21/10/2015 – 15H00 Paris (Breizh-info.com) – Ce dimanche 18, pour la seconde messe depuis la reprise de l’église Sainte-Rita de Paris par ses fidèles, deux causes quasi-désespérées se croisaient en ces lieux. Celle de l’église en premier lieu – promise à la démolition en vertu d’un permis de démolir périmé, sans que cela fasse réagir la mairie de Paris – et celle de la police, puisque la messe était dédiée aux policiers, gendarmes et autres membres des forces de l’ordre morts au devoir ou en exercice.
Sachant que l’église est en théorie un squat – puisqu’elle est occupée par des citoyens opposés à sa démolition et qui estiment que la démocratie n’a pas été respectée – une messe pour les forces de l’ordre est très symbolique. Et très actuelle, quelques jours à peine après des rassemblements (le 14) sur la place Vendôme et devant les tribunaux de province où gradés et gardiens de la paix ensemble témoignaient de leur intense ras-le-bol contre le laxisme judiciaire et le détricotage de leurs moyens, année après année, budget après budget.
A l’issue de cette messe célébrée devant une assistance fournie – et plusieurs chiens, Sainte-Rita étant traditionnellement une paroisse qui accueille les animaux et les bénit – Nicolas Stocquer, vice-président de l’association Les Arches de Sainte-Rita qui mène la bataille pour sauver l’église, a rappelé que la situation de celle-ci restait « très précaire. Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre ». Le risque que l’église soit évacuée une fois les régionales passées et l’intérêt médiatique éteint reste entier. Comme pour la ZAD à Notre-Dame des Landes, le pouvoir dispose d’une ultime fenêtre de deux à trois mois, de décembre à mars, du lendemain des régionales au début de la campagne des présidentielles au printemps.
L’église, dont les statues et le objets du culte avaient été emportées par l’ancien responsable de la paroisse qui a accepté, avec quelques fidèles, une compensation du promoteur immobilier destinée en grande partie à combler les loyers impayés depuis 1999, se remeuble peu à peu grâce aux dons des uns et des autres. Deux collectes ont été lancées, l’une pour la sono (400 €), l’autre – qui accepte aussi les dons en matériels – pour équiper et faire tenir ceux qui se relaient pour vivre et garder les lieux.
Plusieurs membres des forces de l’ordre étaient présents pendant la messe. Luc Crestini, chef de la BAC du 4e arrondissement de Paris – une quarantaine de policiers – et secrétaire national pour le Grand Paris au syndicat Union des Officiers (Fo Police), a accepté de répondre à nos questions. Invité par une paroissienne, il est venu dans cette église qu’il sait « condamnée par la cupidité de la société » puisque dans ce quartier où le mètre carré atteint des sommets, elle doit être remplacée par un immeuble de logements. Il affirme « partager tout à fait » le ras-le-bol de ses nombreux collègues. « Nous, les policiers, on est entre guillemets des victimes. Et ce à double reprise, car on nous demande des tas de choses, de plus en plus de tâches, tout en ne nous donnant pas de moyens. Résultat nous ne pouvons pas faire notre devoir et c’est le citoyen qui trinque ».
Le syndicaliste policier pointe l’usure des matériels – qu’il vit chaque jour sur le terrain, au cœur de Paris – et le laxisme judiciaire. « Nous, on demande seulement que le code pénal soit appliqué. Aujourd’hui, c’est la jurisprudence qui fait loi et ça n’a pas de sens ». Le laxisme judiciaire, c’est plus de travail chaque jour, pour rien : « on en a marre d’attraper un gars archi-connu, de le présenter à l’officier de police judiciaire, de le mettre en garde à vue, de voir que le substitut le remet en liberté car il sait pertinemment qu’il n’y aura pas de suite judiciaire. Et de retomber la semaine d’après sur le même qui a fait la même chose ou une infraction plus grave. Y en a vraiment marre ».
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