Rencontre insolite à Nantes : Raphaël Jerusalmy, agent secret et romancier

20/10/2015 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) – Jeudi 15 octobre, le CCAN (centre culturel juif de Nantes André Neher) recevait Raphael  Jerusalmy, un invité au parcours hors du commun. Ecrivain franco-israélien, il a en effet passé 17 ans dans les services de renseignements de Tsahal. Dans ce cadre,  il a été l’un des deux agents de l’armée en contact (discret) avec tous ses « collègues » arabes de la région. Après avoir pris sa retraite de l’armée, il a mené des actions à caractère éducatif et humanitaire. Aujourd’hui, il vit à Tel Aviv où il est spécialisé dans les livres anciens parus dans des éditions rares. Mais il est avant tout un romancier qui prend plaisir à essayer de faire basculer le cours de l’histoire dans ses nombreux ouvrages.

Né en 1954 à Paris de parents immigrés, mère russe et père turc, professionnels de la brocante, très jeune Raphael  Jerusalmy désire vivre en Israël et intégrer Tsahal. Il fait l’Ecole normale supérieure pour satisfaire ses parents et part, porté par le désir d’une vie de franc-tireur, d’action individuelle. Ses héros de roman  font des « acteurs solitaires, à l’inverse de notre société où pour s’exprimer il faut être des milliers en troupeau. », explique-t-il. Ce qui l’intéresse c’est la petite histoire qui s’inscrit dans la grande histoire et il regorge d’anecdotes parfois troublantes dans ce registre…Il précise que, « contre toute attente, lorsqu’un épisode est crédible, c’est du roman, et quand un épisode est incroyable, c’est qu’il est arrivé ».

Par sa participation à des conférences et des salons littéraires, Jerusalmy se veut aussi «le porte-parole de la vérité du terrain et du quotidien,  pour se différencier des grands titres de la presse européenne qui masquent la réalité jour après jour ». La réinformation est à l’ordre du jour pour lui aussi : « Le public est abreuvé de mensonges et de haines par les politiciens et les media, notamment pour Israël, » estime-t-il.

Difficile de résumer les propos de cet homme d’expérience, partagé entre son amour pour sa patrie, son sens des réalités et sa volonté de créer un espace de paix pour tous. D’autant qu’il était convié pour parler autant de sa production littéraire que de son analyse de l’actualité ou des épisodes singuliers de sa vie aventureuse. Verbatim.

Concernant la « prétendue  intifada à l’arme blanche » : « D’abord, ce n’est pas un danger stratégique sur le plan militaire israélien. Ensuite, il s’agit d’individus isolés que ne revendiquent ni le Hamas, ni l’OLP, d’ailleurs hostiles à ces actes. De même, l’appel à la journée de grève des arabes d’Israël n’a pas été suivie, à la demande des députés eux-mêmes ». La vraie question, selon Jerusalmy, « c’est comment on en est arrivés là ? Il s’agit d’actes de guerre fomentés par les réseaux sociaux des salafistes. Le discours de haine est normal et les media accordent plus d’écho à la mort de 2 palestiniens qu’à celle de 200 000 syriens, ou qualifient de génocide la perte de 20 personnes, ou pratiquent le détournement sémantique ( un criminel est dans un cas un terroriste et dans l’autre un militant…) etc…Les gosses sont abreuvés de propagande par Algesiras. Il faut pourtant les dissuader de poursuivre, ce qui veut dire les repérer sur les réseaux sociaux, et faire preuve de fermeté en éliminant ceux qui passent à l’acte. Passer à l’acte signifiera clairement suicide. »

Les relations avec la Palestine ? «  Tant que la vieille garde d’Arafat restera aux manettes, rien ne changera, il faut attendre la jeune génération. Le peuple ne se réjouit pas des discours des politiciens, il leur demande du pain et du travail. L’Autorité palestinienne est en contact constant avec Israël pour déjouer les attentats des professionnels. Mais la compétition entre le Hamas et l’OLP ne facilite pas la tâche. »

Gaza ? «  Ghettoïsée sous la férule du Hamas qui bloque toute évolution, et non pas en état de siège par Israël, qui fournit tout, l’eau, l’électricité, le béton etc. Et le Hamas prélève une dîme de 10 % sur tout ce qui y pénètre. »

Cisjordanie ? «  Il y en a deux comme Israël, à savoir un pôle moderne type Tel Aviv, à  Ramallah, et un pôle religieux et strict type Hébron. Dans ces villes, les gens se respectent mutuellement et méprisent les autres. »

Les Arabes israéliens ? « D’abord il faut savoir que les Arabes sont majoritaires par exemple à Jérusalem Est, avec le statut de résidents permanents et dotés de droits, et ils ne veulent surtout pas reprendre le statut de palestinien. Tous ces citoyens travaillent comme personnel médical, collaborateurs de laboratoires etc. et sont intégrés dans la vie quotidienne.  Il y a certes encore beaucoup de revendications, mais elles passent par les moyens démocratiques. ».

En résumé, l’orateur explique que pour lui «  l’antisionisme est synonyme d’antisémitisme. » À une question du public, il répond que « l’intégration des Arabes dans la vie quotidienne lui paraît plus convaincante qu’en France, car d’une part il ne s’agit pas d’immigrés, la population arabe étant parfaitement acclimatée au pays et aux mœurs locales ; et d’autre part, la fermeté du pouvoir freine les débordements. »

Enfin, Jerusalmy insiste « sur la nécessité de s’en tenir aux faits et aux chiffres et d’écarter toute réaction de type idéologique, religieuse ou politique face aux événements ». À titre d’exemple, il pose la question : « Combien y a-t-il de victimes du terrorisme et de représailles du terrorisme ? Avant le mur, le chiffre s’élevait à 2000 personnes par an, après le mur, le chiffre est retombé à 100 personnes par an. CQFD ».

Iran ? « L’Iran attend son heure, et négocie avec les USA pour se faire bien voir, mais il voit la possibilité d’élargir le front avec l’axe des chiites, Iran/ Irak./Syrie/ face à Israël. De plus, toutes les guerres menées sur tous les fronts, Yemen, Daesh, etc ont pour destinataire final d’affaiblir Israël ».

L’accord nucléaire ? « Je ne signerais aucun accord avec les Iraniens. De toute façon, il y a deux écoles : ou bien ils sont très loin en réalité de l’arme nucléaire,  ou bien ils bluffent et  disposent déjà d’un véritable arsenal sous terre de l’ordre de 20 centrales qui ne sauraient être anéanties par une offensive aérienne, sachant qu’une invasion terrestre déclencherait une guerre. Il faut se rappeler que l’Irak comme Syrie ne disposent que d’une centrale nucléaire. Israël n’a pas les moyens de détruire un arsenal iranien. En revanche, il peut mettre en œuvre les méthodes des « services », comme éliminer les personnes-clés du programme nucléaire iranien avec l’aide de la mafia iranienne, ou bien pratiquer la guerre cybernétique par des virus qui retardent les développements de programme, ou encore saboter tout le réseau électrique ».

Les printemps arabes ? « Ils ont changé la donne notamment sous l’angle des  ventes d’armes. C’est un vrai sujet, actuellement il y a une folle course aux armements, l’Arabie Saoudite achète beaucoup, les Emirats veulent acquérir le Dôme de Fer, etc. or il y a la loi de la quantité, même avec la technologie existante, la quantité prime sur la qualité, outre la quantité d’armes présente en un endroit, et soudain, tout explose sans raison évidente. »

Photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2015, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.