
Les vaches sont arrivées à Corsept en 2009 et sont devenues un monument local. Une idée de l’ancien maire, Marie-Thérèse Mahé – 25 ans de mandats communaux, 35 ans comme institutrice puis directrice de la communale – qui cherchait une façon économique et écologique d’entretenir la digue. Qui n’est du reste pas une vraie levée de Loire, destinée à protéger les terrains inondables comme l’est la levée de la Divatte ou les nombreuses digues du Val de Loire. Elle est issue du creusement d’un chenal en 1987 par le grand Port pour régler un problème d’écoulement des marais. La terre du chenal – appelé douve – est entassée sur place, entre le chenal et la Loire. En 2013, la commune achète cinq autres vaches, si bien qu’en 2014 le troupeau compte dix vaches qui vivent quasiment en liberté.
Mars 2014, une nouvelle équipe arrive, dirigée par Patricia Benbelkacem, et commence doucement à réduire le troupeau, notamment suite à des reproductions consanguines. Aujourd’hui, il reste six vaches – deux génisses nées en 2013, deux vaches adultes nées en 2011 et deux veaux nés à l’été 2015 – dont la mairie veut se débarrasser. Au conseil municipal du 18 mai 2015, une délibération votée par l’ensemble du conseil municipal (16 voix pour, 1 contre, 1 abstention) décide la vente des vaches avant l’hiver 2015. Il faut dire qu’il n’y a plus d’opposition, puisqu’elle a démissionné en bloc juste après les élections lors des premiers conseils du 31 mars et du 7 avril en mettant en avant « d’évidentes incompatibilités de personnalité » apparues lors « d’une campagne très particulière« . Officiellement la mairie ne veut plus des vaches à cause de la future piste de » la Loire à Vélo » – qui n’ouvrira qu’en 2017 – mais aussi parce qu’il n’y a personne pour les surveiller ou encore qu’elles frottent leurs cornes sur les piliers des pêcheries. Pourtant la même délibération indique que « le piétinement de la digue qu’entraîne la présence du troupeau est très apprécié par la DREAL » puisque les vaches tassent sans arrêt celles-ci et assurent aussi un entretien doux et écologique.
Les vaches chassées par les cyclotouristes ? Des citoyens corseptins disent non et une association se monte, le Collectif de soutien aux vaches de Corsept. A son actif une pétition sur le web qui rassemble plus de 27000 signatures – dix fois la population de Corsept – et des centaines de commentaires de soutien. Mais aussi une page Facebook et un pique-nique de soutien dans les marais qui a réuni entre 80 et 100 personnes le 21 septembre. Curieusement, bien que le dit pique-nique avait lieu sur un terrain privé, la gendarmerie est passée deux fois (!) à la demande de la municipalité, à 10 h 30 et midi. Ladite délibération du 18 mai a été attaquée en référé-suspension au Tribunal administratif de Nantes le 17 juillet 2015. Le tribunal administratif a estimé qu’il n’y avait pas d’urgence et l’a rejeté. L’association a alors introduit une requête en annulation devant la même juridiction.
Lors du conseil municipal du 21 septembre, l’exécutif municipal s’est entêté et a autorisé madame le maire à ester en justice au nom de la commune et à prendre un avocat. Néanmoins la vente a été suspendue pour éviter d’autres recours. Le conseil municipal envisage la possibilité de mettre les vaches en pension chez un agriculteur de la commune le temps que l’hiver passe. La même délibération précise les prix auxquels la commune veut se débarrasser des vaches : elle n’en tirera pas grand chose. Pour chacune des deux génisses, 500 €. Pour chaque vache adulte 850€ et pour chacun des veaux 400€. Soit 3.500 € HT pour le troupeau. Une commune ne va pas loin avec de telles sommes.
Marie Piveteau, chef de file de l’association qui défend les vaches de Corsept, estime que « virer les vaches pour les remplacer par des cyclistes, ça n’a pas de sens ». Elle gère au quotidien une structure qui accueille notamment des vélotouristes et est assez inquiète quant à cette piste cyclable : « c’est quand même curieux qu’une réalisation faite pour l’environnement s’asseoit dessus. Il y a eu une étude d’impact du département qui reste introuvable, et il y a des plantes protégées sur place, dont l’angélique des estuaires. » Les vaches les broutent mais ne les arrachent pas, contrairement aux travaux nécessaires pour l’établissement d’une piste cyclable.
Elle pointe aussi les responsabilités de la municipalité : « avant, il y avait quelqu’un qui s’en occupait bénévolement, l’ancien directeur général des services, il aimait ça. Mais il a été dégagé aussitôt la nouvelle municipalité arrivée, et après ils ont dit qu’ils s’en passeraient… ce qui n’a du reste pas été le cas ». Plus exactement, le contrat du DGS Jean-François Olivier s’est achevé le 16 avril et n’a pas été renouvelé. Et ce pour une raison très simple : l’ancien premier adjoint de Mme Mahé, Bernard Douaud, a démissionné le 22 décembre 2013 en protestant contre « la place du DGS [qui] prend trop de place. Les élus ne sont pas respectés« . Neuf autres adjoints le suivent le 26 décembre et rallient la liste de Patricia Benbelkacem, tandis que Jean-Pierre Dousset se place dans la continuité de la précédente municipalité. Il est battu aux élections. Sa liste démissionne en bloc et les anciens frondeurs se retrouvent seuls maîtres à bord.
La nouvelle secrétaire de mairie ne se sent pas l’âme champêtre. De plus, dès le second conseil municipal de la nouvelle municipalité, la couleur est clairement annoncée sous un point intitulé « cheptel » par cette note peu évidente : « la ville indique qu’elle a refusé le « cadeau » de J.F. Olivier. Le dossier est à éclaircir. » Associées à l’ancien DGS honni par les chefs de file de la mairie, les vaches sont condamnées au bannissement. Et pourtant elles sont très économiques : elles broutent toute l’année les 6 km de digue – enfin plus qu’un seul maintenant, puisque la municipalité a mis des barrières pour « protéger les promeneurs et les cyclistes » des vaches, ces « animaux imposants ». On est à la campagne pourtant ! Et ces paisibles animaux n’ont du reste jamais attaqué personne. Mais il faut savoir que Madame Le maire est née au Blanc-Mesnil, très loin des vertes étendues bretonnes. Et surtout des vaches écossaises.
Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.
2 réponses à “Virer les vaches pour protéger les cyclistes : l’écologie selon la mairie de Corsept”
On ne va tout de même pas virer des vaches écossaises pour quelques cyclistes. Ces bêtes sont magnifiques, utiles et passent toute l’année dehors. Pour une fois que l’écologie se fait toute seule ce serait vraiment dommage de laisser la parole à quelques citadins !
Partageons la route !