Vent d’Est, la chronique de l’Europe centrale : automne 2015, le printemps de la droite

08/10/2015 – 06H00 Budapest (Breizh-info.com) – Retrouvez chaque semaine « vent d’Est » notre chronique d’Europe centrale rédigée par notre envoyé spécial sur place.

L’automne arrive et les bulletins remplissent les urnes. L’avenir proche nous dira si l’on se trompe dans cette chronique, mais il semblerait bien que l’Europe centrale bascule complètement et assume désormais au grand jour sa position : l’identité n’est pas négociable, et la très grande majorité de la population, par delà les frontières locales, ne veut pas en changer.

Il y a une dizaine de jours, l’Autriche vivait un petit tremblement de terre électoral : le FPÖ, parti patriotique, anti-Islam et anti-immigration extra-européenne, assez peu amical envers l’Union européenne, et évidemment souvent qualifié d’extrême-droite, voire de » nazi » par ses détracteurs, a doublé son score aux élections régionales de Haute-Autriche, amenant le parti à plus de 30% des voix, seulement 6% derrière les conservateurs du ÖVP. Petit à petit, le FPÖ de Heinz-Christian Strache s’impose de nouveau sur la scène politique autrichienne et devient un élément incontournable. Après la mort tragique et pour le moins suspecte de Jörg Haider en 2009 dans un accident de voiture, le FPÖ avait connu une période de flottement. Cette crise des migrants lui a permis de revenir plus que jamais sur le devant de la scène, et non sans soutien : le Fidesz du Premier ministre hongrois Viktor Orbán s’en est beaucoup rapproché durant les derniers mois. On notera en passant que le Front national français a aussi des liens de plus en plus marqués avec le FPÖ.

En Croatie, la situation est complexe. Après que la Hongrie ait achevé sa clôture à la frontière serbe, et après les émeutes qui s’en suivirent, la vague migratoire a dérivé, poussant la route des Balkans vers la Croatie. De là, nombreux étaient encore dans les premiers jours de la deuxième quinzaine de septembre les clandestins qui passèrent en Hongrie, au point qu’on y atteint des sommets à plus de 10.000 clandestins appréhendés par jour ; la frontière entre la Hongrie et la Croatie était encore, près de la Serbie, une frontière verte. Rapidement, le gouvernement croate du premier ministre SDP social-démocrate  Zoran Milanović s’est retrouvé débordé. Une anecdote surprenante étaye notre propos : le gouvernement croate a envoyé en Hongrie un train rempli de 1.000 clandestins au début de la crise en Croatie, encadrés par 40 policiers croates, disant aux « migrants » que tout était organisé conjointement avec la Hongrie. Problème : ce n’était pas le cas, le train a été reconduit en Croatie et les policiers, désarmés et expulsés par leurs homologues hongrois. La question s’est réglé au niveau diplomatique, non sans faire de bruit.

C’est dans ce contexte que, le 8 novembre, des élections législatives auront lieu en Croatie, et il apparaît là aussi peu probable que le gouvernement trop laxiste sur la question migratoire soit reconduit. Il est en revanche à parier que le parti de centre-droit et démocrate chrétien HDZ de la présidente croate Kolinda Grabar-Kitarović revienne au pouvoir. Parti d’opposition durant cette crise qui dure en Croatie depuis seulement trois semaines – mais qui a vu déjà plus de 100.000 clandestins pénétrer sur le sol du comitat d’Osijek-Baranja -, le HDZ s’est aligné sur la ligne dont Orbán est tant le héros que le hérault : l’humanisme ferme. Aider les réfugiés, chez les voisins des pays d’origine, mais refuser la vague migratoire qui déferle, quite à utiliser l’armée, ce que prône le HDZ, toutefois contre l’édification d’une barrière. La présidente croate a d’ailleurs déclaré qu’il était « important de diriger le pays avec la raison, et non le coeur ».

En Pologne, le gouvernement de centre-droit de Ewa Kopacz, enchaine scandale sur scandale, lâchant ses partenaires du V4 sur les quotas au dernier moment – votant la ligne de Berlin – et cela se ressent dans les sondages à deux semaines des élections législatives. Malgré des promesses électorales auxquelles le PO d’Ewa Kopacz lui-même ne croit pas ( baisser les impôts – actuellement à 18% jusqu’à hauteur de 80.000 PLN par an (environ 20.000€), puis taxant à 30% tout revenu dépassant cette somme – à 15%, prendre en charge les cotisations sociales des employés sur le budget de l’Etat…).

Tout donne à croire que les législatives seront remportées haut la main par le PiS, le parti du président Duda, élu au printemps. Eurosceptique, contre l’adoption de l’euro, ouvertement catholique, contre le mariage homosexuel et le PACS, ainsi que contre l’avortement, l’euthanasie et la légalisation des drogues, ce parti qui en France serait considéré « d’extrême-droite » est en Pologne un parti de droite ordinaire, qui retrouve du poil de la bête dans cette période de défi, tant pour la Pologne que pour le reste de l’Europe centrale.

Pendant ce temps, des militants patriotes et nationalistes des pays du V4, appellent à manifester ensemble à Częstochowa, dans le sud de la Pologne, contre l’immigration. Ce n’est pas la première manifestation contre l’immigration. Que ce soit à Budapest, à Varsovie, à Prague, à Bratislava, ou à de nombreux endroits prévus pour recevoir des clandestins en grand nombre, les manifestations contre l’immigration massive ont fleuri tout l’été en Europe centrale. Mais cette manifestation du 17 octobre est un événement et un pari intéressant à la fois. Sa particularité? Être organisée à Częstochowa, lieu de pèlerinage catholique – jumelée avec Lourdes en France – et appelant des militants d’organisations historiquement en froid, voire violemment opposées, à défiler ensemble. Les militants du Slovenská pospolitosť enjoignent les patriotes de Slovaquie et d’ailleurs à s’y rendre, ayant même traduit leur appel en polonais et en hongrois. Lorsque l’on connait les vieux contentieux entre la Slovaquie et la Hongrie, et le caractère des militants nationalistes, ce geste est non seulement surprenant, mais fait également beaucoup réfléchir. Serait-ce la fin du chauvinisme et le début d’une vision supra-nationale de la politique pour les nouvelles générations de jeunes fortement conscients et attachés à leurs identités?

A propos de manifestation, il en est une dont vous n’avez sans doute pas entendu parler. Elle a eu lieu lundi 5 octobre a Dresde et a réunit 15.000 personnes environ, suite à l’appel de l’organisation anti-Islam PEGIDA. La manifestation avait pour but de dénoncer la politique de la chancelière Merkel ainsi que l’immigration démesurée que subit l’Allemagne cette année. Il faut dire que de 800.000 entrées annoncées en début d’année ( ce qui représente déjà 1% de la population allemande), les estimations ont été revues à la hausse et c’est désormais 1,5 million d’entrées de clandestins qui sont attendus pour 2015, et au moins autant pour 2016. Cependant, il ne faudrait pas oublier de préciser, comme l’a fait le Bild, qu’avec le regroupement familial, 1,5 million se transforme rapidement en 7 millions potentiels…

Pendant ce temps-là la Bavière, le plus grand des länder allemands et lieu d’arrivée principal des migrants clandestins, semble vouloir se distancer de Berlin. Horst Seehofer, le président du CSU bavarois, parti frère du CDU de Merkel opérant dans le reste du pays,  a invite Orbán en Bavière et dénoncé publiquement la politique de Berlin. Le geste est fort. La popularité de la chancelière est en chute, et le gouvernement allemand semble vouloir freiner, malgré tout, et un peu tard, l’afflux d’immigrants. Le hasard aura voulu que peu après éclate le scandale Volkswagen, étalé au grand jour par une agence américaine. On est en droit de s’interroger sur le timing, lorsqu’on sait que des doutes concernant l’emploi du même genre de logiciel par d’autres constructeurs automobiles existent.

A propos des Etats-unis, les manifestations au Monténégro continuent, dénonçant les élites vendues à l’atlantisme du gouvernement de Milo Djukanovic. Le ministère de l’Intérieur a interdit les rassemblements d’opposition mais l’occupation par les manifestants de certaines places dans 15 des principales municipalités du pays continue. Les tentes se plantent et les organisateurs en appellent à des élections anticipées. Djukanovic est en poste depuis 1991 et cela fait de lui le dirigeant européen actuellement en poste depuis le plus longtemps. A l’origine des manifestations ? Outre le ras-le-bol quant à la corruption, c’est le projet d’entrée dans l’OTAN qui en serait la cause. Il nous est difficile d’avoir beaucoup plus de détails pour le moment, mais nous enquêtons. Nous noterons toutefois qu’il est fort intéressant que des événements similaires fassent la une des journaux du monde entier lorsqu’il s’agit de pays tournant le dos à l’Occident, mais lorsque l’inverse se produit – comme il semblerait bien que ce soit le cas ici – c’est un impressionnant silence de concert de la presse occidentale.

Enfin, la République tchèque a annoncé préparer la défense de ses frontières, et a effectué des exercices conjoints de la police et de l’armée auxquels ont participé plus de 800 personnes. De nouvelles lois permettant au gouvernement de prendre des mesures d’urgence en matière de défense frontalière ont été votées et le gouvernement tchèque envisage l’envoi d’une centaine de militaires  en Hongrie, pour soutenir l’effort du gouvernement de Viktor Orbán dans la défense des frontières extérieures de Schengen.

Cette semaine encore, nous aurons eu à faire un survol de l’actualité passée afin de rattraper le fil et replacer dans le contexte des éléments plus actuels. Aussi, les plus observateurs auront noté que nous aurons fait l’impasse sur la Serbie cette semaine, malgré l’annonce de la première chronique. C’est évidemment volontaire, le sujet étant vaste, et cette chronique étant déjà bien chargée, nous avons fait le choix de s’attarder plutôt la semaine prochaine sur le cas serbe. Du Kosovo à la Hongrie, ce n’est pas les explications à donner qui manquent! Nous aurons également le plaisir d’intégrer dans notre future chronique un compte-rendu de d’une conférence de la présidente croate à Budapest à laquelle votre serviteur assistera le 7 octobre.

A la semaine prochaine, et n’oubliez pas, le soleil se lève à l’Est !

Ferenc Almássy

Crédit photo  :  DR
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