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Les foires aux vins passées au scanner

02/10/2015 – 07H00 Nantes (Breizh-info.com) –  Alors que les foires aux vins battent leur plein, que les enseignes de la grande distribution rivalisent pour attirer le chaland à coup de publicité, Breizh-info a voulu savoir ce qui se cache derrière les annonces alléchantes, les promos imbattables et les prix cassés. Sans langue de bois et en toute liberté. De la réinformation, tout simplement – guidée par une seule passion :  celle que nous avons pour le vin, cette boisson unique qui fait partie de notre patrimoine culturel.

Foires aux vins ou foires ovins ? « Les Français sont des veaux » disait de Gaulle. Mais aussi des moutons à les voir se ruer sur les sélections attrape-mouches de la grande distribution.

Certes, il est de bon ton de pointer l’indigence d’un cérémonial  frénétique ou le vin s’achète par caddies entiers  et terminera pour une bonne partie dans le siphon d’un évier. Le sommelier-consultant Emmanuel Delmas en a  fait son fonds de commerce. A l’image de ses confrères,  ce chevalier blanc du vin de vigneron authentique,  s’est lancé  dans une croisade contre les vins de supermarché. De son regard, le commerce du vin est perçu  sous le jour d’un mythique  clivage, réservant  aux vertueux cavistes les vins d’artisans tandis que la grande distribution  serait le vilain suppôt des négociants industriels. Une vision quelque peu manichéenne qui mérite d’être redressée.

En vérité, nos petits détaillants croquent aussi dans le plantureux pactole du vin « zombie* »  .De fait,  la   frontière entre  le bon caviste,  digne représentant du vin probe et l’inique centrale d’achat, vecteur du  vin technologique n’a jamais été aussi ténue. Pour le comprendre, il faut revenir aux impératifs de ce secteur d’activité à écouler  chaque  année un volume substantiel. En somme, le cœur des  ventes repose  sur ce vin  bon marché, volontiers stéréotypé, tenant lieu de  fond de roulement pour tous  les cavistes .Comme rien ne s’avoue clairement, le commerce de ces vins inavouables s’enrobe dans   le fumeux concept du «  vin de copains ».Une expression horripilante qui renvoie à la vinasse sans relief,  débouchée au débotté, et dont l’unique ambition  se limite à  étancher la soif de buvards parasites. Alors oui le caviste dénicheur roule aussi pour de gros négociants pourvoyeurs de vins accommodants particulièrement plébiscités par le grand public : le Gégé du bio pipeau alias Gérard Bertrand, vins putassiers de Gascogne (Plaimont, Uby, Tariquet) et autres négoces tentaculaires tels que les Grands chais de France ou le  groupe Advini.

De surcroît, face aux besoins de trésorerie et à la nécessité de vendre des fins de stocks, le vigneron ne s’embarrasse pas toujours  de la noblesse  du circuit de distribution. Notre enquête révèle  une connivence à peine voilée  des plus grands  vignerons avec les mastodontes de la grande distribution, même si la  majorité  avance masquée et se déleste de ses vins en toute discrétion, sous un habillage différent. Afin de  faciliter vos recherches,  sans tomber dans les chausse-trappes des foires, nous vous proposons une petite synthèse regroupée en quatre thématiques.

Dernier constat, l’étrange parenté des sélections afférentes aux diverses enseignes. Au point de se  demander si les centrales d’achat ne font pas leurs courses ensemble ? La collusion paraît vraiment flagrante entre les sélections de Super U et Leclerc, qui partagent une vingtaine de références en commun, assorties de prix étrangement alignés ! Le Conseil de la concurrence serait bien avisé de renifler dans les dessous du  cartel  vinassier qui pourrait bien virer à l’aigre…

Les rossignols

Les rossignols

Illustration Marie Leviel, La Presse

Sous cette rubrique, nous avons les immanquables « nanars » des foires aux vins. Ils reviennent tels des marronniers et ringardisent de plus belle l’image d’un événement commercial figé sur des valeurs éculées.

En pole position, le ban et l’arrière ban du Haut-Médoc qui s’offrent  encore curieusement dans les rutilants millésimes de 2009 et 2010 chez Intermarché.

Tiens donc, il reste des vins à vendre chez d’Arcins, Agassac, Beaumont, Citran, Larose-Trintaudon, Coufran, Sénéjac, Lanessan ? Ces grands bourgeois exhibent un fruité baroque et courtisan  dopé à la thermovinification,  sur un fond vanillé à l’excès, leur style ripoliné est une profonde source de morosité gustative  pour les palais non conformistes. Des  vins désuets, destinés aux amateurs de bordeaux ultra-classiques qui fleurent  bon la décadence et tendent à lasser leur public comme en témoigne les disponibilités sur des millésimes très convoités.

Le Pomerol apporte aussi sa contribution au vide-cellier de la rentrée avec  des seconds couteaux (Taillefer, la Pointe et Clos René) coutumiers des rayonnages. Leur merlot rondouillard inspire un profond ennui tant il manque à ces vins le nerf et la personnalité du terroir. Une  mention  spéciale à Intermarché  qui  exhume le  « La pointe » sur un millésime de fond de tiroir : le 2007 ! Auchan  n’est pas en reste  en pomerols poussiéreux : la croix du Casse 2006 21.9€ et château la Patache 2010 19.9€ (même le nom est has been).

Le négoce bourguignon a toujours les cuves bien remplies  pour  les foires aux vins. Chez Leclerc la maison Bouchard tient le haut du pavé, le leader de la « bande des trois* » est passé maître dans le pinot noir ultra filtré au fruit décharné, les blancs se montrent toujours très durs sous l’effet d’un sulfitage immodéré. Plus honorables mais souvent rébarbatifs, les vins de la  petite maison Rougeot-Dupin accessibles chez Leclerc et Intermarché. Enfin, le tout-venant de la maison Jadot  se retrouve aisément dans l’ensemble des enseignes, les blancs se singularisent par une acidité régulièrement métallique, quant aux rouges, ils cultivent une veine impersonnelle et anémique dont la maison s’est faite une spécialité.

Mais le plus consternant revient au négoce alsacien doué d’une formidable ubiquité, car aux devants des rayons  dans  toutes les enseignes. La clique des marchands de ripopée : Geiler, Wolberger,Henri Ehrhart, Joseph Cattin, Ribeman endort l’amateur d’Alsace à bon compte  avec des vins issus de rendements pléthoriques et chaptalisés pour compenser la dilution des moûts.

Les immondes  champagnes « vrankenisés* » ferment la marche  avec Charles Lafitte et son flaconnage grotesque  chez Auchan, les champagnes Demoiselle, Chanoine Frères, GH Martel (14.99€) à la bulle décapante… Avis aux téméraires !

Double jeu

Background of wine corks

A la dérobée ou  sans vergogne des vignerons connus et respectés,  lâchent quelques lots de leurs vins ou misent clairement sur la puissance de vente de la  grande distribution. Les cavistes apprécieront cette duplicité  et pourront s’interroger  sur  leur compétitivité à l’aune des prix pratiqués par le rouleau compresseur de la GD.

Commençons par le vigneron Jérémie Huchet, le domaine de la Chauvinière mis en avant par les meilleurs cavistes de Nantes, brade son Clos Montys à 4.5€ chez Carrefour. Même la famille Couillaud se risque à céder leur Muscadet  très confidentiel  élevé sur lies pendant 36 mois  à Intermarché : Cuvée « M » 2012 9.9€ (belle affaire).

En Saint-Pourçain, le très respecté domaine Nebout change son étiquette et son nom ! (Il devient opportunément le domaine du  Pavé pour Intermarché) et vend   sous « la coquille » une cuvée l’escargot 6.9€ en blanc et en rouge (pinot noir/gamay).

En Faugères, le domaine Ollier-Taillefer, l’enfant chéri des cavistes travaille avec la  grande distribution sur une cuvée  baptisée d’un nom de circonstance : «Garrigae »Faugères 2012 à 9.9€.

Pour la Loire, pas de bonne foire aux vins sans le petit Bourgueil au fruité juvénile qui flirte avec la sous-maturité : Joël Taluau  est un  habitué des Leclerc, Amirault et  Grosbois  consacrent une cuvée de négoce à l’enseigne U : vert et  mince le Bourgueil « les caillotes » 2014 (6.3€)

Le Chinon  d’école du domaine Olga Raffault, véritable vin de tavernier pour la restauration nantaise  est chez Leclerc dans une cuvée friande toujours bien exécutée : « les barnabés » 2013 (9€ chez Leclerc).

La grande figure du Reuilly, Claude Lafond pactise avec Leclerc aux fins d’écouler  ses très beaux sauvignons sous la  cuvée le Fussay 6.45€, à noter que son rosé obtenu du  pinot gris (spécifique à l’appellation) se distingue par une  extrême délicatesse  à environ 7€.

Jérémie  Mourat  en Fiefs-vendéens, réserve à Auchan les fonds de cuve de sa marque  entrée de gamme « vignes de loups », sans intérêt !

En Jurançon, le domaine Cauhapé livre son très beau Jurançon sec cuvée « Tourbillon » à 8.95€, (belle affaire).

Enfin les caciques  de l’Alsace   (Zind-Humbrecht, René Muré et Ostertag) concèdent de beaux spécimens à certains  Intermarché et magasins U.

Ni « bu » ni connu je t’embrouille !

verres-a-vin

Dans cette rubrique, les grands noms du Bordelais sèment la confusion avec des étiquettes ambivalentes reprenant les codes graphiques de la propriété-mère. Illustration avec le célèbre Maucaillou, ce beau nom du Moulis se décline en Bordeaux supérieur (5.5€ chez Intermarché) et en Haut-Médoc (9.9€ chez Leclerc) par le biais de la marque éponyme. La qualité de ces vins est irréprochable mais la mise en avant du nom Maucaillou prête à l’ambiguïté en raison d’un marketing de marque mystificateur. Le château  Léoville Poyferré en use et en abuse pour maquiller son brave Saint-julien Moulin riche avec le fard du grand cru classé. Pour autant, la palme revient au cru communal Margaux Cure de la Bourse chez Intermarché dont l’étiquette ressemble à s’y méprendre à celle du Troisième cru classé Dufort-Vivens. Tout s’éclaire : les deux propriétés appartiennent aux  Lurton, illustre famille « marchande » de Bordeaux…

Non sans paradoxe, les Français achètent leurs vins en grande surface mais gardent quelques scrupules et demeurent soucieux d’acheter le travail d’un  vigneron. Il est préférable de se fier à la capsule-congé relative à la  bonne provenance, (le « R »  pour récoltant) car les négociants aiment se donner un petit air de récoltant sous des dehors d’étiquettes champêtres à même  de faire oublier leurs immenses raffineries à vins. « Mis en bouteille au domaine, au château », dans nos chais », autant de  mentions  qui se rattachent aux entités de groupes surpuissants comme Jeanjean ou Gérard Bertrand pour le Languedoc, loin de l’imagerie de la bastide de garrigue… « Le Causse d’Arboras » 2014 de Jeanjean en  terrasses du Larzac 10.5€ ou le Château la Sauvageonne cuvée « les Ruffes », 2013 en Pic saint Loup 8.8€  de Gérard Bertrand chez Leclerc.

Les bons coups

Bouteilles-de-vin-en-verre-Confitures

Allons terminons sur les bonnes affaires, découvertes subrepticement dans ce  vaste fourre-tout de la grande braderie du vin :

Châteaumeillant, domaine Roux, « Voluptas » 2014 .6.7€ (Système U) : obscur inconnu du grand public, ce vignoble très confidentiel  du Berry  (assemblage pinot noir/gamay) présente des vins au fruité croquant rehaussé par des accents poivrés. Face au manque de notoriété, le domaine  se réfugie dans le débouché de la  grande distribution, magnifique en considération de son prix !

Côtes du Roussillon Mas Amiel, « Pur schiste » 2014.  9.9€ (Leclerc) : non loin de la célèbre vallée de l’Agly, le Mas Amiel a forgé sa réputation sur le Maury ( vin muté).Néanmoins , le domaine s’est diversifié avec une certaine réussite dans une production de vins rouges et blancs secs  .Cette cuvée de grenache démontre une belle habileté  à trouver un juste équilibre entre la richesse du fruit et la puissance en alcool  sans verser dans la lourdeur et la sucrosité du cépage.

Ripaille, Château Ripaille, 2014. 5.65€ (chez Intermarché) : que voilà une belle curiosité, le vignoble méconnu de Ripaille au bord du lac Léman n’a qu’un seul représentant : le château éponyme d’une vingtaine d’hectares. Le nom n’évoque pas les bombances du seigneur de Ripaille mais renvoie à l’ancienne friche buissonnière « les ripes » qui colonisait les rives du lac avant que la vigne ne s’y installe. Très beau vin blanc issu du  chasselas, fruit délicat aux tonalités florales sur un fond d’amande.

Moulis, Château Anthonic, 2009 .12.5€ (Intermarché) :Intermarché se démarque nettement dans sa sélection de bordeaux, l’enseigne truste les grands noms à des prix relativement accessibles. Surtout, elle n’hésite pas à  s’écarter  des valeurs traditionnelles en proposant des outsiders qui méritent une véritable attention. Le château Anthonic  défend une interprétation terrienne du Moulis, sensiblement différente d’un Chasse-spleen. Les tanins sont  habituellement assez saillants mais le vin atteint, grâce à l’ancienneté du millésime,  un superbe fondu avec un mordant qui fait défaut aux Bordeaux.

Listrac-Médoc, Fourcas Hosten, 2009. 12.9€ (Leclerc) : valeur sûre du Listrac dans un millésime sympathique, cette appellation est réputée pour la longévité de ses vins, saine contrepartie de leur supposée rusticité.

Saint-Emilion,Grand Cru , Croque-Michotte,2010. 16.95€ (Leclerc) :  la propriété de Pierre Carle a été exclue non sans remous  du dernier classement de Saint-Emilion de 2012. Absurde ! Mais une belle opportunité pour les amateurs détachés des lumières des classements factices et complaisants.

Bordeaux supérieur, domaine de l’île Margaux, 2010. 9.95€ (Intermarché) : un bordeaux « sup » de « palus » né des sols limoneux de l’île Margaux, sa concentration spectaculaire et la singularité de son terroir  en font sûrement le vin le plus atypique du Bordelais.

Muscadet, cru Hiérarchie, Château de la Preuille, 2010 et 2003. 8.5€ : propriété historique du Muscadet,  disponible sur des millésimes avantageux à moins de 10€, il faudrait être fou pour dépenser plus !

Porto, Graham’s, LBV,2008 . 18.89 € : LBV pour Late bottled vintage. Le vintage du pauvre (car souvent plus modéré en tarif) se différencie par une mise en bouteille tardive  (après 4 ans) qui succède à un vieillissement en foudre et se montre ainsi davantage oxydatif qu’un vintage au fruit préservé. La maison est réputée pour l’extravagance de ses vins.

 Raphno

*Vin Zombie : Expression inventée par le bloggeur Antonin Iommi-Amanategui  de Rue 89 se référant  aux vins mort-vivant, « grimés à grand renfort de produits œnologiques »  et qui révèlent après analyse des traces de pesticides: Mouton Cadet et Baron de Lestac sont de beaux archétypes.

*Bande des trois : Expression employée par Robert Parker pour désigner  les trois plus mauvais négoces bourguignons (Bouchard, Labouré-Roi, la Reine Pédauque) dont la production surreprésentée,  a causé bien du tort à certaines appellations de Bourgogne.

*vrankeniser : Néologisme de Tom Stevenson (le Parker du Champagne) dénonçant le champagne au goût uniforme que le magnat  belge Paul-François Vranken a systématisé pour les marques de son empire.

Crédit photos  :  DR
[cc] Breizh-info.com, 2014, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

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4 réponses à “Les foires aux vins passées au scanner”

  1. tom per dit :

    Nul à chier cet article

    • Carafon dit :

      L’article est certes charnu et viril et nécessite un petit effort de concentration pour en retirer tout son corps et son caractère, en comparaison votre commentaire – qui aurait pu être vif voire canaille – est simplement acerbe et plat. Dommage :-)

  2. Eric dit :

    Excellent article (qui ne fera pas plaisir à tout le monde… bien sur !). On voit tout de suite l’amateur très éclairé (un professionnel ?) qui ne se laisse pas berner par les immanquables « nanars » des foires aux vins. Et qui propose une belle sélection. Merci pour ce beau travail !

  3. raphno dit :

    mais encore Tom? Pouvez vous argumenter ou simple frustration pouvant trouver diverses explications: Acheteur de Haut Médoc depuis 20 ans ? Chef du rayon liquide chez Leclerc? un peu laconique et gratuit ce commentaire!
    Raphno

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